Ne cachez pas la Bretagne !

Lettre ouverte publié le 23/06/18 9:20 dans Media et Internet par Marie-Josée Christien pour Marie-Josée Christien

Qui n'a pas été un jour agacé de voir que notre région est souvent invisible sur la carte météo des bulletins télévisés ?

Henri L'Helgouac'h a adressé cette lettre, avec une pointe d'humour, à TF1, France 2 et France 3. Nous la reproduisons ici avec son accord.

Henri L’Helgoualc’h de Plonévez-Porzay, Finistère

à TF1, France 2 et France 3

Objet : Ne cachez pas la Bretagne !

Madame, Monsieur,

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour la qualité de vos bulletins météorologiques. Vos cartes sont claires et vos pronostics de plus en plus fiables. Sans parler des commentaires précis et très utiles aux téléspectateurs. Je n’ai qu’un seul reproche à vous faire. Comme nombre de vos fidèles, j’ai la mauvaise idée d’habiter en Finistère à la pointe de la Bretagne. En effet, afin d’éviter de cacher la Corse, vos présentateurs se placent à gauche de l’écran. Ils sont alors proches de la péninsule armoricaine et le moindre de leurs mouvements couvre les informations nous concernant.

Mais sont-ils obligés de se mouvoir ainsi en joignant le geste à la parole ? Est-ce bien nécessaire de poser la main sur les Alpes en annonçant qu’il va neiger en altitude, balayer le Sillon Rhodanien pour dire aux autochtones qu’ils devront se méfier du mistral ou désigner du doigt une température caniculaire à Strasbourg ? Et tout cela, bien sûr, en camouflant le temps qu’il va faire chez nous !

Je suppose que vos commentateurs espèrent ainsi faire œuvre pédagogique car ils s’imaginent sans doute que les Savoyards, les Marseillais, les Alsaciens sont incapables de localiser leur propre région sur la carte de France. Ou bien pensent-ils renseigner ceux qui veulent s’y rendre sans savoir où ils vont. A moins que votre météo soit destinée aux étrangers, je ne vois vraiment pas pourquoi vous agissez ainsi en estimant que nos compatriotes sont nuls en géographie. Mais, si tel était le cas, il suffirait de se servir d’un bâton pour indiquer les lieux qu’il vous faut mentionner. Prenez alors exemple sur nos instituteurs qui savaient qu’il fallait utiliser une baguette afin de montrer les villes à leurs élèves sans avoir besoin de dissimuler la moindre parcelle du territoire.

Si la technique du maître d’école ne vous plaît pas, puis-je vous suggérer une autre solution ? Un opérateur immobile derrière son clavier et manipulant cette discrète menotte que l’on déplace sur nos écrans d’ordinateur. Ou encore, et tout simplement une voix-off, idée qui m’est venue lors d’une grève dans l’audio-visuel. Certes, il y a bien quelques inconvénients à mes propositions. Je comprends que particulièrement vos animatrices, qui changent de toilette chaque jour, seraient frustrées de ne pouvoir exécuter leur gracieux ballet devant l’hexagone. Sauf que cette chorégraphie quotidienne, sans être déplaisante, finit quand même par énerver les Bretons qui doivent constamment se tordre le cou pour essayer d’entrevoir les phénomènes atmosphériques qui leur sont prédits mais régulièrement masqués.

En espérant être entendu, veuillez agréer mes sincères salutations.

Henri L'Helgouac'h


Vos commentaires :
Lucien Le Mahre
Vendredi 22 novembre 2024
Je viens d'urgence vous prêter main-forte, rongé que je suis moi aussi par l'angoisse de voir les Bretons succomber à l'épidémie de torticolis qui les guette sournoisement. D'ailleurs j'ai moi-même ressenti ce matin une douleur suspecte à hauteur de mon col de chemise, rien qu'à la lecture de votre article.

Après m'être longtemps gratté l'occiput pour aider à la concentration, il existe quand même à mon avis deux solutions de sortie de crise.

D'abord, si on dispose d'une TV-satellite, on pourra toujours programmer, au hasard d'une chaîne lointaine, une émission météo présentée en continu dans une langue non identifiée certes, mais heureusement non dépourvue d'images.

Sur le globe terrestre en lente rotation devant soi et à condition de maintenir tous ses sens en éveil, il restera possible de saisir au passage le chiffre exprimant la température de l'Ouest européen, agrémenté ou non de nuages ou de pluies. Et avec un supplément de motivation, de chance et de vivacité, celui de sa péninsule France assez facilement reconnaissable.

On ne peut rien promettre devant l'hyper exigence à la précision de détail qui est la vôtre. Pensez : la météo d'un second sous-multiple péninsulaire ... Il ne faut quand même pas trop en demander !
Surtout que, soyons franc : si vous y êtes, sur cette presqu'île peu discernable à l'échelle géographique terrestre, il vous suffit de regarder par la fenêtre pour satisfaire cette curiosité excessive !

Et puis, restons positifs et reconnaissons qu'il est tout de même enrichissant de sortir de son petit monde quotidien pour suivre, jour après jour, ne serait-ce que le degré de chauffe du soleil à Alice Springs en Australie et jusqu'aux brumes de la Terre de Feu, en passant par le désert du Kalahari.

La deuxième solution, beaucoup plus compliquée, il ne faut pas se le cacher, dans le cadre institutionnel hégémonique que nous connaissons, relayé par ses franchisés bretons, c'est de faire en sorte d'avoir une TV péninsulaire digne de ce nom et présentant des programmes différenciés et adaptés, comme c'est le cas pour les Régions fédérales allemandes ou les Généralités espagnoles par exemple.
Ou la plupart des «territoires» de notre rang : Ecosse, Pays de Galles, Québec, Flandre et Wallonie. Ou tenez : Malte et Luxembourg, 400 000 h chacun, alors que nous en comptons 4,6 millions ...

Je ne sais pas si finalement le choix est si difficile. En tout cas, j'espère que nous saurons le faire : il s'agit de rien de moins que d'éviter de périr du torticolis !


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