Le 7 mai prochain, les Bretons comme les autres citoyens de la République Française seront appelés à voter pour l’élection du prochain Président de la Vème République Française. Dans un système institutionnel et un univers politique en complète décomposition, ils auront à porter à cette fonction pour 5 ans celui qui prendra les rênes de l’ETAT.
Quelle position prendre s’ils veulent conserver, pour ne pas dire éviter la disparition de leur identité, qui n’est pas forcément celle, uniforme, que leur a octroyée de manière exclusive cet état, qui considère leur territoire comme sien, sa langue officielle comme la seule autorisée dans les relations de ses citoyens, et qui, du nombril lutécien, décide de tout sur tout ?
Chacun, structuré depuis bientôt 5 siècles dans le cadre institutionnel français, et par ailleurs, s’étant forgé, au travers de ses connaissances et de ses convictions une opinion philosophique et politique, respectable dans un univers démocratique quelle qu’elle soit, ce n’est pas sur ce terrain qu’on se placera, mais sur celui de l’intérêt de la Bretagne et de tous ceux qui s’ identifient dans leur personnalité personnelle et publique comme Bretons au-delà de l’individualisme de ce temps.
C’est donc au regard ce que proposent les « finalistes » postulants à la fonction suprême et des règles qui les ont placés dans cette position que sont soumises ces quelques réflexions.
La critique n’est pas originale, mais les causes de la dérive sont claires.
- D’une part la réforme constitutionnelle réduisant le mandat présidentiel à 5ans et la loi inversant dans le même temps l’ordre des scrutins en faisant précéder de quelques semaines l’élection présidentielle celle des députés a deux conséquences désormais établies après 3 mandatures : elle conduit à choisir d’abord le titulaire de la magistrature suprême, lequel est jusqu’à présent le chef de son parti, puis ensuite de lui permettre, pour conduire sa politique, de lui fournir une majorité issue de son parti, à tout le moins de son camp.
C’était alors la cohabitation entre un Président et une majorité parlementaire politiquement différents, voire opposés, considérée comme le péril majeur pour l’équilibre des institutions, qui a conduit à cette réforme.
On élit depuis la réforme de 2008 le Président monarque, puis dans l’engouement la Cour qui entérinera ses choix, même sans aval du Parlement par le jeu de l’article 49-3 de la Constitution, ou encore en se faisant déléguer par les députés le pouvoir législatif par le jeu de l’habilitation à légiférer par Ordonnances.
La conséquence est que le Président de la République est tout à la fois :
- celui qui veille au respect de la Constitution, l’arbitre du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l’ Etat, le garant de l’indépendance nationale et du respect des Traités, ce dernier point interprété comme lui accordant un « domaine réservé » en politique étrangère, aux termes de la Constitution,
- celui qui préside le Gouvernement qu’il nomme, c’est à dire l’exécutif , alors qu’il est de facto le chef du parti majoritaire.
Ce cumul était manifestement incompatible avec le rôle constitutionnel d’arbitre et de garant et n’était que la conséquence inéluctable de l’instauration du quinquennat.
Enfin, la loi de financement des partis politiques, et les dispositions encadrant le coût des campagnes électorales nationales, qui, votées à l’origine pour « moraliser » la vie politique, ont tout d’abord institutionnalisé l’inégalité entre les grands (ou gros) partis en place et les autres, en distribuant la manne de l’argent public à proportion de la taille des bataillons d’élus.
Leur insuffisance est désormais démontrée, d’abord par la censure du Conseil Constitutionnel des comptes de campagne d’un précédent président, puis a au travers d' «affaires» révélées au cours de la présente campagne, quelles qu’en soient les suites judiciaires. Elles permettent à chacun de mesurer l’éthique des candidats et des partis, tout comme leur gestion de l’argent du contribuable qui leur est octroyé.
L’engouement n’existe plus aujourd’hui, l’organisation non institutionnelle par les deux partis dits « de gouvernement » de « primaires » a d’abord fait trébucher les favoris de leurs partis, puis, au premier tour, a éliminé les candidats qu’ils avaient investis.
L’alternance des bleus et des roses qui maintenait l’apparence de la démocratie, confisquée par deux grands partis, les autres servant au mieux de forces d’appoint, est désormais anéantie par les résultats de ce 1er tour.
Le système de la double sélection, celle du parti, puis celle des parrains institutionnels a donc redistribué les cartes, par la volonté des électeurs.
Cette situation nouvelle et imprévue peut-elle permettre un renouveau démocratique ?
Une certitude, ceci ne dépendra pas du candidat élu, mais bien des élections législatives à venir ensuite, qui seules permettront de mesurer sa capacité à rassembler les électeurs sur son écurie et à obtenir (ou non) une majorité de députés prêts à le soutenir durablement durant son mandat.
