Comment un militant breton peut-il participer à la vie publique ?

Chronique publié le 30/11/17 11:24 dans Société par Jean-Pierre Le Mat pour Jean-Pierre Le Mat
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Vie publique

(Suite de ma chronique précédente sur les prises de position (voir le site) Après le constat, les pistes possibles)

Seuls 34% des Français sont satisfaits de la façon dont fonctionne leur démocratie, contre 73% d’Allemands. Les Bretons ne sont pas les seuls à s'inquiéter du fonctionnement de la démocratie française.

L’engagement politique

Celui qui veut participer à la vie publique pense d’abord à l’engagement politique. Du conseil municipal au Conseil régional, à la Chambre des députés ou au Parlement européen, des centaines d’instances organisent, balisent, hiérarchisent la vie en société.

La démocratie politique française se présente en trois cercles concentriques. Le premier cercle est celui des élus. Ils prennent part aux décisions. Plus l’élu se rapproche du centre, plus il est contraint de passer par le deuxième cercle, celui des partis politiques. Elus et partis politiques sont influencés par le troisième cercle, composé par des acteurs indirects du jeu politique : think-tanks, associations, ONG, lobbys, médias. La société civile se situe au-delà du troisième cercle.

Le dialogue social

Celui qui a soif de démocratie n'est pas contraint de se tourner vers la politique. Il existe ce qu’il est convenu d’appeler le «dialogue social». Dans cet espace, le deuxième cercle est constitué, non par les partis politiques, mais par les syndicats. Ils sont présents dans les conseils d’administration de la CAF, de la Sécu, de Pôle Emploi, des fonds de formation, des chambres consulaires, de la médecine du travail, etc. Ils sont juges aux prud'hommes.

Les partenaires du dialogue social ne sont pas des centaines, mais seulement huit. Cinq du côté des organisations de salariés : CGT, CFDT, CFTC, FO, CFE-CGC. Trois du côté patronal : MEDEF, CPME (ex-CGPME), U2P (ex UPA).

En même temps …

Pour être élu au-delà d’un mandat local, il est recommandé d’adhérer à un parti de gouvernement. Pour l’instant, à la différence de la Corse ou de la Catalogne, il n’existe pas de partis bretons qui soient des partis de gouvernement crédibles. Dans le dialogue social, c’est pareil. Nous n’avons pas de syndicats représentatifs. Le SLB, syndicat des travailleurs bretons, ne décolle pas. BreizhTPE, syndicat de très-petites entreprises bretonnes, est récent sur la scène sociale.

Face à cette carence, je ne m’étonne pas que des militants bretons qui veulent intervenir dans les premiers cercles de la politique ou du social adhèrent à des partis français ou à des syndicats majoritaires. Il y a des places à prendre et du travail à faire.

Je sais bien que cette attitude est souvent considérée comme de l’opportunisme ou de la trahison. L’entrisme est condamné par les gardiens des temples idéologiques ou identitaires.

Les double-adhérents ont une tâche ingrate. Ils doivent gérer l’écart entre leurs convictions et leurs appartenances. Ils doivent être utiles «en même temps» (comme dirait Emmanuel Macron) à la Bretagne et à l’organisation qui les mandate.

Sortir nos mouvements politiques du cercle vicieux

La réflexion sur l'avenir de la Bretagne semble avoir déserté nos partis politiques. Elle est le fait d'individus, comme Yvon Ollivier ou Yannik Bigouin, et de think-tanks, comme Bretagne Prospective ou l'Institut de Locarn. Nos partis n'existent qu'en prenant des positions tranchées sur tout. Le clivage apocalyptique (le camp du bien contre celui de la catastrophe écologique ou sociale) n'aide pas à réfléchir ; c'est une machine à fragmenter. Elle sépare, sans aucun exercice d'intelligence ni de tolérance, ceux qui sont pour ou contre NDDL, pour ou contre les éleveurs de cochons, les compteurs Linky, les mines, le code du travail, le capitalisme, l’indépendance,…

Mathématiquement, 10 revendications peuvent susciter 1024 combinaisons différentes. En cas d’intolérance maximum, je vous laisse imaginer le nombre de partis politiques…

Je ne vois pas comment rompre le cercle vicieux de la fragmentation et de la surenchère (je suis plus bretonnant que toi, plus écolo, plus à gauche, plus féministe, plus compassionnel, plus-plus-plus…). Si quelqu’un a une solution, je suis preneur.

