Breizh ha quelque chose

Chronique publié le 8/10/17 9:50 dans Politique par Philippe Argouarch pour ABP
t:1
https://abp.bzh/thumbs/43/43210/43210_1.jpg
Convergence unitaire

Quand on regarde les manifestations des Catalans comme celle de Girone (vidéo) lundi dernier, on ne voit que des drapeaux catalans, une marée de drapeaux catalans et on n'entend que l'hymne national catalan. Ni drapeaux rouges, ni acronymes de confédérations syndicales, ni bannières de la Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) ou de la droite indépendantiste catalane Convergencia ou de n'importe quel autre parti. Le mouvement indépendantiste catalan est vigoureusement pacifiste et unitaire. Ce sont ces deux composantes qui font sa force.

Un autre lecture de l'histoire

Les Catalans ont fait l'unité des libéraux jusqu'aux sociaux démocrates et même l'extrême gauche anti-capitaliste ! Le point commun ? l'indépendance. Seule l'extrême droite est exclue, elle n'existe d'ailleurs plus en Catalogne suite aux immenses sévices perpétrés par le Franquisme contre les Catalans à la fin de la guerre civile et même après --une guerre qui fut avant tout une guerre contre la Catalogne et contre le Pays Basque soutenus par leurs amis espagnols républicains, qui, cette fois, étaient du côté de la loi et de la constitution. Une guerre menée par l'armée espagnole contre une partie du peuple, en fait contre des peuples. Pour rappel, Franco est arrivé au pouvoir surtout suite à la déclaration d'indépendance de la Catalogne en 1934. Ce sont les nationalistes espagnols qui ont mis Franco au pouvoir principalement pour récupérer de force la Catalogne que la République avait laissée avec une très large autonomie. Le Franquisme fut principalement la négation des nations basques et catalanes. Les idéologies des deux côtés ne furent que le décor de conflits nationaux. Si le franquisme est un négationnisme, le discours de Felipe VI mardi dernier est franquiste puisque tout autant négationniste. Le franquisme est un jacobinisme espagnol qui n'a pas réussi et qui ne pourra jamais réussir car non seulement la somme des nations périphériques de la péninsule ibérique est bien trop forte mais l'histoire va toujours dans le sens de la liberté des peuples. Pour finir, Mitterrand semble avoir tout faux : ce n'est pas le nationalisme qui mène à la guerre mais la négation des droits des autres nations. Ce n'est pas la même chose.

Diviser pour régner

A l'opposé, en Bretagne, on n'arrive à rien. 50 ans de manifestations à Nantes pour la réunification n'ont abouti à rien. Le mouvement nationaliste breton est tellement faible, voire moribond, même si convulsé parfois par des spasmes genre Bonnets Rouges, que l'Etat s'apprête même à supprimer la dernière relique de la Bretagne historique à cinq départements : la carte judiciaire. Pourquoi se gênerait t-il ? Les Bretons sont incapables de laisser leurs convictions, leur idéologie ou leur religion à la maison pour présenter un front commun. Lors de son discours d'acceptation de son Collier de l'hermine en 2011, l'avocat Yann Choucq en avait fait le centre de son message. Il observait que "Les Bretons sont pour la Bretagne mais toujours aussi pour autre chose." et qu'il fallait "Se rassembler pour porter d'une voix commune l'affirmation de notre existence en tant que peuple".

A l'extrême gauche, on a ceux qui veulent une Bretagne anticapitaliste, ceux qui veulent "l'indépendance ET le socialisme", et ça comprend aussi l'UDB qui est pour l'autonomie ET le socialisme. Que le reste de la planète ait choisi le capitalisme entrepreneurial ne les dérange pas le moindre du monde car ils se sentent plus intelligents que la masse des mortels. Que partout dans le monde les conflits soient des luttes pour les droits fondamentaux de peuples opprimés ou colonisés, ou pour l'indépendance de nations sans états comme les Kurdes, ne les dérangent pas tant que ça. Ils arrivent toujours à faire entrer l'actualité dans le moule de leur idéologie de lutte des classes même s'ils doivent déformer la réalité de toutes leurs forces pour la marxiser. Ça devient grotesque. Je me suis toujours demandé comment les marxistes pouvaient voir une guerre de classe entre Sunnites et Chiites ? Comment ils faisaient entrer le terrorisme islamiste dans leur matérialisme historique. Le pire c'est que l'extrême gauche française depuis la Révolution nie l'existence de minorités nationales sur le territoire de la République. Engels, le partenaire de Karl Marx, s'en est même pris aux Bretons en 1849, les reléguant aux poubelles de l'histoire : "l'existence de tels peuples comme les Gaëls en Écosse, les Bretons en France, les Basques en Espagne et les Slaves en Autriche sont un défi à la révolution. De tels peuples devront disparaître de la surface de la terre lors de la prochaine guerre mondiale. Ce sera un progrès." Comment une extrême gauche bretonne peut-elle s'allier avec le NPA ou défiler avec eux ou même appeler à voter Mélenchon ? Ça dépasse l'entendement.

