Tout le monde a entendu parler du Traité de Versailles qui mit fin à la Première guerre mondiale, un traité très dur pour l'Allemagne et ses alliés et qui fut en partie à l'origine de la 2nde guerre mondiale. Certains d'entre nous ont aussi entendu parler du Traité de Sèvres signé en 1920 par les alliés vainqueurs et la Turquie. On en a beaucoup parlé ces dernières années, car il divisa le territoire kurde sans le moindre scrupule pour la nation kurde. Une énorme erreur historique dont la France partage la responsabilité avec le Royaume-Uni et les autres alliés.
Mais qui a entendu parler de l'infâme [[Traité de Trianon]] dont on commémore aussi cette année le centenaire ? Le Traité de Trianon signé le 4 juin 1920 au Palais du Grand Trianon de Versailles fit suite au traité de Versailles et officialisa la dislocation de l'empire austro-hongrois. Dans le Traité de Trianon, le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » a été refusé à des millions de Magyars comme il avait été refusé aux Kurdes au traité de Sèvres. Cela a eu pour conséquence de faire passer 3,3 millions de Hongrois (soit plus de 30 % d'entre eux) sous domination étrangère. C'est un traumatisme historique pour la Hongrie qui n'en est certainement pas guérie, en particulier le peuple hongrois des Sicules (le Szeklerland) qui sont plus d'un million de personnes à vivre en plein coeur de la Roumanie !
Tous les ans a lieu le 10 mars «le jour de la liberté du Szeklerland». Cette année plusieurs centaines de milliers de personnes étaient attendues à Marosvásárhely au pays des Sicules en Roumanie, mais en raison de la pandémie du coronavirus, le rassemblement a dû être annulé. La Bretagne y avait prévu un représentant. Pour compenser, l'ABP a interviewé à ce sujet le politologue hongrois Attila Dabis et Skol Uhel ar Vro a envoyé un message vidéo.
[ABP] Plus d’un million de Hongrois vivent aujourd’hui en Roumanie, une grande partie dans cette région historique appelée le pays des Sicules en plein milieu de la Roumanie. Comment cela est-il advenu ?
[A. Dabis] A cause du Traité de Trianon qui a conclu la première guerre mondiale pour la Hongrie le 4 juin 1920, le royaume hongrois a perdu deux tiers de son territoire et deux tiers de sa population (y compris plus de 3,5 millions de Hongrois qui se sont retrouvés à l’extérieur des nouvelles frontières). La Hongrie a aussi perdu de 80 à 100% de ses ressources en pétrole, gaz, or et argent, minerai de fer, sel et forêts. Ce traité hante toujours la mémoire collective des Hongrois. Alors que le Szeklerland (le pays des Sicules, ndlr) était une région à la frontière de la Hongrie et se retrouve aujourd'hui au beau milieu de la nouvelle Roumanie !
Malgré un siècle d’épreuves, les Sicules ont réussi à préserver leur culture et leur identité. Cette réussite est principalement due au fait que les Sicules sont une partie intégrante de la nation hongroise. Ils ont aussi leur identité régionale spécifique avec leurs propres drapeau, blason et hymne. Si vous visitez la région aujourd’hui, vous découvrirez des villages où 100% de la population parle hongrois et appartient la communauté des Sicules.
[ABP] Le Prix Nobel de la paix, le Breton Aristide Briand, avait déclaré au sujet du Traité de Trianon à l’Assemblée Nationale : «il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte pour s'apercevoir que les frontières de la Hongrie ne consacrent pas la justice». Pouvez-vous commenter ?
[AD]Nous avons été obligés d’accepter cette injustice et de vivre sous un pouvoir étranger qui essaie de nous éliminer depuis une centaine d’années. Le fait que nous soyons toujours là mérite d’être célébré. C’est pourquoi nous avons décidé de célébrer «l’année du rassemblement» plutôt que de nous apitoyer et de sombrer dans la déprime au sujet de nos tribulations historiques. Cet état d’esprit, cette volonté de survivre, pourront j’espère inspirer d’autres communautés comme les Bretons par exemple. Le message étant qu'on ne peut pas se permettre le luxe de renoncer à soi-même, à son identité.
