Ce mercredi 24 janvier j’ai interrogé le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur les réponses que peut apporter la France concernant l’intervention militaire turque au Kurdistan syrien, dans le canton d’Afrine.
M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe La République en marche.
M. Paul Molac. Ma question s’adresse également à vous, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Le gouvernement turc n’est pas réputé pour prendre soin de ses minorités. Depuis le génocide arménien, sa politique a toujours été la même, de négation, voire d’éradication. Aujourd’hui, une nouvelle étape a été franchie, puisque la Turquie bombarde à l’arme lourde les villes et les villages du canton kurde d’Afrin en Syrie. Des raids aériens ont été menés et de nombreuses victimes ont été faites parmi les populations civiles, mais également parmi les combattants de l’YPG, qui se sont illustrés dans la lutte contre Daech, en particulier leurs femmes, qui sont des tireurs d’élite. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Ce territoire kurde, qui avait été relativement épargné jusqu’ici, a accueilli de nombreux réfugiés syriens venant d’Alep et d’autres zones. Malgré cela, le président turc Recep Tayyip Erdogan utilise le prétexte d’une opération antiterroriste, alors qu’il est lui-même complaisant avec les djihadistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes NG et REM.)
M. Manuel Valls. Très bien !
M. Paul Molac. Les Kurdes sont pourtant les plus proches alliés de la coalition internationale à laquelle appartient la France dans la lutte contre les barbares de Daech.
D’ailleurs, je n’hésite pas à rappeler les liens troubles entretenus par la Turquie avec ce prétendu État islamique. Tout porte à croire que c’est une nouvelle guerre contre les Kurdes que mène actuellement la Turquie, et ce, avec la complicité de forces régionales, la Syrie, l’Iran et la Russie, alors que les Kurdes ont héroïquement permis de combattre le terrorisme de Daech, avec le soutien de la France et des États-Unis. (Mêmes mouvements.)
Allons-nous abandonner les Kurdes ? Monsieur le ministre, dès lors que la Turquie fait montre d’une totale intransigeance, comment la France compte-t-elle user de toute son influence, à l’ONU et en Europe, pour arrêter cette intervention militaire qui porte atteinte à nos plus proches alliés et au règlement du conflit syrien ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et NG ainsi que sur plusieurs bancs des groupes REM et UAI.)
M. Manuel Valls. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le député, je vais poursuivre mon explication sur la question kurde, d’abord pour vous donner acte du constat que la Turquie a engagé il y a quatre jours une opération militaire dans la région d’Afrin, où résident plusieurs centaines de milliers de personnes.
Le Président de la République s’est entretenu hier avec le président Erdogan pour évoquer cette situation.
M. Patrick Hetzel. Alors on est sauvé !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il lui a exprimé, d’une part, son attachement à la sécurité de la Turquie et sa compréhension sur la nécessité de sécuriser les frontières et, d’autre part, sa lourde préoccupation à l’égard d’une opération militaire intervenant dans une région exposée à des risques graves de crise humanitaire.
J’ai eu moi-même l’occasion hier, monsieur Molac, de m’entretenir de ce sujet avec mon collègue turc, ici, à Paris et dimanche, par téléphone, pour lui faire part de nos préoccupations. Ceci étant, il faut se rendre compte que nous sommes dans une situation de dégradation humanitaire considérable en Syrie, à la fois dans la zone d’Afrin, mais aussi dans les zones d’Idlib et de la Ghouta orientale, où d’autres forces interviennent et où le régime encercle les forces d’opposition.
Nous sommes en même temps face à une situation politique incertaine…
M. François Ruffin. Vous condamnez ou vous ne condamnez pas cette intervention ?
M. le président. Seul le ministre a la parole.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …puisqu’il n’existe aujourd’hui aucune perspective politique claire. Notre dernier espoir, c’est la réunion qui va se tenir à Vienne demain sous l’égide des Nations unies, et où toutes les parties prenantes seront présentes. J’espère qu’un agenda de paix pourra alors être dessiné. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
M. Éric Coquerel. Et nos alliés, on les laisse se faire bombarder ?
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
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