Pendant 50 ans, le PS a investi des hommes, de l'argent, du temps et des promesses pour s'assurer que cette gauche bretonne vote bien pour eux au second tour des élections. Ces militants furent les dindons de la farce socialiste française. Quant aux milliers de Bretons écologistes, ils veulent bien une Bretagne autonome mais elle doit être verte ou rien du tout, même si ça met l'agriculture bretonne sur le carreau. Sauver les rivières ou les plages bretonnes est pour eux bien plus important que sauvegarder ce qui reste de la nation bretonne. Ils veulent sauver la baraque mais se foutent bien des locataires.

A droite, on a vu lors de certaines élections comme les régionales une petite partie du mouvement nationaliste se rallier à Marc Le Fur dont le courant régionaliste est tout aussi minoritaire que celui qui existe au PS ou chez la République en Marche. Aussi des dindons de la farce de droite.

A l'extrême droite, on a des groupes qui veulent une Bretagne "race pure", des groupes qui se battent contre le grand remplacement venant d'Afrique mais qui trouvent très bien que des centaines de milliers de retraités parisiens et londoniens viennent ou vont venir racheter nos terres pour y finir leurs vieux jours. La francisation apocalyptique tous azimuts de la Bretagne, commencée au siècle denier, ne les dérange pas le moindre du monde. Ils n'ont peur que de l'islamisation. Dans les manifs ils défilent non pas derrière le gwenn-ha-du mais derrière le Kroaz-du. Une croix noire sur fond blanc. Certains d'entre eux votent Marine Le Pen. Oui pour celle qui veut supprimer les régions et en finir une fois pour toutes avec le breton et tout ce qui n'est pas 100% français. On approche ici un degré du [[syndrome de Stockholm]] qui touche à l'absurde.

Toute l'extrême droite bretonne est aujourd'hui au bout de la lorgnette avec le retour à peine voilé du franquisme en Espagne. Sous Franco les nationalistes basques étaient garrottés et le seul président élu qui ait jamais été exécuté en Europe est Lluís Companys, le président de la Catalogne, fusillé le 15 octobre 1940 après avoir été capturé en Bretagne où il était en exil et livré à Franco par la Gestapo. L'extrême droite est toujours contre les minorités nationales, des plus anciennes aux plus récentes, et contre les droits des peuples sauf les droits de leur peuple et ceci dans tous les pays du monde. Comment un Breton peut-il être d'extrême droite sans être complice de ce négationnisme ?

Tout est une question de rapport de force et de convergence

Comment peut-on avancer dans cette cacophonie ? Pour beaucoup de politologues, le mouvement breton n'avancera que lorsque les Bretons mettront leur idéologie, leurs convictions ou leur religion au placard avant de défiler pour quémander quelque chose à Paris. Comme les Catalans, les Bretons ne devraient-ils pas défiler derrière un seul drapeau, le gwenn-ha-du ? puisque c'est le drapeau officiel aujourd'hui ? Ne devraient-ils pas chanter le Bro Gozh ma Zadoù en chœur comme les Catalans avec leur hymne ? et même le chanter en français si c'est la seule façon que tout le monde puisse le chanter ? La langue ne devrait pas être un obstacle, quitte à garder le refrain en breton. La convergence n'est-elle pas plus importante que la langue ?

modifié le 10/10 à 19:30


Vos commentaires :
Dimanche 5 mai 2024
Voir le site
0

Écrire un commentaire :

Cette fonctionnalité est indisponible en ce moment, mais existe sur votre ordinateur.

Combien font 7 multiplié par 8 ?
Note : Ce lieu est un lieu de débat. Les attaques personnelles ne sont pas autorisées. Le trolling est interdit. Les lois contre le racisme, le sexisme, et la diffamation doivent être respectées. LES COMMENTAIRES ÉCRITS DANS UNE LANGUE AUTRE QUE CELLE DE L'ARTICLE NE SERONT PAS MIS EN LIGNE.