L'échec du modèle monoculturel français

Chronique publié le 7/02/17 0:13 dans Politique par Alan-Erwan CORAUD pour alan coraud
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Récemment, en ciblant son premier ministre,Valls en l’occurrence, la ministre de l’Enseignement, qui est franco-marocaine, s’inquiétait du repli identitaire français.

Je lui adressai alors ce courriel :

En tant que Breton apprenant la langue bretonne depuis 6 ans en cours du soir j'ai été très sensible à l'inquiétude que vous avez exprimée en parlant du " repli identitaire français", par réaction face à la multiplication des propos extrémistes de trop d'élus qui rejettent toute notion d'altérité, toute ouverture vers le pluralisme des langues et des cultures.

Je pense que les enfants issus de l'immigration ou les enfants des minorités nationales doivent pouvoir apprendre leur langue d'origine que ce soit l'arabe, le breton, le chinois, l'arménien, le basque…

Posséder une double culture, comme vous, qui êtes franco-marocaine, est une chance. Je suis particulièrement inquiet face à cette société française où s'exprime de plus en plus le rejet de la différence. Le vivre ensemble n'est pas la standardisation des individus dans une assimilation qui impliquerait le reniement de nos racines.

Nous assistons à l'échec du modèle mono-culturel français qui crée beaucoup d'amertume de la part de toutes les minorités culturelles et qui, face au mépris institutionnel, provoque aussi de la colère. Je voulais vous faire part de mon soutien en ce qui concerne votre volonté d'ouvrir les écoles aux langues et cultures en souhaitant qu'aucune langue pratiquée en France ne soit oubliée.

Purification ethnique contre communautarisme ?

À l’heure où de nombreux intellectuels français semblent créer une parfaite union nationale dans le rejet de l’altérité, il semble nécessaire que nous, Bretons, qui avons subi et subissons encore le mépris de la part de la nomenklatura et de l’intelligentsia françaises, analysions cette pensée française qui ne cesse d’inquiéter toute personne éprise du respect du pluralisme culturel.

D’Élisabeth Badinter en passant par Régis Debray, Finkielkraut, Onfray, Zemmour et bien d’autres, ces écrivains jouent la partition malsaine d’une idéologie française qui, sous couvert de laïcité et de républicanisme, s’attaque à toute forme de diversité linguistique et culturelle.

Incapable de la moindre autocritique de la république française, bien au contraire, ils sont convaincus que seul le renforcement de la purification ethnique à la française pourra sauver la France de ses ennemis extérieurs et intérieurs.

Mais qui sont-ils ces ennemis ?

Ils sont nombreux, très nombreux. Ils sont tout à la fois les immigrés et les individus issus des minorités nationales.

D’après eux, la machine républicaine avec ses nouvelles générations de hussards noirs que sont les enseignants ne fait pas assez dans la citoyenneté, comprenez dans l’assimilation.

D’après eux tout le mal vient de là. La France n’assimile pas assez, ne transmet pas assez le modèle universel français. Ils ne sont pas racistes, peu importe pour eux que l’on soit blanc, noir, jaune, beur, du moment qu’à l’intérieur on soit bleu-blanc-rouge, que l’on ait le cerveau bien formaté en hexagone.

D’ailleurs le FN et le FG adorent les Arabes algériens s’ils sont harkis.

La machine républicaine doit annihiler toute envie de s’imprégner de sa culture originelle, de s’intéresser à sa langue maternelle, de s’intéresser à l’histoire de son pays d’origine. Il est vrai que lorsque l’on est Breton, Algérien, Tunisien, Ivoirien, Burkinabé, Antillais, Marocain, Basque… il vaut mieux ne pas trop connaître cette période fâcheuse de la colonisation, de l’oppression, des crimes à grande échelle, de l’assimilation forcée et planifiée…

le retour à un ultra-nationalisme sans état d'âme

Ce qui est nouveau en ce début du XXIe siècle c’est le retour d’un discours sans état d’âme de la part de cette oligarchie française, comme au temps les plus obscures de l’histoire de France, durant le XIXe et la première moitié du XXe siècle.

Nous avons connu dans les années 1970 à 1990 une certaine gène de la part des politiques et des intellectuels français par rapport au sort réservé aux langues minorisées ou par rapport à ces années sombres du colonialisme.

Plus du tout aujourd’hui : ils reprennent avec force leur dogme forgé depuis des générations, ils attaquent, méprisent, insultent dans la plus pure tradition du fanatisme cocardier.

Ce n’est pas la démocratie qui est une valeur universelle, non, c’est le modèle républicain français !

Derrière le débat sur les tenues vestimentaires des musulmans se cache la haine de la diversité.

Nous devons tous nous prosterner chaque matin devant le buste de Marianne en demandant pardon d’être breton ou musulman, en jurant allégeance à la république, prêts à mourir de nouveau pour elle, comme au bon vieux temps de 14-18 où les tirailleurs sénégalais, souvent musulmans et les Bretons étaient placés en première ligne.

le mépris pour l'autre

L’échec du modèle mono-culturel français est patent. Nous sommes dans une société fracturée, la violence des propos de ces pseudo-philosophes et de ces politiciens de caniveaux stigmatisant les minorités amène la société française à un rejet de plus en plus fort des personnes issues de ces minorités. Plus grave, les discours et les écrits des individus issus de cette oligarchie sont autant d’appels à réprimer, violenter les personnes ne répondant pas au standard français.

