Rencontre annuelle GNIS. Comment la nouvelle loi autour de produits phytopharmaceutiques change l'a

Reportage publié le 11/04/18 8:12 dans Agriculture par Agnieszka Misiura pour Agnieszka Misiura
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le blé

Le 5 avril 2018 a eu lieu la rencontre annuelle de la filière Semences Céréales et Protéagineux organisé par le GNIS (Groupement National Interprofessionnel des Semences et Plants).

Trois sujets ont été abordés cette année.

L'«EGA» et quel impact pour la filière des semences.

Le 14 novembre 2017, les représentants de la coopération du monde agricole ont signé la charte d'engagement nommée États Généraux de l'Alimentation.

Cette charte protège les intérêts des producteurs et des consommateurs. Le travail des agriculteurs doit être mieux récompensé et les consommateurs, en revanche doivent avoir des produits sains et de bonne qualité.

Le Gnis pour cette discussion a invité des spécialistes :

Rémi Haquin qui est le président du Conseil spécialisé Céréales FranceAgriMer et qui est notamment un agriculteur sur une exploitation qualifiée Agriculture Raisonnée à Brégy.

Le deuxième spécialiste : Jean-François Loiseau- président d'Intercéréales.

Deux grands témoins ont assisté à cette rencontre : Sylvie Brunel, écrivain, économiste et ancienne présidente de l'ONG Action contre la Faim qui a publié plusieurs essais sur le développement durable et Sébastien Abis, chercheur associé à l'IRIS.

Ses experts étaient tous persuadés que le futur pour la filière est l'export et qu'il faut aller vers le durable. Ils l'ont évoqué sur une première table :

Il faut valoriser tout le sol.

«Au niveau de la filière oléoprotéagineuse, l'ambition est nécessaire. On doit valoriser toutes nos productions et on dit qu'on doit être autonome du point de vue de l'alimentation animale. Si l'on doit aboutir à une autonomie de la production de la protéine sous 5 ans, il faut bien penser que la production française est actuellement tournée vers l'export et arrêter d'avoir des discours caricaturaux comme dire 'l'export ça n'a pas de sens', pourtant si, le cas de le féverole a été cité, si cette légumineuse est en train de se casser la figure, c'est parce qu'on a perdu un marché à l'export».

Le sujet de la deuxième table était les CEPP (Certificats d’Économie de Produits Phytopharmaceutiques) et l'impact sur la filière.

Les lois pour la réduction de l'utilisation de ce genre de produits votées le 1er juillet 2016 et changées par décrets en 2017, les risques sur la santé des utilisateurs et les effets sur l'environnement et la biodiversité.

Dans cette discussion le Gnis a invité :

Christian Huyghe, directeur de recherche en Génétique et Amélioration des Plantes de INRA qui est aussi le président de la Commission CEPP et Anne-Claire Vial, présidente d'ARVALIS, agricultrice dans la Drôme.

D'après elle, on n'a toujours pas d'alternatives aujourd'hui pour remplacer les produits phytopharmaceutiques. Il faut des solutions biologiques, génétiques, chimiques et végétales.

«Nous sommes dans un contexte de monde agricole sous pression avec de fortes demandes sociétales : la forte demande alimentaire, la diminution des impacts mais une véritable crainte au niveau des phytos même si l'absence de ceux-ci peuvent être à l'origine de problèmes sanitaires. Il y a donc une transformation nécessaire car on est bien, dans notre filière, dans un monde ouvert sur la concurrence. Le besoin d'innovation va alors vers la protection intégrée, renforcer la compétitivité d'une exploitation ou encore accélérer le transfert des techniques».

«Nous n'avons pas d'alternatives à la hauteur de nos espérances. Il faut donc rester cohérents et modestes envers le consommateur afin que, dans trois ou cinq ans, on ne nous reproche pas de ne pas avoir tenu nos promesses.»

En conclusion, Sylvie Brunel qui a travaillé en Afrique a ajouté :

«Les paysans africains veulent des « cides », les pesticides, les fongicides,les herbicides qui sont des gros mots en France. Pour eux, qui ont une tonne de céréales à l'hectare, c'est une nécessité même si souvent, ils se contaminent et s'empoisonnent. Les agriculteurs français, même s'il y a un cas de personne contaminée très médiatisée, vivent plus longtemps que le reste de la population, ce qui montre qu'ils savent utiliser les produits phytos et ont tiré leçon des excès du passé».

