Hubert Coudurier, directeur de l'information du Télégramme. Interview

Interview publié le 22/04/19 8:30 dans Media et Internet par Philippe Argouarch pour ABP
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Hubert Coudurier lors de l'émission l'invité avec l'auteur Yvon Ollivier (photo de la vidéo)

Directeur de l'information du journal Le Télégramme, Hubert Coudurier a débuté comme journaliste à l'Agence France Presse de 1983 à 1985. Il a ensuite été grand reporter, notamment à France 3 de 1985 à 1990, puis chroniqueur de politique étrangère à I-télé. Il est depuis son lancement en novembre 2009, président de Télévision Bretagne Ouest (Tébéo), après avoir été vice-président de Nantes 7.. Hubert Coudurier est aussi l'auteur de cinq ouvrages. Son dernier livre Jean-Yves Le Drian, le glaive du président est sorti chez Plon en 2017.

Outre ses éditoriaux politiques dans le journal Le Télégramme, il reçoit toutes les semaines une personnalité politique, économique ou culturelle dans son émission l'Invité sur Tébéo. Des douzaines de Bretonnes et Bretons venant du monde économique, politique ou associatif et d'écrivains, ont déjà été interviewés. Hubert Coudurier a accepté d'être à son tour "l'invité" et nous le remercions.

[ABP] Le groupe du Télégramme s'est beaucoup diversifié ces vingt dernières années avec l'ajout de deux chaînes de télévisions régionales (Tébéo et Tébésud), de plusieurs mensuels comme le Mensuel de Rennes (rachat), ou Bretagne Magazine, du Journal des Entreprises, des hebdos, comme 7 jours à Brest (rachat) et de webmédias comme Mer et Marine ou bretagne.com. La diversification est-elle la clé du succès du groupe ?

[HC] La diversification a consolidé l'assise du groupe à l'heure où la presse est en crise. Elle permet aussi d'acquérir d'autres savoir-faire qui sont complémentaires de nos métiers d'origine. En particulier, les petites annonces avec Hello Work (qui a succédé à Régions job) et l'événementiel avec OC Sports qui organise plus d'une vingtaine d'événements sportifs et musicaux en France et dans le monde, dont récemment la Route du Rhum. Nous sommes ainsi passés sous l'impulsion de mon frère Edouard d'une culture du quotidien à celle d'un groupe.

[ABP] Avec un tirage de 220 000 exemplaires et des milliers de lecteurs en ligne sur le site web et via les réseaux sociaux où vous avez 200 000 abonnés juste sur Facebook, le quotidien, dont vous êtes le directeur de l'information a été élu meilleur quotidien français au Grand Prix des Médias en 2015, en quoi êtes-vous meilleur que les autres ?

[HC] Restons modestes. Le combat pour une presse indépendante n'est pas terminé. L'une des clefs de la survie sinon du succès pour les quotidiens régionaux passe par une amélioration constante de la qualité, et une couverture large du spectre de l'information, du local au global. Outre des journalistes très réactifs sur le terrain, nous avons développé les enquêtes, les chroniques, les correspondances, les reportages et multiplié les éditions. Bref nous avons étendu notre zone de couverture en Bretagne et à Paris afin d'apparaître clairement comme un régional d'influence nationale. J'ajoute que le web nous a permis de sortir de nos frontières naturelles pour être lu jusqu'à … New-York.

[ABP] Selon L'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) , la presse quotidienne régionale (PQR) qui représente 13 % de la presse nationale (en version imprimée) s'en sort plutôt bien en enregistrant en 2018 une baisse très modérée de ses versions papier - 0,3 % alors que la presse papier diminue d'environ 3 % tous les ans en France. Les versions digitales, elles, bondissent avec + 26,7 %. L'avenir est-il au tout numérique y compris la télévision ?

