Affaire Seznec : la saga des fausses pistes continue

Chronique publié le 8/05/18 12:20 dans Justice et injustices par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
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Denis Seznec (photo wiki)

D'abord on apprend que l'os de fémur de Pierre Quéméneur soi-disant retrouvé dans un sellier de la maison de la famille Seznec à Morlaix est un os d'animal. Puis, nouvel épisode du feuilleton centenaire : des descendants qui ressortent la théorie de l'accident: la femme de Guillaume Seznec aurait tué Pierre Quéméneur, par accident, alors qu'elle repoussait ses avances, un des descendants alors enfant aurait même vu le corps allongé sur le plancher ...

Hier sur RTL dans l'émission de Jacques Pradel, Denis Seznec a démoli en une seule phrase cette théorie fumeuse. Après la mort de sa femme en 1931, Guillaume Seznec, alors au bagne à Cayenne, n'avait plus aucune raison de couvrir son épouse si elle avait été la responsable de la mort de Pierre Quemeneur. Il n'a rien déclaré sur le sujet lors de son audition pour une grâce éventuelle.

Le fait qu'on ait retrouvé en 1943 la carte d'identité de Quéméneur dans la poche d'un voyou arrêté en Normandie, un fait essentiel, est une preuve que Quéméneur a été assassiné par un gang de malfrats, rival de l'équipe Seznec-Quéméneur qui était active dans la vente de surplus de l'armée américaine laissés à Brest en 1918. (voir notre article)

L'affaire Seznec est une affaire d'État car la justice a fermé les yeux sur les possibles implications de la police lors du premier procès. Elle a refusé de revenir sur cette affaire en 2006 et de réhabiliter Guilllaume Seznec pour les mêmes raisons. Cela reviendrait à admettre une implication de la police dans la manipulation des pièces à convictions avant et lors du procès et donc au minimum de reconnaître une erreur judiciaire et au pire une collusion de la justice avec les intérêts de l'État. Celui-ci ne voudrait pas admettre que la police de l'époque, de la 3e République donc, ait pu protéger une pègre qui lui servait de sources de renseignements via des indics et peut-être même de sources de revenus illicites. «nos magistrats ne reconnaissent jamais qu'ils font une erreur», a rappelé hier Denis Seznec.


Vos commentaires :
Christian Rogel
Samedi 23 novembre 2024
L’ABP avait eu la primeur de cette thèse, puisqu’elle avait été dévoilée à Quimper par Denis Langlois, ancien avocat d’une partie de la famille. Il parlait du fait que Guillaume fils avait été enregistré, à son insu, par ses proches. Voir le site
Avancer qu’un pacte familial a été passé avec des ecclésiastiques pour témoins permet aux petits-enfants de faire paraître crédible le fait que Seznec n’ait jamais dit autre chose que ce n’était pas lui.
Selon Le Monde, Marie-Jeanne aurait, une fois, avoué l’homicide sans qu’elle soit crue par les gendarmes.
Le plus intéressant est l’allégation que l’ancien séminariste aurait pu être protégé par l’évéché, via un ancien condisciple qui, devenu évêque de Cayenne, lui aurait procuré une position de sacristain, ce qui le mettait à l’abri des duretés et des dangers de la vie au bagne.
Cette solidarité entre prêtres et laïcs passés par le séminaire était un ressort caché que l’on voit à l’oeuvre dans les actions de Jean-Marie Le Scour, autre Morlaisien.
Stupéfiant, mais logique, qu’on prétende que l’évêque de Quimper, Mgr Duparc, ait participé personnellement au pacte, car, l’ami prêtre de Seznec ne pouvait agir sans son accord, pour assurer l’avenir professionnel de l’enfant, par exemple.
Quoi qu’il en soit, il est aventuré de supposer que Seznec aurait du revenir en arrière, surtout quand on connaît la mentalité d’une partie des Bretons.
Qu’aurait-il eu à gagner de présenter une meurtrière à ses enfants et futurs petits-enfants ?

Philippe Argouarch
Samedi 23 novembre 2024
@Christian Rogel : Cette théorie ne tient pas la route. Vouloir rester au bagne de Cayenne dans des conditions infernales, avec une mortalité de camp de concentration, même si Guillaume Seznec est plus ou moins protégé par un prêtre, n' est pas plausible comme l'a expliqué Denis Seznec. Personne ne l'aurait fait, breton ou pas, cinglé ou pas. D'autant plus qu'il n'y a rien dont la famille, ses enfants, auraient pu avoir honte si sa femme avait tué Quemeneur par accident ou même l'avait tué par légitime défense. D'autre part, que Guillaume Seznec ait eu, avec le Conseiller général Pierre Quémeneur, un élu, des activités commerciales lucratives mais en fait en rien illégales, n'en fait pas un assassin.

Naon-e-dad
Samedi 23 novembre 2024
Aujourd'hui, dimanche 13 mai 2018, la 2 vient de présenter son documentaire hebdomadaire, réalisé sous la houlette de Laurent Delahousse, et excellemment filmé (comme d'habitude), un opus consacré à l'affaire Seznec. Cette série est d'ordinaire menée avec le plus grand sérieux,. Apparemment (je parle du point de vue du spectateur).

