« Youhadenn » ! Une enthousiaste interjection, en breton, pour ponctuer l’introduction de cette présente chronique !
Qu’elle soit abordée dans son acception libératoire ou d’exultation, elle prend, ici, l’entièreté de son double sens !
Côté « libératoire », elle nous délivre d’une longue attente, après la parution d’un très intéressant et plaisant premier album, « Disul », qui avait vu le jour… en septembre 2014 et que nous avions eu le vif plaisir de vous présenter sur les pages en ligne de Culture et celtie, l’e-MAGazine (Notre chronique) . Le programme de ce prime opus était, à la fois, varié, séduisant et efficace. Nous avions pu en vérifier, in situ, les effets et charmes scéniques, lors de la prestation, fort réussie et largement appréciée d’un très nombreux et participatif public, donnée par ce séduisant trio trégorrois, venu en Bretagne grand sud se produire, à l’invitation de l’association
« Fête bretonne - Ar Poulligwenn », sur la scène du Pouliguen (44-Bzh), en août 2016, (Notre reportage). .
Quant à son possible second sens, synonyme de « transport de joie » ou de « manifestation d’une grande satisfaction », l’adéquation est, également, au rendez-vous.
Cette très attrayante deuxième et présente parution discographique est, aussi, porteuse d’une indéniable qualité instrumentale et vocale, de bien être, de sérénité, aux couleurs d’une allègre diversité rythmique et mélodique que peut nous réserver une telle attractive et culturelle balade musicale en Celtie.
Un bel et riche itinéraire, savamment choisi, qui nous conduit, de Bretagne en Irlande, en empruntant, parfois, quelques détours par l’Ecosse, le Pays de Galles ou la région du Nord Angleterre que, comme le stipule avec ironique subtilité, le livret adjoint au CD, les trois compères préfèrent qualifier de Sud Ecosse !
« Paotr an tour tan - Le gardien de phare », c’est le titre retenu comme « enseigne » pour découvrir les 14 titres, tour à tour, chantés en breton, anglais, gaélique et français qui composent un programme de près de 52 minutes.
Mais, au fait, peut-être désiriez-vous, connaître le nom du groupe que nos primes propos vous présentent comme un trio ?
Eh bien, il s’agit de… YOUHADENN !
YOUHADENN, c’est :
- Louis-Jacques SUIGNARD, au chant et au bodhràn,
- Olivier ADELEN, à l’accordéon diatonique et aux claviers Rhodes,
- Hug BESCO, à la guitare et au chant.
Tous trois évoluent, avec maîtrise et respect au cœur d’un paysage sonore, parfois, empreint de folk, blues, jazz, pincées stylistiques qui ne nuisent en rien à l’aspect traditionnel, lui permettant, seulement, de s’inscrire dans l’époque actuelle, sans excessive complaisance avec certaines recettes opportunistes dont beaucoup abusent et qui, pour, absolument, mettre dans l’air du temps, forcent, outrageusement, le trait.
Avec YOUHADENN, la qualité et l’authenticité musicales sont, vous le constaterez à l'écoute, au rendez-vous.
La présence de deux invités, ô combien, de référence corrobore cet aspect.
En effet, dès l’ouverture du disque, Annie EBREL, pose sa merveilleuse et véloce voix sur une belle gavotte de printemps, « Armerc’hetaer », menée par Louis-Jacques SUIGNARD. Ce chant à danser est composé sur un mode traditionnel avec un texte adapté de la chanson de l’écrivain de langue bretonne. Prosper PROUX, pièce créée vers 1838. Percepteur de son métier, Prosper PROUX fut, surtout, l’un des bardes bretons les plus connus du XIXᵉ siècle, composant deux volumes de vers et un grand nombre de chansons bretonnes.
C’est une très « gavottante » entrée en matière, avec une légendaire voix féminine de Bretagne. A mi-chemin de la danse, surgit une remarquable intervention, du flûtiste trégorrois, Erwan MENGUY, second artiste invité, qui, dès lors, accompagne, jusqu’à son terme, le parfait échange rythmé des deux chanteurs.
On retrouve le véloce musicien flûtiste, en plage 7, pour l’un des deux instrumentaux qui figurent sur le CD, précisément, sur « Two jigs », une suite de jigs irlandais.