Démocratie directe !

De nombreux modes d’expression sont accessibles : manifestations de rue, pétitions en ligne, votes sur internet, vidéos sur Youtube, discussions sur Facebook, commentaires laissés sur le site d’un grand journal.

La démocratie ne se réduit pas à la liberté d’expression. Il faut aussi pouvoir décider au pays. Les décisions qui concernent la vie publique disposent de nouveaux moyens, qui simplifient les procédures et les référents traditionnels. Les écoles numériques, la démocratie liquide, le référendum local, l’économie solidaire, Ti-Lab, blockchain, les monnaies virtuelles peuvent court-circuiter les institutions officielles, ou cogérer la vie publique. Le phénomène n’en est qu’à ses débuts. Encore faut-il organiser -et d’abord faire connaître- les circuits alternatifs.

Trois pistes pour participer à la vie publique…


Vos commentaires :
spered dieub
Vendredi 15 novembre 2024
Voici une analyse réaliste de la situation ,mais il est difficile de servir deux maitres à la fois ,voir davantage . D'autant que malgré de solides convictions au départ , la nature humaine fait que tôt ou tard quiconque peut succomber à la tentation ,de l'argent ,du confort ,de la belle vie ,de la luxure des palais de Paris ou de Bruxelles .Ceux là très habiles trouveront toujours des arguments pour justifier leur renoncement aux gens qui leurs faisaient confiance au départ .Cependant la solution n'est peut être pas dans un parti Breton qui dans son ADN de droite ou de gauche est une machine à exclure ,mais dans un mouvement d'émancipation unique revendication de cette organisation , ses membres pouvant par ailleurs adhérer,suivant leur sensibilité à divers partis politiques syndicats hexagonaux et être actif dans la société civile ,c'est la seule solution pour ce mouvement d'avoir des élus .Il faudrait éviter, mais ce 'est pas évident ,les farfelus et fous furieux qui peuvent être des extrémistes de droite ou de gauche ,mais pas forcément ils peuvent être présents dans des organisations plus centristes et réciproquement .Ma suggestion peut être une solution ? pour sortir le mouvement breton d'une marginalité voulue et lui donner pignon sur rue .

laou ar spazher
Vendredi 15 novembre 2024
emsav: machine a perdre depuis 1945

Jacques
Vendredi 15 novembre 2024
@ Spered Dieub...

Vous avez raison, il faut inventer pour la Bretagne un «truc» vraiment différent de ce qui existe partout sur la planète....
Je l'ai déjà dis, le Breton n'est pas vraiment un être humain, d'où ce besoin pour lui et lui seul de ce truc spécifique...

En Catalogne, c'est un parti libéral qui mène le jeu avec Madrid contre un autre parti libéral....
Et si ce parti libéral ne plait plus aux électeurs, un autre parti social-démocrate celui-là prendra le relais vers un but identique... peu importe le vote des électeurs, la ligne directrice sur le plan de l'auto-détermination reste la même... et l'ensemble du pays avance..

En Bretagne, si on prononce les mots «libéral» et «social-démocrate»... Un parti bien connu viendra vous parler de «fa»... déjà qu'il refuse tout dialogue avec des partis centrismes mous qui penchent à gauche par peur du ''qu'en dira t-on''...

Une démarche qui choque tout démocrate en Europe, notamment les nationalistes corses, mais qui apparaît naturelle dans notre fameux mouvement breton : machine à dégoûter les Bretons depuis 45, bien plus que ne le font les Jacobins avec leur centralisme...

@ Jean-Pierre le Mat

Breizh TPE????
Jamais vu un article dans ABP sur ce sujet...
Je viens de regarder sur internet.... aucun site.... (Et pourtant, il existe des formules gratuites, relativement joli et qui prend une demi-journée à créer et si simple qu'un enfant de 8 ans y arriverait.... Donc, si pas de site internet c'est que Breizh TPE n'a rien à dire aux entreprises de Bretagne... on imagine la suite...)

Quand au SLB, le syndicat des travailleurs corses semblent plus présent en Bretagne que ce syndicat breton...

