Nous partons aujourd’hui à la rencontre de deux photographes professionnels, Myriam Jegat et Eric Legret, qui ont décidé de mettre la musique bretonne au cœur de leur activité.
Eric Legret :
Un reportage sur le tout jeune festival « Les Vieilles Charrues » en 1996... J’arrivais de Paris, je connaissais des morceaux d’Alan Stivell, bien sûr, mais en quatre jours en centre-Bretagne, à Carhaix, j’ai découvert sur scène : Ar Re Yaouank, Red Cardell, Dan ar Braz, Hamon-Martin, Taÿfa, Diaouled ar Menez... Et aussi Miossec ! Un bon début... ! De culture musicale plutôt Rock/funk/Rap/Jazz, j’ai alors été séduit par les différentes approches musicales de ces artistes bretons, l’engouement du public et surtout des danseurs. Tous ces éléments m’ont donné envie d’en découvrir davantage !
Myriam Jegat :
La musique en règle générale a occupé une grande place dans ma vie, celle de Bretagne m’entoure depuis l’enfance à travers les chants de mes grands-parents et de disques anciens figurant dans la discothèque familiale. Puis j’ai découvert la musique sacrée de Jégat et Ihuel, ensuite j’ai entendu Reflets de Stivell. J’ai pris conscience de la richesse de cette musique et dans l’élan créé par Stivell, j’ai fait partie d’un groupe de musique de fest-noz. Lors de cours de langue bretonne, indissociable de la musique, j’ai également appris des chansons traditionnelles.
Eric Legret :
J’ai eu la chance d’être photographe professionnel très jeune, à 20 ans, (En studio et agence) un travail davantage axé sur le reportage et le portrait (Politique, social, Mode...) ; une très bonne école ! Je commençais, cependant, à me spécialiser dans le milieu du spectacle vivant (musique, danse, théâtre...) par goût pour ces expressions artistiques. Au début des années 90, j’ai photographié : Léo Ferré, Renaud, Hubert-Félix Thiefaine... Sans le savoir à cette époque, le lien avec la musique bretonne était déjà présent... Ferré avec sa rencontre et son tour de chant en Bretagne avec Glenmor, Renaud et Thiefaine accompagnés par des musiciens bretons : Patrice Marzin, Hilaire Rama... Croisés quelques années plus tard en fest-noz et concerts. Le fait de vivre dans le kreiz-Breizh dès la fin 1996 et d’avoir dans mon proche voisinage les Frères Molard, Annie Ebrel, Soïg Sibéril, Youenn Gwernig, les frères Guichen, Noluèn Le Buhé, Steph de Vito, Pat O’ May, Erik Marchand, Yann le Corre, Brigitte Le Corre, Gaby Kerdoncuff, Jean-Claude et Rozenn Talec ... m’a permis d’ appréhender la musique traditionnelle bretonne, de la comprendre un peu mieux et d’en apprécier toute la richesse et la diversité. J’ai commencé rapidement à collaborer avec les productions musicales, des magazines, des associations et festivals (Festival Fisel, Nuit de la Gavotte...) et j’ ai recentré, alors, mon travail sur les musiques en Bretagne et donc sur les musiques populaires du Monde... La rencontre avec Bertrand Dupont et Cécile Borne qui venaient de créer La Grande Boutique à Langonnet a été déterminante également : le croisement des esthétiques musicales, de la danse contemporaine et des arts plastiques ancrés dans une histoire, une culture, m’a séduit. Actuellement, je collabore toujours avec cette structure et la nouvelle équipe de Perrine Lagrue en suivant photographiquement « le plancher, scène du kreiz-breizh », la saison culturelle de la Grande boutique.
Myriam Jegat :
Je n’ai pas vraiment choisi de faire de la photo en fest-noz ! J’ai commencé par écrire des articles sur la musique bretonne et j’ai donc dans un premier temps tout simplement illustré mes publications. La photo est devenue par la suite une expression à part entière. J’ai choisi la musique bretonne car c’était un milieu que je connaissais et où la pratique professionnelle était quasi inexistante. C’était un challenge, me rendre incontournable dans ce monde à l’actualité foisonnante.
