Budget européen : la foire d’empoigne

Communiqué de presse publié le 29/02/20 17:56 dans par pour
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Un budget, c’est d’abord un volume de recettes, et ensuite un contenu à programmer des dépenses équivalentes. En Europe, ce débat, classique comme dans toute entité publique, prend cette année un relief particulier. Le budget 2021 qui sera voté en fin d’année 2020 sera en effet le premier budget des sept années du Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027. Le vote qui interviendra avant décembre engagera donc l’avenir à moyen terme de l’Europe. Et, avec le retrait désormais effectif du Royaume Uni pour cause de Brexit, les clivages habituels entre pays donateurs et pays bénéficiaires s’accentuent, alors que les négociations commencent à peine.

L’élaboration du budget de l’Union Européenne repose sur un trépied : la Commission (l’équivalent du gouvernement de l’Europe) qui le propose et qui en effectuera ensuite les dépenses, le Conseil où siègent les Etats-membres qui financent sa plus grande part, si bien que leur accord est indispensable pour en valider les recettes, et le Parlement Européen qui doit le voter dans sa globalité et qui en contrôle ensuite les dépenses.

Premier temps, la Commission ouvre une « boîte de négociation » pour fixer la part de PIB que chaque Etat devra mettre dans le budget européen. Jusqu’à 2020, la somme était fixée à 1,02 % du PIB de chaque Etat-membre, pour un total de près de 160 milliards d’euros.

Premier grand débat : quel taux du PIB retenir pour la future période de sept années ?

Le Conseil des Etats penche pour maintenir le prélèvement actuel, 1,02% du PIB. La Commission a fait valoir que le retrait du Royaume Uni, qui était un pays contributeur, amènerait à réduire d’autant les dépenses si les 27 autres Etats ne font pas l’effort collectif de compenser le différentiel. Or, la lutte contre le réchauffement climatique appelle une action très forte de l’Union, tout comme la réponse à apporter au Brexit qui est un défi à relever en renforçant l’Union Européenne, et donc son budget. D’où la proposition de la Commission pour passer à 1,11% du PIB pour compenser à l’euro près ce que n’apportera plus la contribution britannique. Pour le Parlement Européen, le compte n’y est pas : il faut compenser le départ britannique, et y ajouter le financement des ambitions nouvelles de l’Europe. Au total 1,30%.

Tout cela doit être relativisé, car le budget de l’Union Européenne est en réalité bien limité. Dans un cadre fédéral comme les Etats Unis, le budget fédéral capte 20% du PIB. Dans un pays centralisé comme la France, les dépenses publiques gérées directement ou indirectement par l’Etat central (y compris hôpitaux, sécurité sociale, …) s’élèvent à plus de 40%. Alors, même avec 1,30%, on est bien loin de l’Europe fédérale ! Mais la démagogie populiste en rajoute, et cela favorise les Etats les plus riches qui veulent en fait limiter leur effort de solidarité.

Au sein du groupe des « contributeurs nets », quatre pays sont en flèche : Danemark, Autriche, Hollande et Finlande. Leur surnom : les pays « radins », ou « frugaux » pour les plus diplomates. L’autre bloc est plus nombreux, mais financièrement dépendant. Son surnom : les « amis de la cohésion », parmi lesquels les pays de l’Est forment les gros bataillons, les régimes eurosceptiques comme Orban menant le bal. Avec, à leur débit politique, plusieurs scandales retentissants, notamment celui qui vient d’éclater à propos du détournement des fonds de la PAC.

Au centre, il y a les grands pays contributeurs, principalement Allemagne et France, traditionnellement arbitres de la décision finale. Mais le populisme ambiant réduit forcément leurs ambitions européennes.

Les marges de manœuvre sont étroites. Un partie d’entre elles tiennent aux ressources propres, c’est-à-dire les sommes qui entrent directement dans les caisses de l’Union Européenne : droits de douanes dans le cadre des accords commerciaux (actuellement 12% du budget européen, soit 0,12% du PIB européen) ; ou nouvelle taxation de produits importés. Notamment deux taxes que beaucoup souhaitent voir instaurer aux frontières de l’Europe, la taxe sur les transactions financières, maintes fois évoquée mais jamais appliquée pour cause notamment de veto britannique, et la taxe carbone destinée à renchérir les produits importés à fort contenu d’émissions CO2 pour qu’ils ne puissent pas concurrencer les efforts européens dans la lutte contre le réchauffement climatique. Autre piste : la taxe sur le kérosène, seul carburant non taxé, dont le bas coût fait les beaux jours des low-cost au détriment du train. Mais les Etats ne cèderont pas facilement le produit de ces taxes, si elles sont un jour établies, au budget de l’Union Européenne !

Un futur accord commercial sera scruté à la loupe : celui qui liera l’Union Européenne et le Royaume Uni, postérieurement au Brexit. Des droits de douane sévères, en réponse au refus d’accepter les normes européennes lors de la négociation à venir, seraient le moyen de sanctionner le Brexit tout en fournissant à l’UE des ressources budgétaires nouvelles car les produits britanniques, qui sont exportés pour 50% vers l’Union Européenne, ne trouveront pas tous preneurs sur les marchés lointains du Commonwealth ou de « l’allié américain ». Tout cela serait récessif, avec des mesures de rétorsion à prévoir, et l’économie globale de l’espace européen ne pourrait qu’en pâtir. Mais, à défaut de préparer l’avenir, il y aurait là sans doute de quoi assurer le présent et assumer les priorités politiques de l’heure : sortir vainqueurs économiquement et politiquement du Brexit, et protéger l’économie européenne tout en luttant contre le réchauffement climatique.

Ce communiqué est paru sur Le blog de François Alfonsi


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