La Bretagne, un pays de taille comparable au Danemark mais un main social et politique, même au regard de la Corse... (pays 23 fois plus petit que la Bretagne...) Le Mouvement Breton, tout juste bon à se mobiliser pour avoir «ses» migrants à soi...

Quand on pense que le mouvement breton vote majoritairement à gauche...

Même Diwan qui est sur la ligne critique... et le petit monde du milieu breton s'en fiche...! Ça ne l'empêchera pas d'aller en fest-noz ni au FIL au mois d'août...


Léon-Paul Creton
Vendredi 15 novembre 2024
Amusant (si l'on peut dire) de voir JPLM qui me paraît proposer un programme « d’intégration » final et avec spered dieub retenir _ pour moi proposer insidieusement_ ce qui se pratique en Bretagne de puis au moins deux siècles et demi et que je dénonce depuis plusieurs décennies : la collaboration au système politique français, au syndical ainsi qu’a leurs extensions que sont la plupart des associations diverses. Ces dernières souvent bien alimentées par la « pochette libre » des 150 0000 euros non contrôlés, à distribuer au bon vouloir du maître de ladite pochette dont la disparition théorique, affole !

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, de leurs propres aveux, 32 % des députés détenteurs des libéralités accordées coulant de cette corne d’abondance, ont avoué que ce qui en tombait leur avait bien servi pour aménager ou se construire un joli « sweet home » ! Les autres?...

Spered dieub toujours aussi libre d’esprit, a bien senti et le dit enfin, que l’on ne peut servir deux maîtres à la fois. Á Fanny Chauffin sur ses options que je qualifie de sociétalistes je lui avais fait déjà remarquer _ comme si elle ne le savait pas_ qu’il était difficile de courir après deux lièvres à la fois, notamment lorsque leurs chemins divergent…

Bien entendu la récurrence légère et maligne toute de petites touches légères apposées au long de multiples commentaires, pseudo ou non, m’interroge vraiment, et me laisse une désagréable impression de « subtile » et persévérante manipulation, voulant offrir aux électeurs bretons (?) l’insigne honneur de participer à la rénovation de vieilles structures. Incapables de s'en débarrasser il faut les ressortir des cave et d’autres des greniers, même stériles à l'évidence, dangereuses et caduques depuis leurs origines, inopérantes pour ce qui concerne au moins le réveil des Bretons et à partir de là, leur émancipation ! J’espère me tromper ?… Même pas ! Depuis le temps je ne suis pas un cultivateurs de « trop » d’illusions.

Ces propositions (?), malhonnêtes ou naïves, qui appliquées sont celles qui pèsent depuis …Mathusalem. Ce sont elles qui font et ont fait l’état de la Bretagne d’aujourd’hui (pas seulement), sa désastreuse évolution jusqu’à nos jours.

Cette théorie que l'on pourait penser collabo, soumise, pas désintéressée, mais obsolète, délétère aux conséquences pour moi souvent criminelles, a fait ses preuves. Le CELIB dans ses derniers souvenirs, doit bien le savoir ? Bien des Bretons, des élus, s’en sont servi, ou ont voulu s’en servir «le système géométrique» en prétendant ou essayant de faire croire qu’elle allait servir la Bretagne. Ils n’auront servi qu’un système dans lequel les quelques grains de sables jetés bien ostensiblement, ne risquaient pas de le gripper. Encore moins d’inverser, ni le sens de rotation, ni la marche doucement aplanissante, finalement écrasante et destructrice !

Aux seins des structures hexagonales, partis, syndicats, associations diverses, toutes les organisations bretonnes, même les plus groupusculaires, ont tété, et ont défendu peu ou prou cette pratique qui n’a été que d’évitement par rapport au projet (jamais vraiment défini) et à la détermination qu’il fallait avoir ! Ils y ont participé, tous participé dans les rangs de …l’opposition ! Le fameux CELIB en est mort ! Ou pétrifié, « lithophilisé » (amoureux et fier de leur statuarisation), comme tout ce qui regarde béat, de trop près la Gorgone parisienne.