[ABP] La France applique-t-elle «Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes» selon ses propres intérêts géopolitiques du moment, comme on l’a vu avec les traités qui ont conclu la première guerre mondiale ?
[AD] La France applique le principe deux poids, deux mesures, depuis un certain temps. D’un côté elle applique avec énergie l’idéal jacobin d’un état-nation dans la France métropolitaine, un idéal qu’elle est désireuse d’exporter à d’autres parties du monde. En même temps, la France donne l’opportunité à certaines colonies d’outre-mer (DOM_TOM) de décider de leur propre structure politique en faisant référence à la charte des Nations-Unies et au Pacte International des droits civiques et politiques (ICCPR).
Si la France veut prendre au sérieux le principe que «tous les peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique et de poursuivre librement leur développement économique, social et culturel», alors le minimum serait d’engager un dialogue avec ses citoyens avant de faire une reforme territoriale telle que l’a faite François Hollande en 2014. Les Bretons ont été injustement privés de leur capitale historique, Naoned/Nantes depuis trop longtemps. Il est grand temps que les Bretons se fassent entendre à Paris afin de mettre en oeuvre une structure administrative et un pouvoir de décision décentralisés. N’oublions pas que les Bretons ont collecté plus de 100 000 signatures dans une pétition réclamant le retour de leur capitale historique. Il est temps de la leur rendre.
[ABP] En abolissant les frontières commerciales et en permettant la libre circulation des personnes et des biens, la Communauté Européenne n'a-t-elle pas apporté une sorte de solution au problème des régions nationales ? Pensez-vous qu’une occasion historique a été manquée ? Toutes ces questions de frontières injustes arbitraires n'auraient-elles pas pu être résolues une fois pour toutes ?
[AD] L’UE, et avec elle la CEE, est avant tout un projet de paix. Pour que le système marche, il a besoin d’un élément essentiel qui est la confiance. La construction de l’Union Européenne découle du fait essentiel que si les États sont intégrés dans une communauté économique qui offre à ses citoyens liberté, sécurité, et justice sans frontières internes, alors les avantages communs prendront le dessus sur les lacunes du système. Si les citoyens constatent que les principes fondamentaux ne sont pas appliqués, alors ils perdront confiance dans l’intégration européenne. La crise de l’immigration a accéléré la perte de confiance et des facteurs de risques tels que la pandémie du coronavirus incitent les Etats à se montrer réservés quant à une coopération européenne plus large et globale, avec pour conséquence qu'ils prennent chacun leurs propres mesures.
La crise migratoire comme la pandémie du coronavirus sont des symptômes de plus grands changements sur lesquels l’UE a très peu de prise et face auxquels elle est à la fois exposée et vulnérable. Si les dirigeants européens continuent à ne pas chercher et trouver à l’échelon européen des réponses communes viables à ces challenges, du moins à un certain niveau, alors de plus en plus d’Européens remettront en cause l’objectif de poursuivre une plus grande intégration. Si une masse critique de personnes perdent la foi dans la viabilité de la Communauté Européenne alors nous risquons de vivre bientôt une époque où nous aurons un sentiment de nostalgie pour l'Europe d'aujourd'hui.
[ABP] Merci
Voir aussi notre article sur les régions nationales .
■Les Ukrainiens de Roumanie sont de ''nationalité Ukrainienne'' sur leur passeport, idem pour les Hongrois même si tous de ''citoyenneté Roumaine''... la langue nationale et une grande partie des programmes scolaires liés à la nationalité réelle sont enseignés...
Idem en Slovaquie, la quasi totalité de Hongrois vivent au quotidien en hongrois et l'enseignement est lui aussi adapté à la nationalité des enfants. D'ailleurs, le parti hongrois (centre droit) est très proche des autres partis slovaques et à largement contribué à réduire la tendance totalitaire (à la sauce Républicaine) de la gauche slovaque dans les années 90.
Les ''Bretons ouverts sur le monde'' sont malheureusement limité au verbiage idéologique et sont loin d'appréhender la réalité des autres systèmes et donc de comprendre l'infamie dans laquelle eux-même vivent.
La citoyenneté et la nationalité chacune officialisée sont une réalité dans de très nombreux pays du monde.
