Au soir des législatives en Espagne

Chronique publié le 29/04/19 23:04 dans Europe par Georges Labouysse pour Georges Labouysse

Les législatives anticipées de ce jour en Espagne ont vu le PSOE arriver en tête (122 élus), mais sans majorité absolue (176) pour pouvoir gouverner. Il devra donc former une coalition soit avec le centre droit Ciudadanos (57 élus), soit plus probablement avec la gauche radicale Podemos (42 élus). Mais même dans cette dernière hypothèse, il manquera à Sanchez 12 élus pour voter le budget par exemple. Des voix qu'il devra rechercher du côté des élus basques et aussi des catalans…

Nul doute que ceux-ci auront à cœur de négocier âprement leur soutien, d'autant plus que cinq de leurs élus (les plus connus, dont les deux Jòrdi et Oriol Junqueras ancien député européen et vice-président du gouvernement catalan) sont prisonniers politiques de l'Espagne sans jugement depuis plus d'un an.

Les résultats en Catalogne sont inédits. L'ERC indépendantiste a remporté largement cette élection. Il arrive donc en tête (avec 15 élus) pour la première fois dans une élection législative générale. L'ERC (parti de Junqueras), Jxcat-Junts (parti de Puigdemont) et En Comù Podem (section catalane de Podemos), tous trois favorables à un referendum d'autodétermination, totalisent près de 52% des suffrages et réunissent 29 élus de Catalogne au Parlement de Madrid, alors que le PsC et les partis de droite ensemble n'ont que 19 élus. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que les Catalans ont voté à près de 78% (Par comparaison: en France on n'atteint péniblement que 42%!) A noter qu'à Barcelone même l'ERC arrive en tête, ce qui préfigure ce que seront les résultats des municipales du 26 mai prochain. Manuel Valls doit avoir quelques sueurs…

Et maintenant quelle suite pour la Catalogne et pour l'Espagne?

Le premier ministre espagnol Sanchez peut régler la question catalane par un référendum d'autodétermination négocié, ce qui se fait normalement dans une démocratie (Cf le Canada et la Grande-Bretagne). Plus largement il peut débarrasser l'Espagne des structures héritées du franquisme et changer la Constitution et le régime monarchique mis en place par Franco lui-même avant sa mort: il en a l'occasion et il aurait pour cela une majorité absolue au parlement (PSOE, PODEMOS, Catalans et Basques), mais les socialistes sont-ils prêts pour une fois à oser démocratiser l'Espagne?...

Si Madrid veut vraiment éviter la sécession de la Catalogne, le gouvernement espagnol doit s'orienter très vite vers la construction d'un Etat ibérique confédéral multinational, où des nations comme la Catalogne et le Pays Basque entre autres seraient des républiques autonomes dans le royaume d'Espagne… ou mieux dans un Etat républicain multinational. Une occasion à ne pas laisser passer aujourd'hui …

Jòrdi Labouysse


Vos commentaires :
Jakez Lhéritier
Vendredi 15 novembre 2024
Les élections européennes de mai 2019 devraient avoir comme objectifs de proposer une autre construction de l'Europe basé sur des territoires cohérents respectueux des cultures,des langues.
Ces élections doivent amener à poser clairement quelques objectifs en économies de fonctionnement,en tirant vers le haut les droits sociaux et humains.

Alain E. VALLÉE
Vendredi 15 novembre 2024
En Espagne, selon le modèle européen, l'Etat et le gouvernement ne sont ni dépendants, ni même confondus comme en France. De cette élection parlementaires résultera une majorité de coalition qui soutiendra un gouvernement d'autant plus stable qu'un grand travail de pacte majoritaire aura été bâti.
Des négociations en cours résulteront un programme gouvernemental tel que les faiseurs de majorité sauront faire valoir leurs choix sans en abuser. Ceci se nomme la vie parlementaire.
L'abandon des plaintes contre les prisonniers Catalans serait, pour le moins, raisonnable et nécessaire.
Une réforme de la Constitution réorganisant les autonomies serait ainsi possible, légale et légitime. Les électeurs se dont donné une belle occasion de refonder l'organisation de leur pays.
On voit par là l'énorme différence par rapport à la situation de la France où tout et le reste semblent irrémédiablement bloqués, se décident à l'Elysée et où l'idée même de corps intermédiaires et d'autonomies avec de vrais moyens et dans des limites sensées et historiques est ravagée par le jacobinisme. Il n'y a même aucune majorité parlementaire pour établir la proportionnelle aménagée !
Après «Paris et le désert français», tant d'études, de sondages, de rapports, ..., depuis des décennies, le «Grand Débat» n'a pour le moment rien changé aux problèmes institutionnels et structurels essentiels : hyper-centralisation (élection du Pt au suffrage universel direct), primauté de l'Exécutif, abandon de la ruralité, intensive métropolisation, ... Jusqu'à Paris qui n'est apparemment toujours pas assez grand et gros, et qu'il faudrait encore agrandir et grossir pour en faire le «Grand Paris» !
AV

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