Les réseaux sociaux menacent-ils la démocratie ?

Chronique publié le 24/11/17 17:58 dans Media et Internet par Philippe Argouarch pour ABP
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"Nous construisons un système nerveux planétaire"__Tim Barlow

Dans son numéro de début novembre, l'hebdomadaire The economist titre carrément Social média threat to democracy. Un des articles rapporte que Facebook admet que 146 millions d'Américains auraient vu des désinformations venant de Russie pendant les présidentielles américaines. Youtube admet que plus de 1000 vidéos seraient venues de Russie pendant la même campagne.

Les débuts de l'internet ont été marqués par une euphorie générale du genre de celles qui accompagnent les grandes révolutions technologiques. Je me souviens, alors travaillant en Californie et me trouvant par chance au coeur de cette Silicon Valley, pionnière de tant d'innovations, de la phrase de Tim Barlow, un compositeur de chansons pour le band The Gratefull Dead et grand évangeliste du World Wide Web, qui faisait cette prédiction en partie réalisée : "Nous allons construire un système nerveux planétaire" ...

Il faut le rappeler,le mouvement breton dans son ensemble a grandement bénéficié de la révolution internet.Tout d'abord avec le développements de webmédias parallèles à la presse régionale et nationale, ensuite avec la présentation de l'histoire de Bretagne à tous sur de nombreux blogs et sites spécialisés, sans parler de cours de breton en ligne et de MOOCs.

Mais avec l'arrivée des réseaux sociaux, une autre dimension est apparue. Les tweets de Donald Trump sont analysés par la terre entière et sujets de réactions en temps réel. Google a indexé des milliards de pages web et les surveille plusieurs fois par jour avec des robots appelés bots. Google possède un million d'ordinateurs connectés à l'internet pour y stocker tout ce qui s'écrit, se dit, se voit et le rendre accessible à l'humanité entière presque en temps réel.

Mais avec l'avènement des réseaux sociaux, l'envers de la médaille est finalement apparu via les fakenews, la désinformation, le message viral, les manipulations de l'opinion, la propagande jihadiste. Certes nous avons construit un système nerveux planétaire mais comme tout système nerveux il peut être induit en erreur d'autant plus qu'il n'y a pas de cortex centrale. Nous avons construit un système nerveux sans intelligence propre et donc sans esprit critique doté de raison ! Si l'intelligence existe, elle est totalement répartie et démocratisée, émiettée dans un égalitarisme ou l'avis d'un journaliste pro ou d'un prof d'université à autant de valeur que le commun des mortels. Tous les comptes ont le même poids ou plutôt un poids dont le seul critère est le nombre d'amis ou d'abonnés. Pire, les profils des utilisateurs peuvent être complètement inventés dans le cadre de la dictature de l'anonymat et de la liberté d'expression la plus totale. Un cadre propice à l'irresponsabilité ?

Avant les réseaux sociaux, on partageait seulement des informations sur des sites webs principalement statiques ou évolutifs comme wikipedia. Ce qui est nouveau avec les réseaux sociaux c'est le partage des émotions. Avec facebook ou twitter on partage des émotions avec la terre entière et les émotions peuvent être manipulées encore plus facilement que les informations. Si on peut rectifier une désinformation, il est impossible de changer après coup des émotions ressenties, elles laissent des traces qui peuvent finir dans des urnes.

Le système nerveux que nous avons construit va-t-il avoir besoin d'une intelligence globale ? La responsabilité de le développer reste entre les mains de chercheurs comme Yann Le Cun, le directeur de la recherche en AI chez Facebook, et aux autres chez Google, Apple et autres géants de l'internet. Cette intelligence artificielle devra être universelle mais comprendre le local et devra avoir dans son cerveau numérique les droits fondamentaux des individus et des peuples en plus de pouvoir vérifier toutes les affirmations historiques ou scientifiques. Oui hardcodés au plus profond des machines.

Philippe Argouarch

Modifié le 25 novembre


Vos commentaires :
Vendredi 3 mai 2024
@Philippe Argouarc'h

Oui, il y a bien évidemment de tout dans le journalisme. Des précaires comme partout (et je sais de quoi je parle... :-).
Mais deux choses me choquent vraiment dans le journalisme actuel (TV, radio..):

.1 la propension de trop nombreux interviewers à couper la parole à leur interlocuteur. Au-delà du manque de considération de l'invité(e), voire de l'impolitesse plus simplement, cela à pour conséquence d'empêcher l'invité(e) d'exprimer ce qu'il s'apprêtait à dire, et ce pourquoi il était là sur le plateau précisément.. Dans ces conditions, si les journalistes veulent faire les questions ET les réponses - comme celà est trop manifestement souvent constaté! - qu'ils se fassent des émissions en solo! On verra si le public suit ...

.2 la propension de trop nombreux journalistes à «faire de la morale» ou à étaler/défendre leurs propres opinions o choix personnels, et cela de manière à peine voilée. Or, ce n'est pas celà leur métier. En ce cas, qu'ils s'essayent à la politique pour de vrai. Le cas est assez rare, mais certains l'ont fait (en France durant les dernières décennies). Avec un succès variable. Cela me fait penser que Churchill (Winston, de son prénom) avait été journaliste à une époque (sauf erreur de ma part). Mais plus prosaïquement, et pour être concret, des radios à large diffusion (France Inter, France Culture,...), et qui étant financées par l'Etat, donc par l'argent des citoyens, ont atteint un niveau très bas. Elles illustrent bien la critique que je porte ici.

En tout cas, merci pour cet article. Et merci à l'ABP en général, qui se présente comme un canal alternatif, ou comme des feux anti-brouillards dans notre paysage «breton», si facilement délaissé, quand ce n'est pas moqué, par ceux qui ne le connaissent pas.

Nous continuons de manquer de médias institutionnels qui prennent en compte le champ régional, le point de vue breton (TV, radio,..). Il faut encore et toujours se contenter de miettes, de «solutions» associatives, forcément fragiles ou incertaines sur la durée, etc... Accéder à un média via l'internet n'est pas la même chose que l'obtenir en hertzien directement.

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