Pour ce qui est des FINALISTES, quelles perspectives offrent-ils ?
Actuellement en se référant aux chiffres officiels, ils ont rassemblé sur leur nom et leur programme:
le premier 24,01%, soit moins d’ 1 votant sur 4,
la seconde 21,30% soit à peine plus d’1 sur 5.
Encore faut-il relever qu’il s’agit, du fait d’un choix astucieux dans la présentation des résultats, des suffrages exprimés, c’est-à-dire calculé sur 100% mais après déduction des abstentions, des votes blancs et nuls. Le score en pourcentage des électeurs inscrits ramène la proportion à 18,19% pour le 1er et à 16,14% pour la seconde. On ne peut donc mathématiquement voir se profiler une adhésion majoritaire pour l’un ou pour l’autre. Il y aura, au final, un vote d’élimination au second tour, chaque électeur évinçant celui qu’il identifie comme le pire.
Ils ont en commun une vision de l’exercice PERSONNEL du POUVOIR.
C’est une caractéristique de 9 candidats sur 11 à cette élection: «Quand je serai Président JE FERAI … » ce qui démontre combien la conception monarchique de la fonction est ancrée dans les mentalités. Les meneurs de débats et autres prestations médiatiques partagent cette vision avec leurs questions posées sous la forme : « M. ou Mme quel est votre projet ?, quelles mesures prendrez-vous ? »
Le climat de violence terroriste permet d’entretenir la peur et la suspicion dans les esprits. L’état d’urgence, les lois restrictives des libertés individuelles et les promenades dans les rues de policiers et militaires déployés en « Plan Vigipirate » n’ont cependant empêché aucun attentat, seuls les services de renseignements ayant permis d’en éviter.
Cet état de guerre larvé n’est pas de nature à favoriser un choix SEREIN, et combien coûtent au contribuable ces parades martiales pour rassurer Mamie quand elle va faire ses courses ? Pourtant chacun des deux candidats assure qu’il mettra tout en œuvre pour réduire ce danger et rétablir la paix publique, point de passage minimal obligé pour être audible.
Mais qui peut soutenir que cette psychose sécuritaire sera sans effet sur le scrutin ?
Ils ont en commun la volonté d’augmenter les effectifs des forces de l’Ordre et militaires et d’agrandir le parc immobilier pénitentiaire. On sait, comme dit plus haut, la limite de l’efficacité de ces mesures, sauf sur la réduction du chômage.
Mais qui osera dire haut et fort que la première université de la radicalisation en France est l’Administration Pénitentiaire.
Non que les fonctionnaires qui assurent cette mission soient reprochables, mais les conditions de fonctionnement des établissements, la promiscuité, la surpopulation carcérale ne leur permettent pas avec leur meilleure volonté, et elle existe, d’assurer autre chose que la sécurité intérieure des prisons, au découragement, au désespoir parfois de ceux qui assurent une mission qu’ils avaient rêvée plus orientée vers la rééducation et la réinsertion, confrontés à des moyens toujours aussi carentiels.
Qui osera dire combien des terroristes identifiés morts ou vifs, souvent petits délinquants à l’origine, ont été perméables à cette radicalisation dans l’isolement où les plongeait l’enfermement dans des conditions dénoncées il y a des années par un rapport du Sénat qualifiant la prison comme LA HONTE DE LA REPUBLIQUE ? Qui osera constater que ces désespérés, au point de sacrifier leur propre vie, étaient les plus perméables au prosélytisme des imams autoproclamés qu’ils côtoyaient là.
Monsieur MACRON promet aussi de renforcer les personnels affectés au renseignement, et ceci apparaît comme pertinent au regard des événements actuels et des résultats déjà obtenus.
Madame LE PEN affirme, quant à elle, vouloir fermer les frontières, enfermer, puis expulser tous les étrangers « fichés S ». A-t-elle compté le nombre des auteurs identifiés qui étaient déjà sur le territoire, combien étaient français et pas forcément de culture islamisme ou musulmane au départ ?
Alors elle remet en selle la déchéance de nationalité, déjà recalée par le Conseil d’ Etat et le Parlement pour inconstitutionnalité. Et même si cela avait un effet, la source de la radicalisation, le sentiment d’être méprisé et sans avenir qui la génère, seront-ils pour autant taris ?
Peut-on croire aux promesses miraculeuses qui ne sont que miroir aux alouettes ?
Monsieur MACRON, pur produit de l’école à formater les grands serviteurs de l’ Etat dénommée ENA, qui n’a jamais affronté le suffrage universel, même pour être élu conseiller municipal d’un village, nous propose des réformes qu’il prendra au besoin par Ordonnances pour aller plus vite, sans avoir à dépendre de la Représentation nationale.