En se sens Jacques l’hypnotisation que provoque « La Catalogne chez les Bretons » pas chez tous, témoigne aussi de l’attitude d’évitement sur la réalité bretonne d’aller assez ou trop loin, ou trop profond dans le problème Breton. Parler, se fixer sur le jardin du voisin peut laisser croire aux gogos que le sien a été bien mené, organisé, personnalisé, mais en fait il est à l'abandon suivant les plans à la française de recyclage. En y regardant d'un peu plus près . Le rang des camps « in véritas », et des : cancans, et des : quand cela se fera pour la Bretagne? Et qui n‘en ont rien à cirer!

Une fois bien compris la situation existante et multiséculaire, la question du : « Comment un militant breton peut-il participer à la vie publique » peut elle se poser ? Et encore se re-poser, limité à un cadre si contraint et si contraignant?


Didier Lebars
Vendredi 15 novembre 2024
Paradoxalement le système centralisateur Français qui à l'origine permettait de remonter la richesse à Paris, pourrait préserver la Bretagne (et tout les territoires éloignés) de toute modernisation, y préserver une identité et à terme peser comme un boulet insoutenable sur Paris. Les corses avec 1 coup d'avance pratiquent ce jeu à merveille.

Pourquoi faut-il avoir des élus pour se faire entendre ? Pour être la plus belle pour aller danser ? Si on n'est pas content d'un système démocratique, on ne vote pas. Il y en a 10 ou 100 fois trop en France. Tout ce qui est excessif est insignifiant, ces élus sont insignifiants.

Le parti «En Marche» est la dernière tarte à la crème. Quelques semaines de promesses de faire de la politique autrement et enfin démocratiquement; les élections sont finis; les postes attribués; on impose le président du mouvement sans consulter les militants.

Peut on éternellement se plaindre, faire de la réthorique sur la réalité humaine ... On n'existe que parce ce qu'on fait. Les bretons revendiqués comme tels vont finir par être plus nombreux en dehors de la Bretagne. Dans le monde il y a d'autres communautés similaires, les irlandais, les libanais, les juifs ... La nature comble le vide, et les réseaux informels se créent de tout façon.


Sebgi35
Vendredi 15 novembre 2024
Dire que les réflexions sur l'avenir de la Bretagne ont déserté les partis bretons me parait excessif. En tout cas au Parti Breton nous avons réalisé 2 programmes politiques, nous allons régulièrement vers les think tank bretons afin d'avoir une ouverture et nous réalisons des alliances afin d'avoir un spectre politique large. Encore hier j'étais avec le Président du Parti Breton à l'assemblée générale de Bretagne Prospective où était rassemblée un grand nombre de sensibilités bretonnes. Ce qu'il faut dire c'est que le travail est de longue haleine car la Bretagne est multiple et qu'il faut désormais une union large des forces politiques en Bretagne afin de commencer un travail efficace. Nous devons désormais penser Bretagne au delà des clivages et c'est ce que nous faisons au Parti Breton

Jean Pierre LE MAT
Vendredi 15 novembre 2024
@sebgi35
Si je dis que la réflexion semble avoir déserté les partis politiques, c'est parce les programmes et prises de position sont sans surprise. On sait d'avance la position que va prendre l'UDB, le Parti Breton, Breizhistance, etc. sur chaque sujet. Chaque parti a son politiquement correct, ses indignations, ses «combats», ses compassions, son vocabulaire. Sans doute ce conformisme est-il nécessaire pour maintenir la cohésion du groupe. Quand tout va bien, cette façon de procéder collectivement est tout à fait honorable. Quand on est en situation d'échec, le conformisme est remis en cause.
En politique comme ailleurs, l'audace d'un groupe est l'audace de son élément le moins audacieux. . La rupture avec le train-train, à mon avis, viendra de réflexions d'individus (non anonymes) qui assument leurs innovations. L'innovation politique, quand on observe ce qui se passe en Catalogne, Corse ou Ecosse, est nécessaire. Il faut que des Bretons s'expriment individuellement sur leur vision de l'avenir de la Bretagne. Après l'expression des idées, la reproduction et la sélection des meilleures se fera par les Bretons sans contrôle. C'est ce qui se passe quand un mot nouveau devient populaire, ou lorsqu'une mutation se propage dans une espèce animale.
Les partis bretons, en plus de prendre des positions collectives (donc convenues), gagneraient à laisser s'exprimer des positions originales, assumées et, encore une fois, non anonymes, bref à tolérer les mutants.

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