Des années 1960 aux années 2000 s’est développée une véritable école historique bretonne, formée d’historiens jeunes à l’époque, compétents et qui ont consacré le plus clair de leur temps à étudier et à faire étudier l’histoire des cinq départements bretons sous tous ses aspects. Claude Geslin est l’un d’entre eux.
La qualités de leurs travaux était telle que beaucoup d’éditeurs ont publié beaucoup plus d’ouvrages qu’avant consacrés à l’histoire bretonne. Cette abondance et cette qualité donnent à la Bretagne une place à part dans ce domaine.
Né en 1937 à Lédaré en Mayenne, Claude Geslin est le fils d’un ouvrier agricole, qui a émigré vers Rennes en 1945 pour y devenir cantonnier, aux Ponts-et-Chaussées. Cette origine très modeste marque le futur historien qui dédiera sa thèse à son père, « ouvrier pendant plus de cinquante ans, décédé après deux ans de retraite ». Il fait des études brillantes au collège catholique de Châteaugiron puis à Saint-Martin de Rennes, où il se lie d’une amitié jamais démentie avec Yann Cheun Veillard, futur conservateur du musée de Bretagne. Il poursuivent leur parcours parallèle en histoire à la faculté des lettres de Rennes, notamment avec le grand universitaire nantais Jean Delumeau, qui le marque et dont il restera proche.
Agrégé, Claude Geslin enseigne au lycée public Bréquigny à Rennes, puis intègre l’université de Nantes. Il y enseigne la Bretagne et l’histoire du monde ouvrier. Il soutient sa thèse sur l’histoire du syndicalisme ouvrier en Bretagne en 1982 à Paris. Citoyen engagé, il est l’un des trois historiens signant une pétition contre la soutenance d’une thèse niant l’existence des chambres à gaz. Autant dire que sa carrière ne pourra se poursuivre dans le même département d’histoire. Il devient professeur des universités à Brest, ce qui l’oblige à beaucoup de déplacements, puis il termine sa carrière à Rennes 2, tout en continuant à habiter à Treillières près de Nantes jusqu’en 2012, avant de revenir à Rennes. Il a beaucoup contribué au développement du CHT, au Centre (nantais) d’Histoire du travail, auquel il a légué une bonne partie de ses archives, et d’une façon plus générale à la connaissance de l’histoire du pays nantais.
Son oeuvre maîtresse est sa thèse de 900 pages sur le syndicalisme ouvrier, qu’il a publiée chez un éditeur artisan en Occitanie (Espace-Écrits) , avec l’adjonction de centaines de photos anciennes originales. Un travail de titan de 3 volumes récemment réédité en 2 tomes par les PUR (Presses universitaires de Rennes) : le syndicalisme ouvrier en Bretagne jusqu’à la Première guerre mondiale. Il y démontre la spécificité de la classe ouvrière bretonne, plus réformiste que révolutionnaire et plus attachée au cadre breton qu’au cadre départemental, contrairement à une partie de ses leaders, souvent venus de l’extérieur.
Claude Geslin n’est pas qu’un chercheur, il est aussi un vulgarisateur. En 1978, il a rejoint la commission « Histoire » de Skol Vreizh et a participé à nombre d’ouvrages collectifs abordables par tous comme l’Histoire de la Bretagne et des Pays celtiques (tomes 4 et 5 avec leurs rééditions renouvelées), Toute l’Histoire de Bretagne (4 éditions) et Histoire d’un siècle, Bretagne 1901-2000, avec Michel Denis dont il était ami. Il participe au dictionnaire d’histoire de Bretagne et à de multiples autres ouvrages collectifs chez différents éditeurs.
Proche du monde syndical, il organise de nombreuses expositions. Ce Mayennais devenu breton s’est toujours élevé contre la séparation administrative de Nantes du reste de la Bretagne. De nombreuses personnalités, notamment du monde de la recherche, étaient présentes à ses obsèques à Rennes le 14 janvier dernier.
L’homme, sensible, humaniste, modeste et rigoureux, restera un grand nom de l’histoire bretonne.
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