Hervé Mesdon, peintre, poète et pédagogue, est décédé le 18 février à l'âge de 75 ans.
Hervé a consacré sa vie à l'art et à l'éducation et a été de toutes les aventures en pays de Morlaix.
Directeur et instituteur à l'école de Kerfraval, une école publique pas comme les autres, de sa création en 1978 à sa retraite en 1997, il a laissé à ses élèves et à ses collègues un souvenir impérissable. Membre de l'équipe de la revue «Les Voleurs de feu», il a été l'un des fondateurs de la Maison de la poésie du Pays de Morlaix. Malgré la maladie, il a participé activement jusqu'à ses derniers instants à la rédaction de la revue annuelle «Digor».
Son oeuvre de poète et d'écrivain a été récompensée en 2004 par le Prix des Bretons de Paris décerné par l'Association des Écrivains Bretons, pour son livre Paroles de l'éleveur de songes.
Son dernier livre, Ar marc'h glaz, dont il avait préparé la sortie, est paru quelques jours avant son décès.
Il était aussi un artiste prolifique, peignant et dessinant sur tous supports, même les plus inattendus.
Tous ceux qui l'ont côtoyé garderont de lui le souvenir d'un homme généreux et passionné, d'une grande intégrité intellectuelle.
Mes pensées, ainsi que celles de la rédaction de la revue «Spered Gouez» vont à sa compagne Dominique et à ses amis proches, Pierre et Janine Gouletquer, à Jean-Paul Kermarrec et à la rédaction de la revue Digor, à l'équipe de la Maison de la poésie.
«J'aime quand l'écriture
Parle des riens
Qui font le vide
Des vies bien pleines»
Hervé Mesdon
■Hervé !
Janine m'a demandé si j'écrirais un texte pour aujourd'hui. Je ne savais pas trop, mais j'ai répondu « oui ».
- Alors tu devras choisir entre Kerfraval et la poésie !
Cela m'a fait peur ; car c'est un peu comme si on découpait ton talent comme on partage une pizza : une part pour l'enseignant, une pour l'écrivain et le poète une pour le peintre, une part pour le sportif, une pour l'amoureux.
Je me suis toujours demandé si nous étions faits pour rencontrer telles ou telles passions qui éveillent nos talents au mépris des étiquettes à travers lesquelles nous résume la société : noms, prénoms, profession. Si c'est le cas, tu étais fait pour rencontrer la peinture et l'écriture, pour t'exprimer dans les méandres de la pédagogie et de l'éducation, dans le sport tant que tu l'as pu, et pour créer une œuvre qui est tout cela et bien autre chose à la fois.
Ce n'est pas parce que tu étais instituteur payé pour l'être que tu a été un extraordinaire maître et directeur d'école. C'est parce que ton œuvre exigeait que tu crées aussi dans ce domaine, que tu y fasses apparaître quelque chose d'inhabituel. C'est ce quelque chose que l'on retrouve dans tes textes et dans la façon de les diffuser, dans ta peinture, et, sans doute dans ta façon d'aimer ou de détester. C'est ce quelque chose qu'on retrouve dans ta manière de contourner les obstacles que l'administration, la bienséance, la routine ou même la maladie t'imposent.
Tu es un champion de la générosité, produisant sans discontinuer dans tous ces domaines, multipliant les occasions de partage, expositions, publications, lectures, lancées comme on distribue des graines aux moineaux pour les voir accourir.
Nous t'avons accompagné ces derniers jours. Calé dans ton fauteuil tout contre la cheminée, lorsque tu ne sommeillais pas, lorsque tu ne donnais pas tes dernières consignes pour Digor, le regard un peu vague, tu t'émerveillais encore de voir une mésange défendre son territoire en s'attaquant à son image dans la vitre de l'atelier, et un gros pigeon picorant on ne sait quoi sous le mimosa en fleurs. Tout cela entrait peut-être déjà dans ton œuvre.
Certains aujourd'hui diront que tu es un grand homme. Je suis fier d'être ton élève, car tu es un grand homme de la liberté.
Salut Hervé,
Te voilà donc parti en Avalon, le verger mythique des ancêtres, celui où fait retour notre brièveté dans l’infini des mondes...
Je t’en veux un peu car j’étais sûr de partir avant toi, malgré tes handicapes et les épreuves que tu as subies et si bien raconté, avec la distance de ton humour. Et puis voilà, tu es parti le premier. Je comptais me rendre auprès de toi et des tiens cet après-midi, mais ma cheville m’a trahi, malgré ma canne, et je suis arrivé sur le quai comme le train partait. J’ai donc allumé une bougie sur ma table de travail. Elle vient de s’éteindre.
Mon cher Havé, tu es parti, mais tu nous a laissé de quoi réfléchir et de quoi rêver. Pour ceux qui ne t’ont pas connu personnellement, c’est ce qui restera de toi. Le hangar à Raymonde, et toutes ces histoires si poignantes, parfois finement ciselées, parfois hâtivement, comme si tu voulais te débarrasser d’un poids trop lourd ; ta saga de Norman Djilby, le petit neveu du Plume de Michaux, qui conjure le tourmentante complexité du monde par ce seul mot : bof ; le musée Paul Delvaux, qui au-delà de l’hommage au peintre est devenu un hymne magnifique à la femme et à la nostalgie de l’ailleurs. C’est peut-être le texte où tu as le plus laissé libre cours à ta sensualité, celui qui exprime le mieux ton amour de la vie. Et tes innombrables peintures, que tu offrais si généreusement, tes somptueuses polychromies informatiques, que tu nous envoyais par mail...
Sur le tombeau imaginaire que je t’ai construit sont gravés ces mots : Amis sœurs frères et camarades, arrêtez-vous un instant, car celui-ci qui n’est plus là a vraiment aime la vie.
Gérard Prémel