Gavotte, jigs… Rond de Saint-Vincent, certes, il y a de quoi entrer dans la danse, mais ballades, berceuse, chant du centre ouest de l’Irlande, galloise ou du Centre Bretagne, chanson d’Irlande du nord, d’Ecosse, berceuse, sont aussi au programme, que les pièces soient des traditionnels collectés arrangés par les membres de la formation ou des compositions signées de Louis-Jacques SUIGNARD.
Côté composition, texte et air peaufinés par Louis-Jacques SUIGNARD, nous avons, beaucoup, aimé, « Paotr an tour tan - Le gardien de phare » qui donne le titre à l’album.
Le livret illustré de photos de studio et de scène qui reprend tous les textes, précise : « Pour être Gardien de phare, il faut aussi aimer sa propre compagnie car la solitude est aussi rude que peut l'être la mer et il faut, sans doute, aimer rêver. Dans son rêve le phare a choisi son rocher ».
.../...
« Ar c’hwec’hved nozwezh pa oan savet bis)
Biou ar prenestr e moa gwelet nag an tour tan o navigañ.
Nag an tour tan, ya, o navigañ,(bis)
mesk ar bagoù chomet a sav. (bis)
Ar seizhved nozwezh, an diwe’añ (bis)
an tour tan n’ur vond gant e hent oa n’on skoet war un enezenn.
Ha war an taol e oan bet dihunet (bis)
c’hanta) daoust hag-eñ mije me hunvreet ? (bis)
Hunvreet, tudoù, ne moa ket graet (bis)
Rak an tour tan e weler c’hoazh amañ war an enezenn e neus choajet.»
.../...
« La sixième nuit quand je me levais bis)
Je vis par la fenêtre le phare qui naviguait.
Oui, le phare qui naviguait, bis)
Parmi les bateaux restés immobiles. bis)
La septième nuit, la dernière nuit (bis)
Le phare allant sur sa route toucha une île.
Et sur le coup je fus réveillé bis)
Avais-je rêvé? (bis)
Rêvé, bonne gens, je ne l'avais pas fait bis)
Car on voit encore le phare sur l'île qu'il a choisie.»
Dès l’introduction, la ligne mélodique clavier/guitare insuffle le côté bluesy nécessaire à cette narration d’instants lourds de solitude, mêlés de mélancolique rêverie. Spleen aux senteurs salées, divinement chanté par Louis-Jacques qui, décidément, module, si bien, la langue bretonne.
Et le rêve, soudain, s’anime, le rythme à danser s’empare du morceau. Alors, la cristalline guitare d’Hug BESCO ne quitte pas d’une vibration la voix de l’excellent chanteur, les claviers Olivier ADELEN, ponctuant, à point nommé, de son intervention en solo, le morceau pour dissiper toute éventuelle récurrente longueur. Une très belle pièce, temporellement, la plus étendue du disque, à écouter et réécouter.
La chanson d’amour, d’Irlande dur nord, « The road to Clady » qui suit nous extrait, de toute précédente mélancolie résiduelle et nous révèle les premières notes de l’accordéon diatonique d’Olivier, gravées sur ce CD.
Et, croyez-nous, que c’est agréable d’entendre des notes aussi endiablées et pétillantes !
Suit, le traditionnel breton venu du Centre Bretagne, « An tad moalc’h kozh - Le vieux merle » popularisé par les Sœurs GOADEC (Disque « Les voix légendaires de Bretagne » - Keltia musique -1978) et plus tard, excellemment repris par Yann-Fañch KEMENER. Les claviers d’Olivier et la guitare d’Hug parent, magnifiquement, avec respect et chaleur, cette très belle mélodie, parfaitement enjolivée et interprétée par l’expressive et nuancée voix de Louis-Jacques SUIGNARD. Joli, joli, très joli !
Le pays gallo, « A la mode de Nantes », est, aussi, représenté avec le, ô combien, classique rond de Saint-Vincent, « A la cour du palais ».
Allez, ne boudez pas votre plaisir de retrouver ces célèbres notes que le trio a toujours plaisir à interpréter !
Vous entendrez, ainsi, le duo vocal Louis Jacques et Hug ! « Lundi, mardi, danse ! ».
Un très beau moment, vous attend, en plage 10, avec « Ar hyd y nos - Tout au long de la nuit », une magnifique berceuse d’origine galloise qui met en lumière certaines similitudes linguistiques entre le gallois et le breton.
« A-hed an noz » peut, parfaitement, se calquer sur le titre original issu du Pays de Galles.
