Et si, nous commencions, très exceptionnellement, notre chronique, par un compréhensif et amical reproche ?
Pourquoi, chère Déborah REMY, nous avez-vous caché, depuis si longtemps, votre très bel album ?
En effet, ce n’est que tout récemment, en mars 2020, que nous avons reçu de vous, accompagné d’un sympathique et humble mot assorti d’un communiqué de presse, un exemplaire de votre disque « De terre et d’eau ».
Dès son attentive écoute, une interrogation s’est, immédiatement, imposée à notre décision. Nous avons, en effet, découvert de superbes plages musicales et textuelles… ceci, concomitamment avec une date de parution remontant à novembre 2017 !
Privilégiant, habituellement, une « couverture événementielle » s’inscrivant dans une période de 1 à 3 mois, après publication, la ligne éditoriale de Culture et celtie, l’e-MAGazine n’étant, néanmoins, pas arc-boutée, dans l’esprit d’une recherche effrénée du scoop ou de l’annonce immédiate de parution, mais, avant tout, dans une quête permanente de la qualité, nous autorise, aujourd’hui, dérogeant à notre principe initial rédactionnel, et avec le plus grand des plaisirs, l’élaboration de cette chronique en ligne.
Nous devons à nos amis visiteurs qui seront ravis de découvrir un travail artistique raffiné et séduisant, une explication quant à ce différé entre la date de sortie officielle de ce présent opus et l’échelonnement de la communication de l’artiste.
Coproduit grâce au financement participatif, « De terre et d’eau » est, à la base, un CD entièrement autoproduit et autodistribué qui a fait l’objet, autour de sa période de sortie officielle, de quelques interviews très positives et de multi-diffusions, notamment, sur les ondes de COB’FM et de Bretagne 5 qui ont intégré quelques titres dans leurs playlists.
Mais il est, toujours, bien difficile et très long de médiatiser, sur les grands réseaux, des autoproductions, et ce n’est, en fait, qu’au début 2020, après avoir été, très largement diffusé sur la web radio de musique bretonne, CANAL BREIZH (Voir article) et, précisément, en mars 2020, que France Bleu Armorique, au cours de l’émission « Les talents bretons » animée par Yann BRIALIX, a porté écho à cette fort belle production discographique.
C’est, aussi en 2020 (le 22 janvier), que la radio briochine Bretagne 5 a rediffusé une interview réalisée antérieurement.
Culture et celtie, l’e-MAGazine est donc, fier et honoré de participer, finalement à un moment opportun, à cette 2ème vague de promotion récente et de mettre à la UNE de ses pages en ligne, Déborah REMY et son album « De terre et d’eau ».
Il s’agit d’un Compact Disk de 12 titres, tous, des créations originales qui constituent un programme, une authentique déclaration d’amour à la Bretagne, durant plus de 40 minutes, avec des textes poétiques ciselés qui décrivent plusieurs paysages et visages de la péninsule armoricaine.
Mais, c’est avant tout, la narration d’un passé, d’un présent et d’un futur, d’une épopée s’étendant des années 20 à nos présents jours, ceux-là même qui envisagent un lendemain.
En fait, la chanteuse binicaise, fille de Bretons de Paris où elle a vécu, revenue depuis 10 ans, en Bretagne, nous livre un projet artistique très affectif et pétri de gratitude pour les aînés.
Déborah REMY nous compte l’histoire de nombreuses familles bretonnes qui, dans les années 1920, ont quitté le « pays », pour « monter à Paris », afin d’y trouver du travail et d’assurer, ainsi, un avenir pour leurs enfants.
Au fil des années, quelques-uns d’entre eux, parmi les nouvelles générations, reviennent sur les terres des « anciens » pour y découvrir un certain héritage, une culture, une qualité de vie et une convivialité parfois étrangère au tumultueux contexte urbain des grandes villes.
C’est, aussi, on le perçoit aisément, l’histoire de Déborah, mise en textes et musiques, l’artiste s’inspirant de la vie de ses grands-parents qui lui ont transmis l’amour de la Bretagne.
