Facebook supprime la page de Boris Le Lay

Chronique publié le 20/04/19 23:00 dans Media et Internet par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch

Facebook supprime la page de Boris Le Lay, une des figures les plus populaires de l'extrême-droite internationale. Condamné à de multiples reprises pour propos anti-sémites ou racistes, diffamations et en avril 2018 pour «provocation au crime», il fait l’objet, selon le quotidien Le Monde, d’une fiche S et d’une [[notice rouge]] d’Interpol. Boris Le Lay, ce Breton de Quimperlé, comptait 135 000 fans sur sa page.

Pour commencer autant dire que certaines condamnations paraissent injustifiées, comme pour avoir affirmé que «il n'y a pas de Celtes noirs», ce qui est vrai si l'on s'en tient strictement à l'Histoire : les habitants de la Bretagne actuelle n'étant pas des Celtes mais des Bretons, dont une partie parle une langue celtique, le breton.

Ceci étant dit, en Bretagne, Boris Le Lay a fait l'objet de plusieurs procès en diffamation de la part d'élus (Bernard Poignant et Mona Bras en particulier) ou même d'artistes comme Yannig Martin (un sonneur noir) et il a été condamné à maintes reprises par contumace car il ne se présente jamais aux procès.

Les procès sont seulement le haut de l'iceberg, car beaucoup de militants de la cause bretonne ont été violemment diffamés par Boris Le Lay sur son site web breizatao. Des écrivains comme Michel Treguer ou des élus comme Christian Guyonvarc'h, des associations comme Dizale ont subi des violences verbales inouïes de la part de ce Breton exilé au Japon. En 2011 Boris Le Lay faisait remarquer qu'Alan Stivell descendait par sa mère de Juifs ukrainiens en donnant même les patronymes de ces personnes. L'anti-sémitisme de Le Lay est sans limite et évoque les heures les plus tragiques de l'histoire encore fumante de l'Europe des fours. Le directeur de l'ABP a aussi été violemment pris à parti il y a quelques années ainsi que des anciens journalistes d'ABP comme Christian Rogel et Fanny Chauffin.

Langage ordurier, insultes, vols et montages de photos copyrightées dignes de la Pravda de l'époque des Soviets, harcèlement, menaces, désinformations, tout est bon pour ce fanatique aux allures d'adolescent angélique.

On a parfaitement le droit d'être, comme Boris Le Lay, contre l'immigration en Europe, d'Africains ou de personnes venant du Moyen-Orient. C'est en fait une opinion politique partagée par des millions d'Européens. Selon un sondage IFOP de décembre 2018, 70 % des Français pensent que la France n'a plus les moyens d'accueillir des immigrants, mais ce qui caractérise les propos de Boris Le Lay c'est son fascisme verbal tout droit dans la lignée des bastonnades criminelles perpétrées par les fascistes italiens des années 20. Ils se mettaient à dix pour bastonner à mort un opposant politique.

Boris Le Lay, lui, est tout seul, mais à 20 000 kilomètres derrière son écran au Japon, et la protection du Premier amendement de la constitution des États-Unis où est hébergé son site web. Oui mais voilà, suite à la fusillade, en live sur Facebook, dans une mosquée en Australie, le réseau social a décidé de réagir face aux nombreuses critiques. Des pages de partis britanniques extrémistes appelant à la violence ont été suspendues et dans le lot celle de Boris Le Lay. Tout le monde attend le déréférencement de son site web par Google, une chose qui n'a été faite qu'à moitié il y a trois ans.

En lisant les propos de Boris Le Lay, ou en visionnant ses vidéos, on ne peut que se remémorer la phrase de Robert Kennedy, lui-même assassiné par un fanatique : « Ce qui est dangereux avec les extrémistes n'est pas tant ce qu'ils ont à dire, mais la façon dont ils le disent ».

Boris Le Lay invoque le droit fondamental, constitutionnel, à la liberté de parole, mais tout en ignorant cet autre droit fondamental : tout individu, quelles que soient ses idées, sa religion, sa culture, sa langue, ses orientations sexuelles et ses opinions politiques, a le droit au minimum de respect. C'est aussi ça la démocratie. C'est surtout çà la démocratie.


Vos commentaires :
Michel Treguer
Mercredi 25 décembre 2024
Puisque mon nom est cité par ABP, voici l’anecdote. Je ne connaissais pas Boris Le Lay. Mais j’ai eu la surprise, un jour de 2013, de découvrir un long éditorial de Breiz Atao, signé du pseudo Tyler Durden, me couvrant d’insultes improbables. Il fallait n’avoir jamais lu aucun de mes livres pour faire de moi un bourgeois français « végétant dans sa résidence secondaire » quand j’avais vécu mes vingt première années entre Plabennec, Bourg-Blanc, Portsall ; quand ses deux grands-mères portaient la coiffe et parlaient breton ; quand j’avais moi-même rappris la langue ; quand j’avais réalisé plusieurs films sur les gwerzioù traditionnelles pour FR3 Bretagne et imposé les sœurs Goadec ou le conteur Jean-Louis Rolland pendant des heures sur France Culture.
À lire Tyler Durden j’étais un adversaire obstiné du nationalisme breton. Il n’avait pas lu le dernier chapitre de mon livre « Aborigène occidental ». Il ne savait pas que j’avais traduit en français (donc pour un public élargi) le livre de Roparz Hemon « Un Breton redécouvrant la Bretagne ».
Le prétexte de son pennadstur était que j’avais publié sur ABP quelques mois plus tôt un texte intitulé « Manques bretons », dans lequel je m’interrogeais sur les poids respectifs du territoire et de la culture dans notre identité. Mon péché irrémissible était alors que je comparais avec quelque mélancolie la légèreté de notre héritage et le poids formidable de l’histoire juive. Toute la deuxième partie de Tyler Durden était une diatribe violemment antisémite.
Le pire était à venir. Google parut ne connaître par la suite que ce texte mensonger et insultant à mon sujet. Il suffisait de taper mon nom sur internet pour le voir apparaître. Ça s’est un peu calmé depuis. J’ai l’esprit assez large pour ne vouloir aucun mal à Tyler Durden ni Boris Le Lay. À chacun sa vie et ses idées.

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