Paul Molac se prononce contre la loi “anti-casseurs”

Communiqué de presse publié le 6/02/19 18:56 dans par pour

Le mardi 5 février 2019,  j’ai exprimé au nom de mon groupe Libertés et Territoires mon opposition contre la proposition de la loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs. Ci-dessous, le compte-rendu écrit de mon intervention.

Les événements que traverse notre pays depuis plusieurs semaines ne laissent personne indifférent, et surtout pas nous-mêmes, parlementaires, qui sommes en prise directe avec nos concitoyens. Bien sûr, ces violences interrogent sur notre rapport entre la défense des libertés publiques et un impératif de sécurité. Je vous livre les paroles de Benjamin Franklin selon lequel « si jamais vous sacrifiez votre liberté pour votre sécurité, vous n’aurez ni l’un ni l’autre ».

Malheureusement, le Gouvernement n’a pas réussi à nous convaincre que les dispositions contenues dans cette proposition de loi seront utiles pour lutter contre les violences, et notamment celles des casseurs, particulièrement difficiles à identifier. N’y a-t-il pas déjà, dans notre droit, des dispositions législatives permettant de punir et de lutter contre les phénomènes que vous ciblez ? À notre avis, bien sûr que si ! Le groupe Libertés et Territoires considère que cette proposition de loi s’avérera inutile, mais également potentiellement dangereuse. On ne peut tergiverser avec la liberté de manifester, extension du droit d’expression. Pour ceux qui ont fait un peu d’histoire, ce droit fondamental, héritier du droit de pétition, a mené Charles Ier à l’échafaud lors de la Révolution anglaise au 17e siècle. C’est de là que nous vient ce droit de manifestation.

Le groupe Libertés et Territoires est attaché à la séparation des pouvoirs et à l’encadrement de ceux de l’exécutif, qu’il estime trop importants dans la Ve République. Nous ne pouvons accepter le transfert de la possibilité de prononcer des interdictions de manifester du juge judiciaire, autorité indépendante, au préfet, autorité administrative placée sous la tutelle de l’autorité politique. Cela place nos concitoyens sous la menace d’une sanction purement arbitraire – peut-être pas sous votre gouvernement, mais dans un futur proche, qui sait ? Vous n’avez même pas voulu écouter les voix plus raisonnables de votre camp demandant que l’interdiction de manifester nécessite une condamnation pénale. La justice n’aura même pas eu le temps de faire son office que le préfet pourra appliquer préventivement des sanctions contre des individus présumés innocents.

L’article 1er, visant à instaurer des périmètres de contrôle lors des manifestations, est tout aussi problématique. Pourquoi aurions-nous besoin de nouvelles dispositions, alors que celles déjà prévues dans le code de procédure pénale sont suffisantes ? Comme l’a rappelé en séance mon collègue Charles de Courson, le préfet, qui en demande l’autorisation au procureur de la République, peut atteindre tous les objectifs que vous proposez, mais sous le contrôle de la justice et non de sa propre autorité.

Les autres dispositions contenues dans la proposition de loi, tantôt supprimées comme nous le demandions, tantôt amendées par le groupe majoritaire, ne sont pas de nature à nous rassurer pour autant. Il en est ainsi de l’inscription des personnes faisant l’objet d’une interdiction judiciaire de manifester au fichier des personnes recherchées. Il en est de même de la création d’un délit de dissimulation volontaire de tout ou partie du visage. Celui-ci a été étendu en séance, alors que ces cas d’espèce sont déjà prévus par la loi.

Pour les députés du groupe Libertés et Territoires, plus qu’une question de loi, il s’agit avant tout d’une question de moyens pour la justice. Cela lui permettrait de mieux appliquer ses décisions. Il s’agit aussi de renforcer la formation des forces de l’ordre, afin qu’elles puissent mieux appréhender les violences intervenant sur le terrain. Enfin, que dire des conditions dans lesquelles l’examen de ce texte s’est déroulé ? Des articles, et non des moindres, ont été supprimés par le groupe majoritaire en commission des lois, puis rétablis en séance par le Gouvernement au tout dernier moment. Nous avons ainsi disposé de seulement une petite douzaine d’heures pour étudier des dispositions relevant des libertés fondamentales. Voilà donc l’état de la Ve République : un régime dans lequel les parlementaires ne peuvent pas discuter et juger véritablement de l’effet d’une loi.

En définitive, mes chers collègues, l’objectif de réduire les violences pouvant surgir lors des manifestations est partagé. Mais nous ne pouvons décemment pas vous suivre sur la méthode. C’est pourquoi le groupe Libertés et Territoires votera, dans sa quasi totalité, contre ce texte.

Ce communiqué est paru sur Le blog de paul Molac


Vos commentaires :
Pierre Robes
Samedi 23 novembre 2024
Les préfets sont le bras armé du gouvernement, qu'elle qu'il soit.

S'ils peuvent faire arrêter des gens arbitrairement sur de simples soupçons, sans que les personne n'aient commis aucun délit, et sans que ceux-ci n'aient été jugés par un tribunal de droit commun pénal/civil, il y a donc un transfert du pouvoir judiciaire vers le gouvernement et son représentant : Le Préfet.
Car « nul ne saurait être juge et partie » , le juge administratif est en lien direct avec le pouvoir puisqu’il fait partie de l’administration publique, de plus il relève, du statut général de la fonction publique. Du point de vue statutaire, ils ne sont pas des magistrats. (ils ne sont pas couverts par les garanties du titre VIII de la Constitution, sur l’autorité judiciaire « stricto sensu »)
C’est ce que dénonce Charles de Courson das son intervention à l’Assemblée en comparant au « régime de Vichy » et de mettre « en taule ».

Les tribunaux administratifs ne sont donc pas de vrais tribunaux car ces juges sont les collaborateurs directs du pouvoir exécutif, ils ne sont donc pas indépendants. Cela concerne aussi le Conseil d’État qui cumule les fonctions consultatives et juridictionnelles. (*)

La Convention Européenne des droits de l'Homme exige un tribunal indépendant. L'article 6 paragraphe 1 de la CEDH (1953) exige d'avoir le droit à un procès équitable. La CEDH est le dernier recours, en appel, pour tout justiciable concernant cet article, d’avoir un procès équitable, indépendant et impartial.
article 6 § 1 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public ...dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent ...ou ...[que] la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » (entré en vigueur dans le droit français en 1974)

(*) Affaire Procola c/ Luxembourg, A326, jugée le 28 septembre 1995 par la CEDH. La Cour de Strasbourg en 1995 invoquait la NON-COMPATIBILITÉ du cumul des fonctions consultatives et juridictionnelles avec l’exigence d’impartialité (Le Conseil d’État ne l’a pas repris)


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