Pour notre part nous avions, assez récemment, découvert ce morceau, chanté en duo avec Andrea CORR, en plage 6 du dernier album « Human ~ Kelt », d’Alan STIVELL. Une remarquable interprétation du harper hero breton et de la chanteuse irlandaise, voix lead de The CORRS, soutenue par l'Orchestre Symphonique de Bretagne (Notre chronique) .
Louis-Jacques SUIGNARD chante, ici, avec délice et respectable performance linguistique une version gallois/breton.
Louis Jacques précise : « Grand merci au Professeur Rhian JONES, de l'université d'Abertawe, pour son aide à la prononciation ».
Afin d’apprécier la teneur, quelque peu, mystique du propos, nous nous contenterons, ici, de vous proposer la traduction du texte, en français, que vous pouvez trouver, comme pour tous les autres paroles, sur le site Internet officiel de YOUHADENN.
« Toutes les paupières des étoiles disent
Voici le chemin qui mène à la vallée de gloire
Toute autre lumière est sombre
Incapable de montrer la vraie beauté
La famille céleste est en paix
Tout au long de la nuit
Comme l étoile sourit joyeusement
Afin d'éclairer sa sœur la terre
La vieillesse est comme la nuit
Quand la force s'amoindrit
Rassemblons nos lumières
Qu'elles se renforcent
Tout au long de la nuit ».
C’est avec la dernière et 13ème plage de cet excellent opus, titrée « The parting glass », un chant de départ et d'adieu écossais :
.../...
« A man may drink and not be be drunk
A man may fight and not be slain
A man may court a pretty girl
And perhaps be welcome back again
But since it has so ought to be
A time to rise and a time to fall
So fill to me the parting glass
Good night and joy be with you all »
.../...
« Un homme peut boire et ne pas être ivre
Un homme peut se battre et ne pas être tué
Un homme peut courtiser une jolie fille
Et peut-être être encouragé à revenir
Mais puisqu'il doit en être ainsi
Un temps pour s'élever et un temps pour chuter
Alors remplissez-moi le verre de l'adieu
Bonne nuit et que la joie tous vous accompagne »
que nous vous amenons au terme de cette chronique et de ce pictural parcours en celtie, non sans, très vivement, vous conseiller l’acquisition de ce disque qui vous apportera, diversité, sérénité, indiscutable qualité vocale et instrumentale avec des musiciens qui interviennent, au cordeau, avec réel talent et très juste mesure, pour l’élaboration d’une production discographique aboutie, occasion de saluer, également, le mixage et mastering réalisés par Nicolas ROUVIERE du studio, costarmoricain de Plestin-les Grèves, « Le Chausson » (Voir site) .
« Paotr an tour tan » de YOUHADENN a toute sa place dans votre discothèque celtique que l’on sait diverse, de bon goût et de qualité.
Organisateurs, Présidents d’associations, n’hésitez pas à inviter YOUHADENN pour la programmation de vos prochains événements celtiques. Ce spécifique et plus que très sympathique trio est, sur scène, nous y étions, conforme au studio, la chaleur, la convivialité, l’improvisation verbale, marqueurs du spectacle vivant, en plus !
Pour ce deuxième CD, ainsi que pour leurs remarquables prestations scéniques, comme nous, au début de ce « papier », vous, vous exclamerez, alors : YOUHADENN !
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : YOUHADENN - «Paotr an tour tan» - Extrait de 01:10.
Le site Internet de YOUHADENN : (Voir site) www.youhadenn.com
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine : (Voir site) .
Les titres du CD de YOUHADENN «Paotr an tour tan»
01 - Ar merc'hetaer (Gavotte) - Avec la paricipation d'Annie EBREL et Erwan MENGUY.- 05:16.
02 - Cunla - 03:32.
03 - Paotr an tour tan - 05:24.
04 - The road to Clady - 03:19.
05 - An tad moalc'h kozh - 04:04.
06 - The maid of Australia - 04:14.
07 - Two Jigs - Donnybrook fair / Winter butterfly - 04:00.
08 - À la cour du palais - 05:29.
09 - O tond dimeus an eured - 02:59.
10 - Ar hyd y nos - 03:25.
11 - An drask - 04:36.
12 - Two reels - Mayor Harrison's fedora / Hum of Taha - 03:08.
13 - The parting glass - 02:32.
Durée totale : 51:58.
CD de YOUHADENN «Paotr an tour tan»
Parution : Décembre 2019
Edité chez : YOUHADENN - (Voir site) .
Réf : SAB02
En vente sur le site à la «BOUTIK» de YOUHADENN : Cliquer ICI .
© Culture et Celtie
■