Que cherches-tu à transmettre au travers de ces photos ?
Eric Legret :
Sur scène, pour un concert ou un fest-noz, on ne peut pas tricher, c’est la sincérité et l’engagement des musiciens et chanteurs qui fait que l’émotion musicale va toucher le public, porter les danseurs dans la ronde, les faire crier ! Par mes images de scène, j’essaie simplement d’être le témoin de ces instants furtifs et beaux : l’intensité d’un regard, d’un geste sous les projecteurs, privilégiant l’émotion, l’énergie offerte plutôt qu’un esthétisme forcené. Et pour les danseurs, les ambiances des festoù-noz, c’est la même démarche : témoigner de cette osmose, de ce plaisir partagé ! Pour l’aspect plus technique, je ne suis pas un fou de matériel : mon sac est très léger, je travaille avec un boîtier et 2 ou 3 objectifs de très bonne qualité (c’est le plus important). La lumière en fest-noz est particulière et relativement basse : cela demande plus d’attention et d’adaptation que sur les grandes scènes de concerts très éclairées. C’est souvent un défi à relever en photographie et j’aime beaucoup cela !
Myriam Jegat :
J’ai très sûrement une méthode mais je n’en connais pas vraiment les principes. J’ai en horreur les méthodes et les recettes. Je suis très intuitive. Je mets en avant, une certaine réactivité et laisse mon imagination travailler. A chaque prise de vue, il me faut observer les lieux, les scènes, les éclairages et surtout les artistes.
Une fois ces repères établis, je tâche d’évoquer des sons, des notes, des voix. J’essaye de traduire des moments d’émotion, de partage et de complicité. Sans prétention aucune, j’ai l’impression que photographier la musique c’est en quelque sorte ma façon à moi de la jouer.
Eric Legret :
C’est une activité professionnelle, je ne sectorise pas les musiques. Le milieu musical en Bretagne s’est professionnalisé et structuré depuis de nombreuses années ce qui lui a permis d’avoir cette reconnaissance artistique au niveau local et international. Cela correspond à la réalité de nombreux musiciens et chanteurs en Bretagne : ils créent en croisant des influences diverses, passant du concert au fest-noz. Et pour moi, c’est un gage de vitalité que d’ expérimenter, que de créer comme le font Krismenn, Fleuves, Ndiaz, KreizBreizhAkademi, Hamon/Martin, Barba Loutig et beaucoup d’autres... !
Heureusement, de jeunes producteurs/tourneurs s’engagent avec énergie au quotidien dans une économie fragile, mais réelle, pour permettre aux artistes d’affirmer leurs choix et leurs pratiques.
J’en profite pour saluer les associations organisatrices, les productions, les musiciens qui oeuvrent pour cette reconnaissance des musiques populaires, avec peu de moyens, et qui jouent le jeu de passer commandes aux photographes professionnels, s’attachant à un regard, une sensibilité en leur faisant confiance pour leurs créations et leurs communications !
Myriam Jegat :
Je suis photographe professionnelle, je ne considère pas la photographie amateur comme un art mineur mais je défends ce statut de professionnelle avec force.
C’est mon métier et aujourd’hui alors que le monde du disque et de la musique s’est professionnalisé, il me paraît important de respecter tous les acteurs de cette économie.
Je profite bien entendu de cette possibilité de m’exprimer pour remercier tous les organisateurs de spectacles, les ingénieurs du son, de l’éclairage, les techniciens qui favorisent mes prises de vue lors des concerts et autres festivals.
Merci aussi aux associations, aux maisons de production, aux labels et aux éditeurs qui me font confiance. Un grand merci aux bénévoles sans qui cette musique que j’aime n’existerait pas. Et bien entendu, j’ai une pensée pour tous ces artistes qui nourrissent ma créativité.
Vous pourrez retrouver l'actualité de ces deux photographes sur leur page Facebook et sur leur site internet.
Myriam Jegat : (voir le site)
Eric Legret : (voir le site)
Propos recueillis par Norbert Fest Noz (voir le site)
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