Quand un système d’éducation assimilationniste crée des renégats, elle crée aussi des révoltés.

Hélas, les policiers font partie des professions les plus exposées et subissent les violences de ces révoltés.

Ce système est incapable d’exprimer la moindre empathie pour une culture, une langue, des us et coutumes qui ne sont pas dans le standard français.

Ce système considère toute langue autre que le français comme un danger pour la grandeur française, pour la république. L’échec total de l’apprentissage des langues est révélateur de ce repli identitaire français. Quand on parle la langue la plus belle, la plus évoluée, dans laquelle se sont exprimés les philosophes des lumières pourquoi parler autre chose ?!

Nous ne nous étendrons pas sur l’obscurantisme des philosophes des lumières, leur racisme, leur haine des noirs ou des juifs, d’autres l’ont fait, à chacun de faire ses propres recherches pour casser ce mythe tout comme nous avons à casser le mythe de ce roman national tellement simpliste qu’un Gréco-Hongrois revendique son affiliation au mythe gaulois en reniant ses ancêtres.

La fermeture sur soi de la société française est source d’inquiétude. Le rejet de l’autre entretenu par les politiques, les intellectuels ou prétendus tels ne peut qu’apporter la division dans la société et le rejet de ce système liberticide. Le vent pestilentiel qui souffle sur l’Hexagone est de même nature que dans les années 1930. Le musulman a remplacé le juif mais la nature du mal est le même, le nationalisme de domination d’un pays qui vit toujours dans la peur de l’autre. Les ratonnades reprendront-elles et remplaceront-elles les rafles des juifs ?

Les très longues listes des politiques, journalistes, écrivains, syndicalistes qui ont glissé vers le national-socialisme entre 1936 et 1941 devraient pourtant alerter la société civile ?

Les similitudes d’analyses entre Mélenchon et Le Pen sont révélatrices de cette union nationale nauséabonde. Elles se généralisent et progressent dans tous les milieux de la société française. Elles augurent des jours sombres pour les minorités, particulièrement pour nous Bretons.

Assiste-t-on aujourd’hui à une nouvelle perversion des idées ou bien doit-on considérer l’idéologie nationaliste française de domination comme le terrain naturellement fertile à ce type de perversion ?

La société française est prête à imploser. Nous sommes des millions issus des peuples minorisés de l’Hexagone ou issus de l’immigration à trouver insupportable le système politique français.

Dans l’histoire de France, la perte de puissance qui met à bas l’arrogance cocardière a toujours généré des réactions totalitaires et particulièrement répressives de l’État.

la peur de l'autre, la peur du monde

Le repli identitaire français est une réalité face à ce monde en pleine mutation qui fait peur.

Car le monde est composé de communautés et c’est ce qui fait la richesse de l’humanité.

Je suis au regret de préciser aux francophones de la république une et indivisible ou en tout cas à son oligarchie que 7 milliards 156 millions de terriens ne sont pas francophones. C’est la terrible réalité, 7 milliards 156 millions de terriens n’ont pas cette chance suprême, cet accès à l’universalité, à la lumière incommensurable de la francophonie.

7 milliards 156 millions d’individus sont reclus dans des communautarismes sans accès à la république des lumières.

Ils utilisent des outils de fermeture sur eux-mêmes, ils sont dans un dispositif tribal dont les pires sont les anglophones bien sûr. En n’étant pas francophones ils sont contre l’universel puisque non francophones.

La France éternelle doit se méfier de ces milliards d’individus.

Par delà l’humour, je dois conclure en vous donnant rendez-vous dans quelques années.

La France aura-t-elle implosé ?

Ou bien, rejoindra-t-elle le club très fermé des États protégeant sa population des affres de l’étranger et des étrangers, en rejoignant la Corée du Nord ?

Quant à moi, je préfère le vent de la liberté bretonne au vent nauséabond du repli identitaire français.

Alan-Erwan Coraud

Dirigeant-gérant d’entreprise

de 2008 à 2014, Maire de La Remaudière (44),

Vice-président de la Communauté de Communes Loire-Divatte

et co-fondateur de l’Office de Tourisme du Vignoble de Nantes


Vos commentaires :
Dimanche 28 avril 2024
@ Jack Leguen,

Merci pour votre témoignage.

Cependant, je ne pense pas que l’on puisse comparer la vieille Europe dont les paysages ont été façonnés par 30 000 ans d’histoire et un pays qui a été colonisé au XVIe siècle, dont la conquête s’est terminée il y a 127 ans par le massacre (le 29 décembre 1890) de populations autochtones (Sioux Lakota) et dont les habitants sont des « colons » ou des descendants de colons.

La Bretagne n’est pas la Californie et n’a pas vocation à l’être.

Dans le sujet qui nous concerne, ici, les autochtones c’est nous.

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