La Chambre régionale des comptes inquiète du projet de très haut-débit en Bretagne

Reportage publié le 11/05/17 10:13 dans Economie par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
https://abp.bzh/thumbs/42/42190/42190_1.png
Photo du rapport

Dans l'introduction de son rapport annuel, la Chambre régionale des comptes a rappelé que des économies de dépenses étaient nécessaires, afin de ne pas alourdir la fiscalité et de permettre la poursuite d’investissements indispensables sans recours excessif à l’emprunt, dont une conséquence est le report de la charge sur les générations futures.

Un projet de deux milliards d'euros

La Chambre a mis en garde contre les risques financiers liés au déploiement du haut et du très haut débit en région Bretagne. L'initiative prend sa source dans la loi sur l'économie numérique de 2004 et dans le désir sincère du Conseil régional, sous la houlette du président Le Drian, d'amener de bonnes connexions internet en Centre-Bretagne dans des zones dites «zones blanches» et aussi de booster les métropoles avec de la fibre optique. Le but est d'amener la fibre optique ou des connexions hertziennes dans tous les foyers de la région Bretagne avant 2022.

Ne pas mettre la charrue avant les boeufs

Le déploiement a pris du retard et est souvent déficitaire au niveau de l'exploitation selon la Chambre régionale des comptes. Certes, les retombées sur l'économie dues au développement du haut débit et du très haut débit ne sont pas prises en compte par la Chambre, car difficilement chiffrables, mais d'une façon générale, les économistes croient maintenant qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs et qu'il est plus important de consolider les industries existantes, voire d'en développer de nouvelles, que de construire des infrastructures qui alourdissent la fiscalité, ou pire, au moyen d'emprunts public-privés, seront à charge des futures générations. Pour exemple, le développement fulgurant de l'industrie manufacturière en Chine s'est fait avant la construction d'infrastructures comme les ports de containers ou les aéroports. On pourrait dire la même chose de la Silicone Valley qui s'est construite dans des vergers où aucune autoroute n'existait et avec un seul aéroport (il y en a quatre aujourd'hui dans la baie de San Francisco, internationaux et intercontinentaux)

Les usagers décident

La Cour constate à juste titre qu'il est ainsi apparu délicat pour les acteurs publics, «au regard des délais de décision, de conception et de mise en oeuvre, de piloter des projets dont la dimension technique et financière est fortement évolutive». En outre, la pertinence des choix technologiques a été remise en cause par les usagers. La Cour dénonce les choix de développer des offres de connexion internet hertzienne qui est boudée par les habitants avec seulement 170 abonnés hertziens dans les Côtes d'Armor (chiffre de 2015), alors que 6 200 abonnements étaient initialement visés pour cette technologie. Il y a déficit d'exploitation. Dans le Finistère le hertzien ne prend pas vraiment non plus avec seulement 4000 foyers connectés pour un coût moyen de 3 150 € investi par prise. Et pourtant là où la fibre optique demande d’importants travaux de génie civil, le faisceau hertzien, lui, en est totalement exempt. Il ne nécessite pas de support physique entre l’émetteur et le récepteur. Ainsi, les coûts d’installation d’un faisceau hertzien sont en moyenne dix fois moins élevés que ceux liés au déploiement de la fibre optique.

Un sujet trop complexe pour la Chambre des Comptes ?

On regrettera que la Chambre régionale des comptes régionale ne se soit pas penchée aussi sur les retards du développement de l'éolien offshore en Baie de Saint-Brieuc car de l'argent public y est aussi investi. Les délais administratifs, un autre problème non abordé par la Chambre des comptes dans ce rapport, ont fait que les technologies évoluent plus vite que les procédures administratives françaises. En 2014, 3 ans après l'appel d'offres pour les éoliennes de la baie de Saint-Brieuc, on décidait de remplacer les 100 turbines de 5 MW prévues initialement, par 62 machines de 8 MW et tout repartait à zéro avec bien sûr des coûts supplémentaires.

.


Vos commentaires :
Paul Chérel
Jeudi 14 novembre 2024
Le vrai problème de la France est que les projets, surtout d'infrastructures, ne sont jamais étayés sur de solides bases d'études économiques : étude de marché, rentabilité, montage financier, étalement et remboursement de la dette, retour sur investissements, étude de la concurrence, etc. L'éolien en est un bel exemple.On part d«une »belle« idée séduisante mais on ne sait pas bien combien coûtera la maintenance ni même la durée de vie du »machin«. La Chambre (la Cour ?) n'est qu'un outil de constat après ratage. L'entreprise surtout industrielle (fabrication d'un produit ) est toujours risquée. On ne s'y lance pas sur une simple »belle" idée. Une infrastructure d'Etat, ça coûte mais aussi ça rapporte... Combien et comment ? Paul Chérel

Anti-spam : Combien font 8 multiplié par 5 ?