Mais si ces réformes portent sur l’économique et le social, la fiscalité, on cherchera vainement des propositions institutionnelles sur le rétablissement d’une vraie démocratie. Ce n’est pas sa priorité. C’est donc EN MARCHE en changeant le commandement mais avec le même arsenal et les mêmes méthodes.
Si sa compétence et sa connaissance de la gestion de l’Etat sont peu discutables, est-ce suffisant pour mener une politique dans une société démocratique ?
Ceux qui entouraient Napoléon BONAPARTE pour mener sa modernisation de l’Etat, de ses règles et structures, avaient eux aussi cette compétence à réinventer un cadre institutionnel et juridique qui lui survit encore.
Á Madame LE PEN qui affirme qu’elle sera un Chef de l’Etat , et malgré la banalisation de ce terme dans le débat politique, devra-t-on rappeler que ce titre n’a été officiellement porté qu’entre 1940 et 1944 , par celui qui était mis alors à la tête de l’ ETAT FRANÇAIS par le vote majoritaire d’un Parlement en déroute.
Officialisant son alliance avec Monsieur DUPONT AIGNAN et proposant avec lui un Gouvernement d’Union Nationale, elle ne regroupe au mieux, en l’état, qu’à peine plus d’1/4 des suffrages exprimés, soit 20% du corps électoral, donc l’adhésion, à la supposer pérenne, d’1 électeur sur 5.
Pis encore, elle avalise la proposition de son « futur 1er Ministre » de constituer un «COMITÉ DE SALUT PUBLIC» . Se souvient-elle que la seule institution de la République qui ait porté ce nom a généré une période restée dans l’ HISTOIRE sous le nom de LA TERREUR . Les barges de CARRIER sur la Loire nantaise où je suis né, et autres atrocités arbitraires qui ont fait sombrer la 1ère République dans la décadence du Directoire, prélude à l’arrivée de BONAPARTE puis de l’Empire suivi de la Restauration, restent dans ma mémoire.
Reconnaissons-lui cependant la prise en compte du vote blanc, tout en restant réservés sur le mode de sa mise en œuvre et sa portée. Notons aussi qu’elle propose toujours le scrutin proportionnel, mais avec une prime au gagnant. Mais ce sera pour la prochaine fois, au mieux.
Quand elle proclame qu’elle est la seule véritable Alternance, on ne connaît que trop le sens et la portée de cette pratique dont l’échec constitue le seul événement majeur du scrutin pour l’instant.
Les préoccupations qui sont les nôtres n’étaient manifestement pas à ce rendez-vous électoral, bien au contraire.
Quelle position choisir alors pour conserver, ou plutôt éviter la disparition de notre identité, qui n’est pas forcément celle, uniforme, que leur a octroyée de manière exclusive cet Etat, qui considère notre territoire conquis comme sien et sa langue officielle comme la seule autorisée, tout en intégrant les nôtres dans son patrimoine, pour éviter de concéder des droits à leurs locuteurs, et qui, depuis le nombril lutécien, décide de tout sur tout ?
La lecture attentive des programmes des deux candidats ne nous éclairera guère plus, sauf leur ignorance commune de nos revendications. La nuée de drapeaux tricolores qui envahissait leurs meetings de campagne s’accompagne d’un silence total en ce qui concerne les langues dites régionales et leurs cultures ou l’unité territoriale de la Bretagne.
Emmanuel MACRON n’a apparemment pas évoqué ces problèmes à Quimper ni ailleurs, se contentant d’aborder des problématiques sectorielles et catégorielles économiques ou sociales. Il faut croire que son 1er lieutenant Richard FERRAND, député de Carhaix, pas plus que Jean-Yves LE DRIAN ou François DE RUGY, transfuges ralliés n’ont susurré quoi que ce soit sur le sujet. En Corse, rencontrant les élus nationalistes, il a affirmé son attachement à la République, se déclarant seulement ouvert au dialogue. Pas mieux en Euskadi.
Faut-il s’en étonner, venant de cet énarque qui prend la mer au TOUQUET et qui depuis son installation via l’ENA à Paris n’a pas du percevoir la diversité culturelle chez nous. Tenant d’une gauche dite socialiste qui, malgré ses promesses réitérées, n’a jamais ratifié la Charte Européenne sur les langues régionales et minoritaires, il était en outre au Ministère des Finances lors de la loi sur le redécoupage des régions par laquelle, à ce poste, il était forcément concerné. Il aura donc accompagné tous les reniements de François Hollande en ce domaine avant de prendre la tangente et préparer son envol.