=>Qui en Bretagne imagine la faisabilité d'un passeport français sur lequel il serait indiqué officiellement... ''nationalité : bretonne''...?!
(on préfère faire rire avec notre passeport breton vert non officiel qui n'a pas évolué depuis 50 ans et que l'on vend aux touristes)
Je ne suis pas sûr que 80% des Bretons sont en capacité de comprendre qu'un passeport puisse indiquer une citoyenneté et une nationalité différente!
Pour mémoire : la gauche bretonne crie aux ''heures sombres'' si on leur parle de ''nationalité bretonne''...! Voilà notre réalité!
Certes : la situation en Europe centrale n'est pas idéale, reste à améliorer... mais elle est de très loin plus respectueuse que celle que nous Bretons subissons au quotidien!
Pour rappel : Diwan (1% d'enfant scolarisé) en est rendu à tirer une fois encore la sonnette d'alarme... nous mendions là ou ailleurs en Europe des millions de personnes seraient dans la rue!
Je pense que c'est cette notion du réel et de la dignité qu'il est temps de retrouver en Bretagne.
Faudrait pas trop que les Bretons comparent leur situation avec l'Europe centrale ou les Kurdes, sauf à vouloir passer auprès de ces nations pour des extraterrestres soumis, honteux d'être nous même...
''c’est une véritable déchirure pour les Hongrois...''
Je n'ai pas dit le contraire...
Oui, c'est intéressant de visiter le coin... et très enrichissant.
Personnellement, je fréquente le coin depuis 30 ans... (dès la chute du mur).
Nombre de mes amis (très proches) sont pour parti hongrois... et parlent hongrois en plus leur langue nationale (beaucoup de locaux sont métissés : Hongrois,Ukrainien, Autrichien, etc... etc...).
D'ailleurs, il y un minaret vieux de 500 ans dans le nord de la Hongrie qui rappellent aux habitants que leur mode de vie ne tient pas à grand chose et que la liberté à un prix...
Le sujet des frontières et des nationalités est régulier/incontournable localement.
Ce que je souhaitais par mon intervention, c'est : mettre en avant que l'approche de la notion ''nationale'' est très différente de celle que nous connaissons en Bretagne... et j'espère que vous avez perçu cette importante différence lors de votre voyage...
Entre eux, ils se critiquent énormément mais également vivent leurs différentes nationalités relativement bien...
Les Bretons ne critiquent pas les Français et même se prennent pour des Français (chose aberrante pour des européens du centre) et la France n'a aucun respect de la nationalité bretonne... le but n'étant pas de critiquer pour critiquer, en Europe centrale on est bien souvent plus au niveau de la chamaillerie bon enfant liée à la perception de la réalité des différentes nationalités... qui aime bien châtie bien (ils se connaissent tous bien).
Sans compter que l'Europe centrale n'est pas l'Europe de l'ouest, là-bas les nationalités sont bien plus imbriqué territorialement alors qu'en Europe de l'Ouest la notion de ''minorité'' est loin d'être une réalité (pas de minorité française en Bretagne ni de minorité bretonne en France, mais une Bretagne et une France territorialement et nationalement bien déterminées depuis des siècles hors délire actuel de l'état-nation)...
Les Frontières bretonnes avec la France/Empire Franc datent de 851 (traité d'Angers)... aucune frontière en Europe centrale n'a plus d'1 siècle et bien malin ceux qui savent où les poser avec précision, mais les nations/nationalités sont une réalité assumée...
Maintenant, ce n'est pas un secret que le principe de l'Etat-Nation (à la Républicaine) est un modèle de plus en plus poussé par l'Union-Européenne et par l'ONU sur la zone Europe...
Donc oui, cela se dégrade.... mais non, ce n'est en rien comparable à la Bretagne.... pour l'instant du moins.
Et la pression favorisant la dégradation est plus issue de l'extérieure que lié aux habitants eux-même. Tout comme le traité de Trianon était lui aussi une intervenions extérieure.
Et oui, les locaux sont infiniment plus conscient de leur nationalité et des devoirs et droits internationaux s'y associant... dans une proportion sans comparaison avec la Bretagne (où comme je le rappelai, nous avons notre principal parti ''autonomiste'' qui tourne de l’œil à l'évocation du terme ''nation'' / ''nationalité'' concernant les Bretons).
