Les Kurdes n'ont pas besoin de combattants bretons

Chronique publié le 2/03/18 18:55 dans Politique par Philippe Argouarch pour ABP
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Kendal Breizh tué grâce à un satellite militaire, principalement de construction française. Le satellite guide les chasseurs-bombardiers turcs vers les positions kurdes en Syrie.

On ne peut que citer la phrase d'un grand écrivain français du XXe siècle dont la mère était bretonne et dont je ne citerai pas le nom pour ne pas ressusciter une autre polémique qui n'a rien à voir avec les propos de cet article. Cette citation qui fait mal est la suivante : "Les Bretons sont les champions de toutes les causes perdues sauf de la leur". Oui Kendal Breizh, ce Breton parti combattre DAESH avec les Kurdes du Rojava, une province kurde autonome au nord-est de la Syrie, aurait été bien plus utile en Bretagne vivant, que mort enseveli sous les bombes turques.

Kendal Breizh aurait été bien plus utile dans les commandos d'Ai'ta ou dans le bataillon des enseignants du breton, ou même, s'il voulait affronter la mort, dans une grève de la faim pour nos droits en tant que minorité ou pour simplement être reconnu en tant que minorité nationale ou pour l'officialisation de la langue bretonne, ou encore pour le retour de la Loire-Atlantique en Bretagne. Ce ne sont pas les combats à mener qui manquent chez nous. La Bretagne a besoin de tireurs d'élite de l'Histoire, de poseurs de mines de dérision, de bouffeurs de jacobins au crayon, et de lanceurs d'alertes, voire de propagandistes face aux ignorants de notre histoire et de botteurs de culs face à la multitude des tire-au-flanc.

Les Kurdes n'ont pas besoin de combattants, ils sont potentiellement 35 millions -- bien sûr pas tous au YPG ou au PKK, les partis qui rassemblent autonomistes et indépendantistes en Syrie et en Turquie. Ils ont par contre besoin d'armes lourdes, de chars et de canons de gros calibres et surtout de missiles sol-air, les fameux [[Man-portable air-defense system]] (Manpad) de 3° génération. Oui il leur faut des centaines de ces missiles pour descendre les hélicoptères et les chasseurs-bombardiers turcs. C'est comme ça que les Afghans ont gagné la guerre contre l'armée rouge, l'armée à l'époque la plus puissante au monde. Il n'y a pas que les Américains et la France qui peuvent leur fournir de telles armes. D'ailleurs, ils ne le feront pas, car la Turquie est membre de l'Otan, donc alliée avec les USA et la France -- et ceci en totale impunité vis-à-vis de la charte de l'Otan qui spécifie que chaque membre de l'alliance doit être constitué en État démocratique ce qui n'est plus le cas de la Turquie puisqu'on y a arrêté aussi bien des juges que des journalistes... et par milliers. Pire, en décembre 2016, l'agence spatiale européenne depuis sa base de Kourou en Guyane française, a mis sur orbite un satellite militaire turc ce qui explique la précision des bombardements turcs sur les positions des YPG et des forces d'Assad. Et Erdogan avait déclaré à ce moment "Ce satellite est très important pour nos forces armées. Pour l'instant, ce satellite est le plus développé au monde du point de vue technologique". La technologie française a contribué à la mort de Kendal Breizh. Pour préciser : le satellite turc a été construit en grande partie par Thales Alenia Space, une entreprise franco-italienne du secteur de l'industrie spatiale basée à Toulouse et Cannes. (voir le site)

Si les Kurdes ont besoin de gens, ce n'est pas de combattants mais bien d'ingénieurs en armements, d'informaticiens, de spécialistes de l'infrarouge et du laser, et de professeurs dans tous les domaines !

Les Russes vont sans doute aider les Kurdes discrètement car ce sont eux qui mènent dorénavant la danse macabre en Syrie. Ils sont alliés avec Bachar Al Assad, toujours en place à Damas, et les Turcs ont envahi ce qui est toujours aujourd'hui le territoire syrien. Les Kurdes du Rojava ont demandé l'aide de Damas, donc indirectement l'aide des Russes. Les armes russes et l'appui de l'aviation russe feront reculer la Turquie, pas les Peshmergas.

De toute façon, depuis 500 ans, le grand rêve orthodoxe, que Poutine a endossé, a toujours été de reconquérir Constantinople, le berceau de l'orthodoxie chrétienne conquis par les Ottomans en 1453. C'est pour ça que les Russes sont en Syrie dans un vaste plan d'encerclement de la Turquie, pas uniquement pour des histoires d'oléoducs.

