De la servitude volontaire

Agenda publié le 11/07/18 12:50 dans Justice et injustices par Yvon Ollivier pour Yvon Ollivier
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couverture du livre "Playdoyer pour nos communautés"
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couverture du livre "Playdoyer pour nos communautés"

Il est rare que les nouvelles soient bonnes pour la Bretagne, ces temps-ci. Les fondamentaux de notre identité reculent imperturbablement, et c’est encore plus vrai depuis la réforme territoriale avortée de 2014-2015. La Bretagne décroche, les fractures se creusent entre l’Est et l’Ouest, les métropoles et le reste du territoire. Le rejet de la réunification de la Bretagne nous offre un avenir de second rang, miné par des déséquilibres qui s’accroissent et l’incapacité de défendre nos intérêts face à Paris.

A la demande d’une vingtaine de députés bretons, inquiets à juste titre pour le devenir de la Bretagne, le chef de l’Etat est venu nous offrir des mots, en échange de l’acceptation de la pénurie au profit d’un système toujours plus centralisateur et replié sur les intérêts Parisiens. Satisfaits d’être au cœur de la fête, nos élus ont applaudi, par habitude, alors même que le Président leur signifiait l’abandon de la réunification, outre la construction d’une route nationale dont les travaux ont commencé il y a quarante ans… Pour ma part, j’ai eu honte ! Plus que jamais, nous sommes en train de payer la corde qui nous pend.

Des transferts de compétences ? Un laboratoire d’expérimentation ? Mais on en parle depuis combien d’années ? Le droit à l’expérimentation figure même dans la Constitution et rien ne fonctionne car Paris refuse de transférer les compétences qui lui assurent une domination sans partage. Paris accepterait-il de transférer la compétence régalienne de l’éducation nationale pour nous permettre d’enseigner nos langues et notre histoire à nos enfants ? Alors nous changerions de système. Mais je n’y crois pas une seule seconde. Aux dernières nouvelles, nos élus du Conseil régional ne songent même pas à le demander. Dans ces conditions, jamais nous ne sauverons nos langues qui n’ont aucun avenir avec l’administration parisienne. Tout le reste n’est que verbiage.

C’est l’un des thèmes majeurs de mon dernier ouvrage : « Plaidoyer pour nos communautés » 1 qui vient de sortir. Notre problème n’est pas le système jacobin. Notre problème est en nous. Il ne tient qu’à notre incroyable propension à accepter l’inacceptable, comme si, en tant que vieux peuple dominé, nous avions fini par incorporer le gène de la soumission.

Et pourtant, des lueurs d’espoir : nos jeunes. En rendant leur copie en langue bretonne, au mépris de l’administration, nos lycéens et collégiens de Diwan nous ont montré la voie. Les libertés, et surtout celles qui touchent à nos langues, ne sont pas négociables. Nos libertés fondamentales d’être humain, comme le droit de s’exprimer dans notre langue, sont des libertés qui se prennent. Pour une raison simple mais incontournable : notre dignité.

Celui qui renonce à sa dignité a déjà tout perdu. Il ne mérite plus rien. Et « notre dignité, c’est nos langues » écrivis-je récemment en préface d’un remarquable ouvrage à paraître écrit par Jean-Luc Laquittant 2. Notre dignité d’être humain, c’est encore le droit d’être reconnu pour ce que l’on est, nous, Bretons de Loire-atlantique.

La dignité, c’est aussi le droit d’être appelé par son nom, dans sa propre langue. Tant de nos anciens se sont battus pour cette dignité, à leur manière, que nous n’avons pas le droit de faillir, avec la conscience bretonne qui est aujourd’hui la nôtre et les informations dont nous disposons sur les droits internationaux protecteurs.

Le système que nous affrontons est d’une logique implacable. Il ne songe qu’à se maintenir et repose largement sur notre complicité car ce sont souvent des Bretons qui sont chargés des basses œuvres.

Le système se nourrit de notre compromission mais surtout de notre esprit de servitude. Relevons la tête, et il s’effondre. Il suffit de dire non ! il suffit de ne pas applaudir et le problème breton se pose. Il suffit de ne pas applaudir pour que ceux qui cautionnent le système s’interrogent.

Il nous suffit de dire non, et le pouvoir est contraint de réagir. Alors, c’est l’humanité qui triomphe et la possibilité d’une véritable unité entre les hommes. Une unité fondée sur un rapport de justice et non plus sur l’arbitraire de l’administration et la domination séculaire.

Il ne compte que sur une seule chose, le pouvoir, l’inépuisable force d’obéissance du peuple breton, jusqu’au jour où ce dernier aura perdu toute consistance.

Nos jeunes nous ont montré la voie. Ils ont compris ce qu’ignorent nos élus. On ne transige pas avec sa dignité. A ce prix-là seulement, il y aura encore des Bretons au siècle prochain. Un vent nouveau est en train de se lever.

1 « Plaidoyer pour nos communautés » Yvon Ollivier - éd Yoran embanner 2018

2 « L’histoire des Bretagnes vu par leurs langues » JL Laquittant, ouvrage à paraître

Yvon OLLIVIER , juriste, auteur.


Vos commentaires :
Lundi 29 avril 2024
Magnifique tableau dressé par Yvon Ollivier. Transfert de compétences ? Paris ne l'accepte pas et les élus qualifiés de Bretons baissent la tête. Conclusion, changeons d'élus ! Et pourtant, il suffisait de dire non. Et le pouvoir aurait été contraint de réagir, sinon il se serait ridiculisé par sa propre faute aux yeux du monde.
Il appartient donc aujourdhui aux Bretons de prendre conscience que même dire “NON” ne suffit plus. L’heure est venue d’exiger. C’est à la Bretagne et aux Bretons qu’il appartient de dessiner leur propre avenir sur la base de leurs valeurs ancestrales, leur puissance maritime, la richesse de leur sous-sol, etc.
La lecture des commentaires est intéressante par sa diversité et la preuve de l’intérêt suscité par l’article. On pourra seulement regretter quelques dérives dénotant une maimise de l’opinion françaie sur l’opinion bretonne : exemmple le consumérisme propre aux Keynésiens et socialos. Paul Chérel
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