D'ailleurs, les citoyens des nationalités d'Europe centrale sont infiniment plus présent dans les instances internationales/européennes que les Bretons (voir l'écart monstrueux de volume de signatures sur les différentes initiatives).
Nous avons beaucoup de chose à apprendre des différentes nations d'Europe centrale... mais encore une fois... même si la situation n'est pas idéale, elle est toujours bien plus respectueuse que celle que nous vivons en Bretagne et la conscience nationale des personnes là-bas est autrement plus construite que celle que nous connaissons chez nous...
Ce que j'appelle ''ouverture sur le monde'', ce n'est pas de voir le monde au-travers de nos yeux de bon ''universaliste'' mais bien d'avoir la capacité à voir le monde et les problématiques locales avec les yeux des gens que nous visitons... et d'en retirer au besoin un axe de réflexion...
Je n'ai aucun doute que les habitants d'Europe Centrale mesurent mieux le traité de Trianon que nous Bretons mesurons 1789...
Cordialement,
Concernant la Hongrie, c'était un Royaume avec des frontières très stables. Ils étaient sur un modèle assez proche de celui de la France en fait au début du XXème siècle.
...
La Slovaquie est tout de même un Etat dont l'existence relève d'une forme de hasard ou «miracle» de l'Histoire. Pressburg renommée artificiellement «Bratislava» lors de la création de la Tchécoslovaquie (tartufferie géographique allant de l'Ukraine actuelle aux Sudètes) est à 20 kms de Vienne, complétement excentrée de son pays actuel. C'était une ville à majorité germanophone pendant des siècles (mais dépendant de la couronne hongroise...Budapest étant d'ailleurs assez largement germanophone dans ses environs). La langue slovaque différe peu du tchèque. L'identité de ce pays ne coulait vraiment pas de source.
En résumé , il faudrait s'attendre au sortir d'une guerre que les vainqueurs ne soient pas animés du désir de se venger mais au contraire de faire la Paix . nous l'avons depuis 1945 en Europe et je me réjouis de la voir durer encore .
Vous n'en savez rien. Aucun référendum, aucune guerre d'indépendance, rien.
Moi je peux vous donner un exemple de référendum à l'époque, au sortir de la première guerre mondiale. Odenburg (aujourd'hui Sopron), ville de la couronne hongroise mais très majoritairement germanophone, au milieu d'une région majoritairement germanophone (le Burgenland, Etat de l'Autriche actuelle) et située tout près de Vienne...et bien là les habitants ont été consultés (car pour les français ou russes = Autriche allemande ou Hongrie, pas d'importance, ce sont deux perdants de la Guerre)...contre toute attente, aucun raisonnement linguistique (ni même géographique), c'est l'allégeance à la couronne hongroise qui a gagné et nettement.
Donc prétendre que les slaves du Nord du Royaume de Hongrie, très catholiques auraient préféré à coup sûr sortir de la Hongrie pour former un Etat indépendant ou lié aux tchèques, c'est loin d'être une évidence et absolument rien ne vient étayer cette thèse. Les vainqueurs de 14-18 se sont d'ailleurs bien gardé d'organiser un référendum du côté de Pressburg, Kassa et des montagnes slovaques !
La suite ne vous donne pas raison non plus : naissance d'un indépendantisme slovaque au sein de la Tchécoslovaquie (et demande d'une autonomie en premier lieu), collaboration des nationalistes slovaques avec les allemands au dépens des tchèques avalés dans le Reich allemand, reprise de symboles de la couronne hongroise sur le drapeau national. Par ailleurs les hongrois n'ont pas été expulsésau sortir de la deuxième guerre mondiale (et malgré des annexions hongroises dans le Sud pendant la guerre).
La revendication concernant la Slovaquie du temps des Habsbourgs était essentiellement portée par les tchèques et moraves (soutenus par les russes) au nom des slaves du Nord de l'Empire avec le soutien notamment de la France très slavophile à l'époque (ce qui explique très certainement des frontières très généreuses en 1920). Un peu comme les serbes très revendicatifs pour la Croatie ou même la Carniole (Slovénie).