Or, surprise:

. il n'est fait aucune mention de ce que rapporte le présent article de l'ABP, à savoir la découverte, en 1943 en Normandie, de la carte d'identité de l'homme politique finistérien Quéméneur

. par ailleurs, l'os retrouvé dans le cellier (images filmées sur site, en réel) est une vertèbre, assez grosse, et en bon état - surtout après cent ans supposés passés dans la terre acide de Bretagne- .Le spectateur s'attend donc à ce que l'on déterre dans la foulée le reste du squelette, mais non rien! Et pour finir, l'on apprend quelques instants plus tard que le légiste s'est tout simplement trompé sur la nature du nonos: il s'agit en fait, non pas d'un os humain - le procureur de Brest était revenu dare-dare sur les lieux en plein WE, face à une découverte aussi sensationnelle! - d'un os de ...bovin!

Du coup (d'autres petits détails laissent un goût d'intrigue dans la démonstration filmique), et c'est là où je veux en venir, le spectateur ne sait plus qui croire, ni que croire dans l'énigme telle que rapportée dans le documentaire de la chaîne France 2. A quoi joue le journaliste Laurent Delahousse - l'un des plus en vue dans le PAF - , d'ordinaire pourtant si convaincant et intéressant dans ces enquêtes filmées?

Cette affaire nimbée de silences, qui mêle fait divers et présence de l'Etat (avec ses bras opérationnels: justice, police, ...) fait furieusement penser, dans un genre différent, à celle, plus récente mais non élucidée, du chalutier «Bugaled Breizh». Tout est fait, ou en tout cas suffisamment est fait, semble-t-il pour que la vérité factuelle ne parvienne pas au grand jour.

Entre messieurs Delahousse et Argouarc'h, mon entendement penche vers le discours porté par le deuxième.
Etre Ao. Delahousse hag Ao. Argouarc'h, a soñj din, e vefe ar wirionez kentoc'h gant rener an ABP, m'eus aon.


Philippe Argouarch
Samedi 23 novembre 2024
@Naon-e-dad. J'ai aussi regardé l'émission et de toute évidence Denis Seznec a été censuré puisque son argument implacable: «Guillaume Seznec n'a rien dit après le mort de sa femme en 1931 alors qu'il n'avait plus de raison de la couvrir» est passé à la trappe alors que je suis sûr que Denis n'aurait pas manqué de le répéter comme il l'a déclaré sur RTL. Vous avez raison aussi de mentionner l'épisode de la carte d'identité aussi passée à la trappe. D'autre part, aussi passé à la trappe, l'inspecteur Pierre Bonny, impliqué dans l'enquête sur Seznec, futur gestapiste, a bien déclaré à son docteur en prison juste avant d'être fusillé en 1944 «je n'ai qu'un regret c'est d'avoir envoyé un innocent au bagne». Il a même dit plus. Je viens de lire le livre de son fils qui rétablit un tas de vérités sur l'état de décomposition avancé de la 3e République et de ses relations incestueuses avec la police et la justice. Bonny a même été chargé d'assassiner un temoin génant de l'affaire Stavisky, Albert Prince, le chef de la section financière du parquet de Paris. Des tas de membres du gouvernement étaient impliqués et on a demandé à Bonny de le faire disparaitre. Celui ci a embauché des membres de la pègre, ils lui ont tendu un piège au juge, piqué les documents compromettant, puis ils l'ont attaché sur les rails de la ligne Paris-Dijon. Sur Seznec, Bonny aussi déclaré avoir la preuve qu'il était innocent sans la révéler. On comprend alors que c'est lui, Pierre Bonny, qui a planté sur ordre dans le grenier de Guillaume Seznec, la machine à écrire qui l'envoya au bagne. Contrairement à ce qu'on peut penser, son fils explique clairement que Bonny était de gauche et a accepté des sales besognes car c'etait un bon soldat, héros de 14-18, obéissant, et aussi parce qu'il comprennait qu'il fallait defendre le parti radical et le cartel des gauches au pouvoir, donc cacher le caca pour empêcher la droite ou le fascisme d'arriver au pouvoir. A défaut, ils ont eu les Nazis pendant 4 ans. Bonny était un exécutant, les ordres venaient du ministère via la hiérarchie de la police à tel point que le syndicat des commissaires de police déclare dans un communiqué en 1932 à propos de l'affaire Stavisky qu'on a suicidé «Le scandale démontre l'intrusion de certains hommes politiques dans les actes administratifs et notamment dans les actes de justice et les opérations de police». Ce livre a complètement détruit de ce qui me restait d'espoir dans les valeurs de la république déjà bien à mal. Que l'inspecteur Bonny soit passé de la police judiciaire de la 3eme République à la Gestapo française n'est pas du tout surprenant car il y a continuité dans les méthodes et la corruption.

Penn Kaled
Samedi 23 novembre 2024
En tout cas l'affaire revient sur le tapis avec l'hypothèse d'une éventuelle culpabilité de Seznec .
Cependant plus généralement ce genre d'affaires mêmes anciennes , ne devraient pas être instrumentalisées en faveur de la cause bretonne , ,sauf si elles ont un caractère politique flagrant .
w.letelegramme.fr/dossiers/affaire-seznec-les-100-ans-dune-enigme-judiciaire-bretonne/et-si-guillaume-seznec-etait-coupable-25-05-2023-13343949.php

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