Ressusciter ces femmes qui n'ont pas écrit leur vie, qui n'ont pas parlé d'elles... Alors, comment parler de cette mémoire collective, de ces hommes et de ces femmes qui riaient de les voir tondre, de ces destins difficiles, pour elles, leurs enfants ? Comment faire le lien avec les chevelures de ces femmes que l'on cache, que l'on coupe, avec le corps des femmes tout simplement, objet de convoitise mais aussi territoire à conquérir, à soumettre, juste après la victoire du vote des femmes, les grèves de la faim des suffragettes, les droits élémentaires de la moitié des êtres humains sur cette planète ?
La mise en scène est sobre, les tableaux différents, les acteurs incarnent des rôles étonnants (le petit fils qui revient sur les traces de sa grand-mère tondue, la vieille dame qui retrouve à Quimperlé les traces de Lili, sa meilleure amie, tondue, et la jeune fille qui elle aussi découvre un secret de famille...).
La compagnie «les Arts Oseurs» vient du centre de la France, c'est leur deuxième partenariat avec les Rias. Le premier parlait des Français des banlieues, dans «Carnet de Famille». Avec les Tondues, la metteure en scène, Périne Faivre, a écrit un très beau texte. Pour elle le théâtre de rue, en ces temps hypersécuritaires est devenu un «vrai sport de combat».
Un très bel hommage à la vie, à ces femmes, et un appel à la vigilance, à l'avenir de nos choix et de nos engagements...
■D'un autre coté, ce qui me gêne aujourd'hui est la mise au devant de la scène des victimes, on regarde l'histoire par le petit bout de la lorgnette. Les héros sont oubliés, on ne les fête plus.
Une société de victimes, chacune faisant appel au devoir de mémoire, aux tribunaux et scling ! le tiroir caisse.
C'est très bien d'aller sur ce terrain, mais il faut y aller jusqu'au bout et percer l'abcès...
En effet, car cela touche au mythe moderne républicain le plus sacré : les héros de la résistance...
Non pas qu'il n'y ait pas eu de héros, mais beaucoup étaient morts en 44-45.
Non pas que que tous étaient des salauds en 44-45, mais tous n'étaient certains pas des héros comme affirmés... c'est une chose que j'ai apprise du directeur d'un musée consacré aux soldats alliés du débarquement en Normandie qui refusait catégoriquement d'associer résistants et soldats.
Et là, on touche au plus sombre : les ambitions politiques, les profiteurs et les opportunistes, les jalousies familiales, les clans de village, etc...
Et pour beaucoup, la résistance fut un bon prétexte... dont les bénéfices sont parfois encore présent de nos jours et donc l'intérêt d'y porter un regard objectif est inversement proportionnel.
Rappelons-nous qu'il y eu une amnistie pour les résistants jusqu'en 46, soit plus d'1 an après la fin de la guerre...
Car les femmes tondues ne sont que la partie visible de l'iceberg d'une histoire sordide... or, on n'explore pas un iceberg en occultant les 90% non directement visible... Ce serait trop simple si ce n'était qu'un combat féministe... les hommes eux ont souvent reçus une balle à la place d'une tonsure.
Et en Bretagne, ce sujet est sensible car beaucoup de choses sont allés très loin, beaucoup trop loin et il nous faudra un jour ou l'autre mettre les choses à plat!
Car on ne peut se prétendre de valeurs quand le passé nous fait peur ou que l'on justifie l'oublie au nom du... c'est mieux ainsi...
La difficulté étant une récupération du sujet au profit de la bienpensance d'aujourd'hui dans une présentation anachronique, car souvent ceux qui voient le combat aujourd'hui ne sont pas si éloignés de ceux qui hier criaient avec les loups...
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
Paul Éluard
Citée par Georges POMPIDOU lors d'une conférence de presse à propos de l'affaire Russier
Les sentences que subirent ces femmes était doublement cruelles. Car elles étaient marquées à vie. Au pire déménager pour ne plus subir les honteuses vexations quotidiennes. Ce châtiment est déjà cité dans de vieux textes médiévaux. Lors d'un départ aux croisades, le roi Richard d'Angleterre fit publier les sanctions qui frapperaient les voleurs. « Celui qui sera convaincu de vol sera tondu comme un champion, on lui versera sur la tête de la poix bouillante et on y adaptera des plumes pour qu'on le reconnaisse.» Il est vrai que l'on évoque peu la poix (goudron) lors de ces crimes commis lors de la libération, mais le fait est avéré (pour avoir connu personnellement une femme ayant connu ce triste sort, et entendu des témoignages). Il existe de mêmes châtiments dans la Loi du Talion (Code Hammourabi).
Conclusion : ou plutôt une question; Comment des hommes dits civilisés, ont put, voilà à peine 72 années, employer des châtiments datant d'une autre époque révolue. La violence barbare est-elle inscrite à vie dans les gênes dits humains. Une autre question qui me taraude l'esprit : cela serait-il encore possible de nos jours ? Car on peut parler pendant des heures, des jours, des mois, de la guerre, si nous n'en tirons pas les conclusions qui s'imposent. Comment un seul homme peut-il entraîner tout un peuple dans la guerre (ou une armée) ? (sans référence au petit caporal). Et comment le peut-il encore ?
C'est peut-être la grande question que l'on devrait se poser pour ne plus revoir de telles horreurs. Je citerais pour terminer une réflexion d'Anatole France : « On croit mourrir pour sa Patrie ; on meurt pour des industriels.» La guerre économique dans laquelle nous naviguons actuellement ne nous inciterait-elle pas à exiger impérativement plus de démocratie (contrôle du peuple) afin de freiner certaines ardeurs guerrières ?