Dans le programme scolaire, en matière de langues, on ne retrouve que le rétablissement du bilinguisme au Collège, dont il n’est pas évident que cela concerne le Breton, le Gallo ou quelque autre baragouin, mais surtout l’effort sur l’apprentissage du français avec la réintroduction du latin et du grec.
De manière subliminale il évoque la possibilité d’adapter l’organisation des services de l’Etat aux besoins de chaque région et département, déléguée… au Préfet. La décentralisation à reculons se porte bien. Quant à la remise en cause des nouvelles régions, pas un mot. En période de crise, c’était un moyen confortable de réduire les charges des collectivités territoriales.
Comme il a fait la course en tête en Bretagne, loin devant POUTOU ou LASSALLE, les seuls qui avaient abordé ces questions dans leurs programmes, faut-il s’en étonner de la part d’un grand commis de l’Etat qui a été formaté dans le même moule que celui qui produit le corps préfectoral.
Marine LE PEN a quant à elle le mérite de la clarté : elle programme la suppression des Régions au seul profit des départements.
Celle qui se dit bretonne quand cela l’arrange est née en 1968 à NEUILLY SUR SEINE. Quant au reste du Programme, je vous invite à lire les points 91, 93, 96, 100, 123.
Après que les élus aient retiré des monuments publics le Gwen ha Du pour ceux qui auraient eu l’audace de l’y faire flotter, vous pourrez terminer au point 137. Chacun comprendra que les animaux méritent plus d’attention que les Bretons.
En conscience, il fera son choix, s’il le peut.
DEBOUT LA FRANCE et EN AVANT, POUR LES OBSÈQUES DE LA BRETAGNE ET AUTRES « TERRITOIRES » PAS ENCORE ASSIMILÉS derrière l’un ou l’autre, et leurs prédécesseurs illustres l’ Abbé Grégoire, rapporteur au Comité de salut Public et Anatole de MONZIE Ministre de l’Instruction Publique sous la III ème République, ils chanteront : « Pour l'unité linguistique de la France, il faut que la langue bretonne disparaisse»
Telles sont pour eux les valeurs fondamentales de la République !
Yann CHOUCQ
© mai 2017
■Votre position me semble original au sein du mouvement breton et à vrai dire plutôt courageuse et empreinte de bons sens.
Je suis dépité par le frénésie qui s'empare du mouvement breton au sujet de ces élections, et cela d'autant qu'il est prévisible que cette frénésie retombera pour les législatives au cours de laquelle nous verrons encore une fois les différentes composantes politiques bretonnes s'affronter (dans l'indifférence du milieu culturel et économique) avec pour conclusion un résultat insignifiant.
Macron, le Pen aujourd’hui, hier Hollande ou Sarkozy, avant hier Chirac ou Mitterrand.... quelles perspectives concrètes pour la Démocratie en Bretagne???
(Vous évoquez des obsèques, le mot semble bien choisi pour définir cette perspective).
La mobilisation «anti-FN» du mouvement breton semble être un «cache pudeur» pour masquer l'incapacité à proposer aux citoyens bretons un projet cohérent et porteur.
En Corse, le FN est un épiphénomène... les citoyens Corses votent pour les indépendantistes même ceux qui ne sont pas nécessairement favorables à cette indépendance.
A l'évidence, le mouvement corse se préoccupe plus de répondre aux besoins des citoyens que le mouvement breton...
Depuis plus de 40 à 50 ans, la gauche bretonne s'est sentie l'unique détentrice du vote breton. Pour cela elle a combattu la droite chrétienne démocrate et la droite libérale bretonne en qualifiant toutes diversités de pensée par les termes de «fascisme».
Le résultat aujourd’hui est double :
1) Les partis politiques bretons sont devenus faibles et quasi inexistants, incluant ceux-la même qui voulaient s'accaparer l'exclusivité du vote des citoyens. Le rôle des partis politiques bretons se limite à la figuration et à la prise de position à bon compte.
2) L'offre politique française s'étant dégradée, il ne reste plus aux citoyens Bretons que le choix entre différentes visions de cette offre dégradée dans laquelle l'unique certitude est l'absence d'avenir pour la Bretagne.
Les Corses nous démontrent parfaitement que la situation actuelle de la Bretagne tient autant à la nature de la République qu'à la démarche du mouvement breton pour lequel apporter aux citoyens bretons les outils de leur propre démocratie n'était pas sa priorité.
A 6% d'électeurs pour un potentiel minimum de 18% de citoyens favorables à l'indépendance et d'une large majorité favorable à différents niveaux d'autonomie démocratique, le mouvement breton peut aujourd'hui se gargariser d'un phénomène unique en Europe.
Reste les questions :
Comment inverser cette situation?
Est-ce seulement possible?