Il y a, quasiment, un aspect anthropologie, qui, sous-jacent, transparaît au travers de cette expression musicale et vocale, aux influences, largement, celtiques.
Non locutrice de la langue bretonne, Déborah chante en français avec une âme, néanmoins, bien bretonne !
Lors de plusieurs interviews, Déborah, précise qu’elle a conçu cet enregistrement, mûri depuis 10 ans, comme une comédie musicale où tous les morceaux sont liés en tissant le fil conducteur d’une histoire.
Le côté « comédie musicale » peut déconcerter, même éloigner certains d’entre-vous de cette fort belle réalisation. Soyez rassurés, les mélodies et le propos n’ont, ici, rien de commun avec nombre de futiles bleuettes, sommairement, écrites sur des mesures simpliste et répétitives qui ont émaillé trop de productions se réclamant de ce style, les piètres auteurs ne nommant pas Plamondon, Cocciante, Chouraqui, Obispo ou Berger.
Si la structure est, en effet, conforme à ce style où s’enchaînent, autour d’une même histoire, musiques, chants et interludes parlés, nous préférerons vous évoquer un album conceptuel qui se parcourt comme un livre dédié à la Bretagne d'hier et d'aujourd'hui, avec des chapitres, des époques, un ouvrage sonore divisé, comme mentionné au dos de la jaquette, en quatre parties : Partir, Revenir, l'Armor (pays côtier) et l'Argoat (pays de l’intérieur).
De la pop, de magnifiques ballades, des chants de marins affinés, voire, même, des interludes dits, rappelant contes et légendes, proposent une pittoresque galerie de tableaux qui évoquent, entre autres, Brocéliande, la fête de la Saint-Jean et ses festoù-noz, le monde maritime, mais aussi, des ressentis plus personnels qui abordent, aussi, la quête de soi et la recherche d'une sagesse intérieure qui s'ouvre, notamment, au monde et aux autres cultures.
Pour donner corps et âme à cette substantielle et esthétique fresque musicale, Déborah a su s’entourer, vous le constaterez, d’excellents musiciens, certains de la scène celtique, ou tous amoureux de la Bretagne.
Nous retrouvons, ainsi, celui que la chanteuse définit comme son « binôme », Alban SAUTOUR (réalisation du premier disque éponyme de ZAZ) qui officie, ici, aux guitares, basse, violoncelle, bouzouki irlandais, ukulélé, claviers, programmations de cordes et tambourin, en assurant, également, les arrangements, la direction artistique et le mixage de l’enregistrement.
A la batterie, bodhràn et shaker, nous trouvons, le romain, Simone PRATICCO (Ibrahim MAALOUF…).
Loic TAILLEBREST (I MUVRINI, SOLDAT LOUIS, STING, Mike OLDFIELD…) est à la cornemuse, à l’uilleann pipe, et au tin whistle.
A la harpe celtique, Nolwenn ARZEL (Nolwenn LEROY, Gilles SERVAT).
Au fiddle, violon, c’est… Soazig HAMELIN !
Au piano pour, « En-Dro » et « Ecueils », intervient, Erik CHARLAT.
Les enregistrements en studio, pour la harpe, le fiddle, le piano et la voix, ont été effectués, de mai à juin 2017, au studio du Faune, à Montauban de Bretagne -35-, (Voir site) par Xavier AUBERT et Alban SAUTOUR.
Pour la batterie, c’est Francesco DE NIGRIS qui a « mise en boîte », au studio NGR de Rome (Voir page) .
Tous ces talents concourent à l’élaboration d’une production, vraiment, aboutie, finalisée par le mastering de Raphaël JONIN.
Nous vous le laissions entendre, dès le début de cette chronique, c’est la qualité vocale, musicale et textuelle qui a retenu notre oreille, notre attention et qui séduira, sans le moindre doute, la vôtre.