«L'opinion publique est profondément versatile. Aujourd'hui, elle fait des phytos des choses diaboliques mais si demain, nous revenons aux crises sanitaires comme celles que l'on vit par exemple aujourd'hui en Afrique du sud avec la listériose ou en 2011 en Allemagne avec les haricots germés bio qui ont provoqué 33 morts et des centaines de dialysés à vie, est-ce que l'opinion publique ne va pas se retourner en disant « Vous saviez ? Pourquoi n'avez-vous rien dit ? Vous aviez le devoir de nous protéger !».

«Le choix des scientifiques et des chercheurs provoque parfois l'étonnement des acteurs agricoles. Il faut donc se redemander ce qu'est le CEPP ? C'est un outil de transfert pour alerter les agriculteurs. Le plus grave serait de laisser entendre, comme nous l'avons déjà fait par le passé, que ça allait baisser les phytos. Le sujet des phytos est très complexe car on travaille avec du vivant et que le climat a un impact très fort sur les fréquences de traitement. On se pose beaucoup de questions techniques sur les CEPP, il faut maintenant se poser les questions politiques».

Et la réponse est venue de la part du députe invité Gérard Menuel, agriculteur dans l'Aube :

15% Productions bio en 2023

«On a mis en place un certain nombre de propositions et un certain nombre d'entre elles passent par l'innovation. Notamment intégrer au niveau des chemins agricoles tout ce qui est nouvelles technologies : les drones, les pulvés. On a même proposé une prime à la casse pour le matériel de pulvérisation qui a plus de 25 ans de moyenne d'âge au niveau national. De plus en plus, on doit aller vers l'apport de précision en matière de phytopharmacie. On a également un poids important concernant la recherche et il faut par exemple que nous puissions avancer plus vite au niveau du biocontrôle. Des choix d'agriculture sont aussi à soutenir comme le bio mais ce n'est pas demain que 50% de la population française et européenne va s'y tourner. L'objectif est de passer de 7% aujourd'hui à 15% à l'horizon 2023. Tous les secteurs de l'industrie et surtout ceux qui ont un lien avec la nature doivent répondre à des exigences environnementales comme préserver la qualité de l'eau, de l'air et des sols et il y a des moyens techniques appropriés pour ce faire à travers la limitation des produits pharmaceutiques. Il y a par exemple le secteur de la recherche variétale car si on a des variétés résistantes naturellement à l'agresseur, on limitera d'autant l'emploi de la phytopharmacie en agriculture».

La discussion de la troisième table a tourné autour de l'avenir pour la protéine et comment relancer l'indépendance protéique.

Le GNIS a invité David Gouache de INRA et Jean-Pierre Langlois- Berthelot qui est le président France Export Céréales.

D'après les experts, il faut exporter :

«Je ne vois pas en quoi le blé français serait moins légitime que l'Airbus si on sait faire et approvisionner en qualité. Il n'y a pas de beaux métiers et de métiers moins nobles. La France commettrait une erreur morale de ne pas comprendre que, grâce à son climat, à ses sols et la qualité de ses agriculteurs, elle doit contribuer à approvisionner le monde et notamment les régions qui n'ont pas le même environnement favorable».


Vos commentaires :
Emilie Le Berre
Jeudi 26 décembre 2024
Merci pour ce reportage, il fait ressortir, sans que les participants s'en rendent eux-mêmes comptent, l'impasse de l'agriculture.
La novlangue est présente avec le terme de «produits phytopharmaceutiques», dénomination rassurance parce que phyto (plante) et pharmaceutique ont une connotation de santé alors qu'il s'agit de poisons. Ces dernières semaines on a vu l'inquiètude au sujet de l'effondrement des populations d'oiseaux mais aussi des insectes, en Allemagne les zones naturelles ont perdu 80% de la biomasse des insectes, faut-il s'étonner que les oiseaux suivent ? Et aptrès ?
Croyance en la technique pour bidouiller le vivant sur le court terme, alors qu'il est le résultat de milliards d'années d'évolution qui lui permettent justement d'être durable.
Enfin l'habituel ponsif «nourrir le monde» alors que nos sols connaissent au mieux une stagnation des rendements.

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