En dépit de ses convictions pour la nouvelle doctrine communaliste, le [[Municipalisme_libertaire]] de l'Américain [[Murray Bookchin]] mise en pratique par les Kurdes du Rojava depuis 2014, une doctrine que voulait vivre Kendal Breizh, il n'aura été qu'un pion de ce vaste projet russe de reconquête de l'empire byzantin de l'orthodoxie chrétienne. La Rome des orthodoxes s'appelle aujourd'hui Istanbul et fait partie de la Turquie et la basilique Sainte-Sophie est devenue une mosquée, du moins jusqu'en 1934 où elle est devenue un musée. Ils ne rêvent que de revanche. Pour rappel, il y a déjà eu treize guerres entre la Russie et la Turquie (voir le site) et c'est presque toujours la Russie qui prédomine d'une façon ou d'une autre à chaque fois (sauf quand la France et l'Angleterre se sont alliés avec la Turquie lors de la fameuse guerre de Crimée). Une reconquista par grignotage.

L'histoire continue sans nous, et nous, Bretons dans l'armée française ou dans d'autres, ne sommes que des pantins d'une immense partie d'échec géopolitique mondiale.

Ceci étant dit, nous ne pouvons que saluer le courage de Kendal Breizh, car, alors que la prise de Raqqua par les Kurdes signifiait la fin des combats contre DAESH, il aurait pu rentrer en Bretagne mais s'est porté volontaire pour défendre le Rojava kurde contre l'invasion turque.

Philippe Argouarch

Modifié le 4/11/ 8 heures


Vos commentaires :
Lundi 29 avril 2024
Spered je n'ai pas à vous excusez de quoi que ce soit. Après le film documentaire de la semaine dernière, votre allusion à Mordrel, m'a simplement décidé et permis, d'exprimer des sentiments ressentis depuis longtemps.
Mon commentaire n'est pas celui d'un politique, si vous estimez que cela signifie d’être un encarté, ce que je ne suis pas du tout, définitivement écarté à tout jamais d’organisations soit malfaisantes, soit inopérantes ! C’est celui d’un Breton ni « bon », ni « mauvais » politique qui se tient assez bien au courant des politiciens qui s’occupent de nous !
La déconnexion _dans tous les domaines d'intérêt pour la Bretagne_ d'avec une majorité d’un peuple lui-même en voie de déconnexion complète, n’est pas la tare exclusive d’un Mordrel (si tels étaient ses propos)!
Les 73 années écoulées depuis 1945 auraient dû vous offrir un tel choix de noms, rien que concernant les critiques négatives, par des Bretons, sur langue bretonne et son histoire, qu’il eût été d’une extrême difficulté d’en choisir un, tant cela foisonnait. Ceci explique peut-être cela ? Que ce fût celui-là, précisément pour moi méritait amplement mon commentaire.

Certains noms utilisés quelle que soit l’intention, même en l’absence d’intention, agissent comme des commutateurs, qui dérivent la pensée automatiquement vers d’autres domaines que ceux évoqués dans un article. Pour d’autre le constat étant évident et d’utilisation si caricaturale et si fréquente ,que le « point Godwin » a été créé !…

Un bon exemple récent, concerne Marine Le Pen, de qui le « ricanement » fréquemment utilisé lors du débat contre Macron, nous y ramène, pour beaucoup, lorsqu’on l’entend depuis. Il nous ramène automatiquement à sa mauvaise image de cette soirée ; et cerise sur le gâteau, vers le FN et ce qu’il évoque de négatif. Le nom du père, de la fille, aurait déjà largement suffit aux « saints d’esprit » (?)

Dans votre réponse au commentaire de Fañch , j’ajouterai que votre phrase : « un camouflet pour ceux et celles qui instrumentalisent les fautes passées du mouvement breton », est intéressante. Mais je souhaiterai savoir à quel moment vous faites démarrer « le » mouvement breton ?

Et pour : « …cet évènement bénéficie davantage à la gauche radicale du mouvement breton » , qu’elle soit, cette gauche, radicale ou pas, elle n’a pas bénéficié, et ne bénéficie pas à la Bretagne, alors que veut dire bénéfice pour des « machins » politiques qui s’écroulent ?

@ Fanch
Vous écrivez : « Les Kurdes ont refusé l'offre de Poutine de s'asseoir à la table de négociations lors de la dernière conférence, ils en paient le résultat. La politique de la chaise vide n'apporte rien de bon pour celui qui revendique son identité et son territoire. »
Généralement c’est très vrai, voire assez. Mais connaissez-vous la ou les raisons pour lesquelles les Kurdes _plus ou moins lâchés par les occidentaux_ ont éventuellement refusé de s’asseoir avec Poutine… et un Bachar El Assad prèsent, ou même seulement par procuration ?... Avaient-ils un intérêt à ne pas s’asseoir, ou à le faire ? S’asseoir sur la proposition de s’attabler, pour servir de repas, peut-être !

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