Votre analyse des peuples de la région repose en grande partie sur les recensements linguistiques menés par l'administration autrichienne, hors il s'avère que les différences entre langues tchèques et slovaques sont minimes et la différenciation bien plus liées à l'Histoire (histoire hongroise pour les slovaques), où la sociologie et religion (culture rurale et conservatrice catholique en Slovaquie, urbaine et «hussiste» en Bohême).
On ne peut pas analyser l'existence d'un peuple slovaque légitimement indépendant au nom de la langue par rapport aux magyarophones puis dire que la langue n'est pas importante quand on souligne le lien avec les slaves de Bohême (le mot «tchéque» vient de «Cesky» qui signifie «Bohême» en tchèque) ou l'existence d'importants territoires non slovacophones au sein de la Slovaquie nouvellement crée (la première et deuxième ville pour commencer).
Croyez-moi, si la Bretagne avait été autrichienne, les recensements des bretons se serait arrêté à la limite Vannes-Plouha. Il aurait fallu trouver quelques alliés assez lointains et peu connaisseurs pour nous rajouter des St Malo ou Redon dans le package d'un Etat breton sur les ruines fumantes de l'Empire.
Vous n'en savez rien. Aucun référendum, aucune guerre d'indépendance, rien.
Moi je peux vous donner un exemple de référendum à l'époque, au sortir de la première guerre mondiale. Odenburg (aujourd'hui Sopron), ville de la couronne hongroise mais très majoritairement germanophone, au milieu d'une région majoritairement germanophone (le Burgenland, Etat de l'Autriche actuelle) et située tout près de Vienne...et bien là les habitants ont été consultés (car pour les français ou russes = Autriche allemande ou Hongrie, pas d'importance, ce sont deux perdants de la Guerre)...contre toute attente, aucun raisonnement linguistique (ni même géographique), c'est l'allégeance à la couronne hongroise qui a gagné et nettement.
Donc prétendre que les slaves du Nord du Royaume de Hongrie, très catholiques auraient préféré à coup sûr sortir de la Hongrie pour former un Etat indépendant ou lié aux tchèques, c'est loin d'être une évidence et absolument rien ne vient étayer cette thèse. Les vainqueurs de 14-18 se sont d'ailleurs bien gardé d'organiser un référendum du côté de Pressburg, Kassa et des montagnes slovaques !
La suite ne vous donne pas raison non plus : naissance d'un indépendantisme slovaque au sein de la Tchécoslovaquie (et demande d'une autonomie en premier lieu), collaboration des nationalistes slovaques avec les allemands au dépens des tchèques avalés dans le Reich allemand, reprise de symboles de la couronne hongroise sur le drapeau national. Par ailleurs les hongrois n'ont pas été expulsésau sortir de la deuxième guerre mondiale (et malgré des annexions hongroises dans le Sud pendant la guerre).
La revendication concernant la Slovaquie du temps des Habsbourgs était essentiellement portée par les tchèques et moraves (soutenus par les russes) au nom des slaves du Nord de l'Empire avec le soutien notamment de la France très slavophile à l'époque (ce qui explique très certainement des frontières très généreuses en 1920). Un peu comme les serbes très revendicatifs pour la Croatie ou même la Carniole (Slovénie).
Votre analyse des peuples de la région repose en grande partie sur les recensements linguistiques menés par l'administration autrichienne, hors il s'avère que les différences entre langues tchèques et slovaques sont minimes et la différenciation bien plus liées à l'Histoire (histoire hongroise pour les slovaques), où la sociologie et religion (culture rurale et conservatrice catholique en Slovaquie, urbaine et «hussiste» en Bohême).
On ne peut pas analyser l'existence d'un peuple slovaque légitimement indépendant au nom de la langue par rapport aux magyarophones puis dire que la langue n'est pas importante quand on souligne le lien avec les slaves de Bohême (le mot «tchéque» vient de «Cesky» qui signifie «Bohême» en tchèque) ou l'existence d'importants territoires non slovacophones au sein de la Slovaquie nouvellement crée (la première et deuxième ville pour commencer).
Croyez-moi, si la Bretagne avait été autrichienne, les recensements des bretons se serait arrêté à la limite Vannes-Plouha. Il aurait fallu trouver quelques alliés assez lointains et peu connaisseurs pour nous rajouter des St Malo ou Redon dans le package d'un Etat breton sur les ruines fumantes de l'Empire.