Les textes, on ne parle plus, présentement, de simples paroles, sont écrits, en solo, par Déborah REMY où, conjointement avec sa mère, écrivain, parolière et journaliste, Isaline REMY, notamment, auteur du roman « Les Garçailles, Enfants de Bretagne », paru, en 2013, aux Editions du bout de la rue (Voir page) , ouvrage qui a inspiré le premier titre de l’opus « Quitter leur terre » et, plus largement, l’esprit, même, de l’album.
« Le courage, pour seul bagage,
Ils quittent leur terre.
Elle qui, dans son sillage,
A forgé leur caractère,
Face aux forces des éléments
Comme elles sont en Bretagne,
Au milieu des tourments ?
Le doute les accompagne...
Partir ils croient
Pour une vie meilleure,
Tout en gardant le choix
D’emmener leurs valeurs » …/…
Quelques textes, également, sont à attribuer au romancier et poète Robert BLONDEL (Plage 9 - « En dro »), au parolier, Mark O’SPENCER (Plage 7 - « Vie de corsaire ») et à l’écrivain corse Jean-Pierre ORLIAC, mais ô combien, admirateur de la Bretagne, au point d’écrire, ces magnifiques mots, pour la balade « Finistère », en 6e piste du programme.
« Là-bas où sont les rochers
Que vient écumer la houle
L’océan se fait messager
Inlassable y déroule
D’antiques vagues de mémoire
Légendes nées du fond des eaux
Elles viennent conter l’histoire
Les récits qu’on veut savoir
Du sort des hommes et des bateaux.
Finistère
Entre larmes et bonheur
Finistère
Sont les fils de la terre
Finistère
La mer au fond du cœur
Finistère
Comme une prière
A l’océan vainqueur. »
C’est, aussi, Jean-Pierre ORLIAC qui signe le texte franco-corse qui traduit le trait d’union sentimental et culturel reliant la Bretagne et la Corse. Le titre de cette prenante 11e plage explicite, de lui-même, ce solide lien qui est tissé entre l’île et la péninsule : « Deux terres, un cœur ».
Il s’agit d’un très beau duo entre Déborah REMY et le chanteur corse du groupe MERIDIANU, Jean-Antoine ORTICONI qui, sur tapis de harpe et de cordes, se répondent et fusionnent, pour cette page de concorde, unissant, pour cette pièce, leurs voix et leurs talents de compositeurs.
Une architecture particulière pour cet album conceptuel, des textes poétiques substantiels de haute volée et portée, tant sur le fond que sur la forme, des interventions instrumentales d’exceptionnelle facture, comme, entre bien autres moments de grâce, l’introduction quasi symphonique de « De terre et d’eau », le voluptueux solo de guitare intervenant au dernier tiers de « L’effet mer », les pleurs de l’uilleann pipe qui introduisent « Ecueils » ou la mélancolique démarche pianistique qui souligne l’introduction parlée de « En Dro », sans oublier, tout au long de ce voyage à travers le temps, les enluminures de cordes, qu’elles vibrent des violons ou de la harpe celtique, soutenues, selon les pièces, par une batterie tout à tour efficace tant par sa discrétion que sa prédominance. Et… et, nous l’avons gardé pour le terme de ce « papier », une voix exceptionnelle !
En effet, la pépite de ce coffret de joyaux de notes et de mots est la voix claire, affirmée mais nuancée, de Déborah. Même lorsque, pour nombre de morceaux, le spectre instrumental devient dense, celle-ci survole, avec grâce et parfaite intelligibilité, survolant les strates mélodiques et ornementales qui font vibrer ce disque et notre émoi.
Lors des deux interludes poétiques, « Ecueils » (Piste 5) et « Celtitude » (Piste 10) qui ponctuent ce riche programme, vous pourrez, également, apprécier les qualités d’interprétation et la sensible conviction de l’artiste qui aime viscéralement, et cela s’entend, l’Armorique !
« Sur les roches acérées
Perdues dans les brumes
La mer lève très durement
Sur des tètes immergées
Son courant de flots
Clinquants diamants épars » …/…
« Ecueils » - Texte : Isaline REMY / Musique Déborah REMY.