[HC]L'Ouest reste une exception, ailleurs les diffusions baissent substantiellement sur le print et la conversion numérique est encore trop lente. C'est pourquoi il faut redoubler d'efforts sur les contenus à travers la formation des journalistes confrontés aujourd'hui au défi du multimedia et des réseaux sociaux qui disent tout et n'importe quoi. La rédaction en chef du Télégramme dirigée par Samuel Petit se bat sur tous les fronts.

[ABP] L'aire géographique couverte par le quotidien et les deux chaînes télévisions reste limitée aux trois départements du Finistère, des Côtes d'Armor et du Morbihan plus la région de Saint-Malo. Est-ce une décision du groupe ou un manque de moyens ou les deux ?

[HC]Non, le Télégramme est désormais présent à Saint-Malo et dans sa version numérique à Rennes sans oublier le Mensuel qui sort de nombreux scoops dans la capitale bretonne, le dernier en date étant la candidature de Carole Gandon aux municipales à Rennes. Mais il y a des arbitrages nécessaires. Par ailleurs, notre accord avec TVR35 fait que plusieurs de nos émissions sont reprises par la chaine rennaise.

[ABP] On reproche souvent au Télégramme d'utiliser le mot "Bretagne" alors qu'il s'agit de la région administrative. Pourquoi ne pas utiliser les mots "région Bretagne" ? La Bretagne n'est-elle pas une région historique vieille de 1500 ans alors que la région administrative Bretagne ne date que de 1956 ? Est-ce une question d'économiser l'encre ou une politique délibérée?

[HC] Malgré une expérience à la direction de l'Hebdo que nous avions créé à Nantes et qui avait réveillé la Cité des Ducs un peu assoupie, nous sommes effectivement peu présents à Nantes. Ce sera peut-être une prochaine étape. Quant à l'intitulé " Bretagne " plutôt que " Région Bretagne ", nous n'y avions pas pensé. C'est que nous ne sommes sans doute pas aussi militants que vous de la réunification. Toutefois ce débat est clos depuis le 1er mars dernier qui laissait la possibilité jusqu’à cette date d’un droit d’option ( en fait de rattachement) dont aurait pu se saisir la Loire-Atlantique.

[ABP] Beaucoup reprochent aussi au Télégramme de publier des cartes de Bretagne amputées de la Loire-Atlantique. Certes de nombreuses statistiques publiées par l'INSEE, le JO ou la région administrative concernent la Bretagne administrative mais on a pu voir des cartes venant des Notaires bretons, qui elles, couvrent les cinq départements, amputées du 44 une fois arrivées au Télégramme ou chez votre confrère Ouest-France. Il n'y a pourtant aucune loi qui interdit de publier une carte météo montrant aussi le département de la Loire-Atlantique, mais vous le faites. Il y a-t-il au Télégramme une ligne éditoriale qui encourage le concept d'une Bretagne à quatre départements seulement ?

[HC] Il n'y a pas chez nous d'hostilité, ou de parti pris éditorial contre la Bretagne à cinq départements. Il s'agit du simple constat de la réalité actuelle. C'est Jean-Yves Le Drian qui a fait pression sur François Hollande pour restreindre la Bretagne à 4 départements, pas nous. Personnellement, j'étais favorable, comme d'autres grands maires de l'Ouest, à la fusion Bretagne/Pays de Loire qui avait été proposée. En revanche, j'ai trouvé lamentable l'abandon par Emmanuel Macron du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Quand l'État ne fait pas respecter ce qui a été voté à la majorité, c'est le début de la tyrannie des minorités à laquelle nous assistons aujourd'hui.

[ABP] En ce qui concerne la langue bretonne, les brittophones apprécient le reportage en breton Spered ar vro tous les jeudis dans la page Bretagne du journal mais pourquoi pas plus de bilinguisme, du moins dans la version en ligne du journal ?

[HC] Nous avons aussi une chronique en breton animée par Lionel Buannic sur Tébéo. Mais n'oublions pas qu'il ne reste que 200.000 locuteurs en breton principalement en Basse-Bretagne. Nous publions près de 200 pages tous les soirs. Il faut faire des choix.