Je maintiens ce que j'ai dis, le tchèque et le slovaque sont deux langues très proches mais différentes, elles ont été codifiées de façon séparées dès l'origine, se sont rapprochée pendant l'époque tchécoslovaque puis se séparent aujourd'hui à nouveau. Les jeunes tchèques ne comprennent plus vraiment les jeunes slovaques aujourd'hui, j'ai pu le vérifier à de multiples reprises.
Pour avoir passé de nombreuses années dans ce pays, je vous confirme que personne ne voudrait revenir à la situation antérieure de la domination hongroise où le hongrois était la langue unique et obligatoire imposée à tous les peuples slaves. La politique de magyarisation était et est toujours considérée comme une oppression, les associations culturelles slovaques étaient interdites et la culture slovaque vivait dans la clandestinité. Le «syndrome de Trianon» y est vu comme l'expression d'une nostalgie mal placée et désuète comme chez nous l'est «le joli temps des colonies».
Le premier Conseil National Slovaque ou expression indépendantiste parlementaire a été créé en 1848, longtemps avant la Tchécoslovaquie et Trianon. En 1861 le Mémorandum demande la création d'une entité politique slovaque au sein du royaume de Hongrie, là encore on est loin de 1918. Si vous voulez une expression de l'indépendantisme slovaque avant la tchécoslovaque, elle est très bien exprimée dans cette lettre envoyée en 1917 à celui qui sera plus tard le premier président tchécoslovaque:
«Votre phrase “Slovaks are Bohemians” nous a beaucoup inquiété. Je crois, et je suis même convaincu, que mettre en doute l’individualité nationale des Slovaques ne peut que nuire à l’action politique commune […] Il n’y a pas, en Slovaquie, un seul Slovaque qui dirait de lui qu’il est Tchèque.
[…] Nous, Slovaques, nous considérons aujourd’hui comme une nation autonome, et c’est en tant que Slovaques que nous voulons vivre librement. C’est en tant que Slovaques que nous voulons nous lier aux Tchèques dans une entité politique, dans un État dans lequel l’autonomie nationale nous serait garantie »
La question des germanophones d'Europe centrale est plus complexe et concerne beaucoup de pays.
La Hongrie a été mal servie, justice aurait voulu qu'elle garde plus de territoires, mais ces peuples avaient le droit à l'indépendance et à échapper à l'assimiliation. Sinon à quoi bon être breton?
Quant à la comparaison avec la Bretagne, justement la Bretagne ne peut pas, dans ses frontières traditionnelles, se penser comme espace mono-ethnique et mono-linguistique. Mais force est de constater qu'on impose à personne de se dire breton à Saint Malo et que les gens le font quand même. C'est parce qu'il y a consensus que cet espace culturel fait sens, avec sa dualité.
La situation en Hongrie était celle de minorités oppressées qui ont saisis l'opportunité d'une défaite pour exister de façon autonome ou indépendante.
Je ne comprends l'intérêt de répandre ce type de nostalgie d'empire, surtout ici. Je ne dis pas autre chose.
Qu'un million de hongrois vivent enclavés en Roumanie, c'est une bizarrerie. Oui. Maintenant qu'en faire? Donner ce territoire enclavé à la Hongrie? Ils seront encore coupés de la Hongrie. Donner une plus large partie de la Roumanie à la Hongrie? Et quid des Roumains qui vivent entre les deux depuis des siècles? Les sicules peuvent déjà avoir la citoyenneté hongroise sur simple demande et ils sont officiellement reconnus par la Roumanie, le hongrois peut être utilisé comme langue officielle dans la région. Ce n'est pas parfait mais les sicules font partie des minorités les plus protégées en Europe. J'ajoute qu'ils ne sont pas forcément très bien accueillis quand ils s'installent en Hongrie où il ssont souvent vus comme des «faux-hongrois» et où on se moque de leur dialecte.
Je ne vois pas ce que la Commission européenne, où je travaille, a à voir là-dedans (mais peut-être par là vous voulez dire l'Union européenne?). Ce n'est pas la vieille garde des Etats-nations que vous imaginez, ce n'est pas non plus l'institution toute puissante que l'on imagine.