Intrigué par le bruissement dans les feuillages,
Le Druide s'enfonce dans la forêt aux formes étranges,
Fugaces, dans les brumes des landes.
« Celtitude » - Texte : Isaline REMY / Musique Déborah REMY.
La remarquable qualité de ce disque est le fruit de l’expérience d’une artiste qui chante depuis 20 ans avec le soutien de l'île de Bréhat et de l'association du Moulin de Birlot.
Déborah REMY est entrée au Conservatoire à l'âge de 13 ans pour étudier le solfège, l'histoire de la musique et le piano. Sa passion l'a, très vite, poussée vers l'écriture musicale et littéraire. Elle a composé de la musique d'illustration pour textes poétiques, ballets de danse contemporaine et essais pour musiques de films. Tout s’explique !
Oui, nous avons été, plus que très agréablement, surpris par ce Compact Disk, par ailleurs, présenté sous une jaquette racée et joliment illustrée de belles photos noir et blanc et couleurs que nous devons à Philippe ERARD.
Celle-ci est assortie d’un précieux livret d’une dizaine de pages qui reprend les textes chantés ou contés.
Oui, nous avons découvert une bien belle artiste que nous ne connaissions pas et qui écrit, compose et chante avec grandS talentS.
Oui, nous sommes très heureux d’avoir outrepassé nos critères temporels de publication pour vous présenter ce très bel album que vous allez être, nombreux, très nombreux, à vous procurer par la voie du site Internet de Madame Déborah REMY et que vous allez déguster, sur votre installation HI FI préférée, à bon volume, pour en apprécier toutes ses strates et subtilités textuelles et mélodiques.
Varié et nuancé, nourri des multiples facettes créatives de l’artiste, « De terre et d’eau » de Déborah REMY est un retour aux sources, une manière de comprendre un passé pour écrire l’avenir dans sa modernité et son temps. Un essentiel de la musique mélodique bretonne, d’aujourd’hui !
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : Déborah REMY - «De terre et d'eau» - Extrait de «Quitter leur terre» - 01:16.
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)
Les titres du CD de Déborah REMY - «De terre et d'eau»
01. Quitter leur terre — Paroles et musique : Déborah REMY - 04:12.
D'après le roman «Les Garçailles de Bretagne d'Isaline REMY).
02. Juste heureux — Paroles et musique : Déborah REMY - 03:30.
03. De terre et d'eau — Paroles et musique : Déborah REMY - 03:52.
04. L'effet mer — Paroles : Déborah REMY et Isaline REMY - Musique : Déborah REMY - 04:08.
05. Ecueils (Interlude poétique) — Texte : Isaline REMY - Musique : Déborah REMY - 02:30.
06. Finistère — Paroles : Jean-Pierre ORLIAC - Musique : Déborah REMY - 04:20.
07. Vie de corsaire — Paroles : Mark O'SPENCER - Musique : Déborah REMY - 02:45.
08. Feu sacré — Paroles : Isaline REMY - Musique : Déborah REMY - 03:06.
09. En-dro — Paroles Robert BLONDEL - Musique : Déborah REMY - 04:53.
10. Celtitude (Interlude poétique) — Texte : Isaline REMY - Musique : Déborah REMY - 02:11.
11. Deux terres, un coeur — Paroles : Jean-Pierre ORLIAC - Musique : Jean-Antoine ORTICONI et Déborah REMY - 04:19.
En duo avec Jean-Antoine ORTICONI.
12. Ode à la pluie — Paroles : Déborah REMY et Isaline REMY - Musique : Déborah REMY - 03:36.
Durée totale : 43:22.
CD »De terre et d'eau"- Déborah REMY.
Parution : novembre 2017.
Distribution : ARWEN diffusion (Voir site)
Réf : 3 589412 345642
Le site Internet de Déborah REMY : (Voir site)
© Culture et Celtie
■