La dette, la véritable raison de la perte de souveraineté du duché de Bretagne

Chronique publié le 6/07/16 20:23 dans ABP par Philippe Argouarch pour ABP
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François II de Bretagne

Certes la Bretagne avait été un État extrêmement prospère aux XIVe et XVe siècles mais en un temps record, sous le règne du très dépensier duc François II, et dû à la nécessité de défendre le duché face aux menaces françaises, le duché avait accumulé une dette colossale, plus de 620 000 écus-couronnes d'or (1) envers le royaume d'Angleterre seulement.

L'Angleterre avait toujours été le garant de l'indépendance du duché de Bretagne, en 1492 le roi de France met fin à cette vieille alliance en remboursant la dette bretonne et payant à l'Angleterre une somme équivalente à la moitié de son budget !

Cette dette envers l'Angleterre sera épongée par le Roi de France Charles VIII lors d'un traité avec Henry VII Tudor en 1492 , le [[traité d'Étaples]]. La dette du duché de Bretagne envers le royaume d'Espagne est aussi importante : entre 200 000 et 300 000 écus . Charles VIII donnera la Sardaigne et le Roussillon à l'Espagne pour rembourser la dette bretonne en plus des 300 000 écus pour avoir la paix . (voir le site)

Une politique fiscale désastreuse

Le budget du duché de Bretagne était d'environ 400 000 livres bretonnes (487 000 livres tournois en monnaie française). Le budget du royaume de France est sept fois plus, soit 3 300 000 livres tournois. (2).

François II et ses trésoriers mènent une politique financière désastreuse surtout après l'élimination du trésorier Pierre Landais (1481-1485) victime d'un coup d'État de la part des nobles favorables au camp français. On indispose aussi les bourgeois et les commerçants de Nantes, Saint-Malo, Vitré et Quimper en dévaluant la livre bretonne en 1487, 1488, 1489 et 1490 (2). Les dévaluations ne font aussi qu'accentuer la dette souveraine bretonne. Le duché opère aussi des emprunts forcés : 207 000 livres bretonnes en 1488. Personne n'est content de ce chaos. La banqueroute menace. Le duc, sa cour, et la chancellerie, continuent un train de vie scandaleux engouffrant la moitié du budget de l'État.

Les nobles du camp français lèvent aussi des impôts. Ainsi le vicomte Jean de Rohan, qui se proclame Duc de Bretagne, veut imposer une taxe de 6 livres aux paysans de ses terres. Toute la Cornouaille se soulève de 1488 à 1490. Les châteaux du vicomte sont brulés. L'ordre est rétabli par des troupes anglaises qui sauvent Quimper de ces nouveaux Bonnets rouges.

Éponger la dette d'une manière ou d'une autre

Un pays endetté n'est plus un pays indépendant. On l'a vu avec la Grèce récemment. Rembourser cette dette souveraine bretonne incombait à tous les ordres : la noblesse, la bourgeoisie et le bon peuple. Les nobles bretons, déjà en lutte contre le renforcement du pouvoir ducal sous François II, ont commencé à chercher une solution pour ne pas avoir à rembourser cette dette. Trois solutions s'offraient alors pour éviter cette saignée : incorporer le Saint-Empire germanique comme le tentera la duchesse Anne par mariage avec l'héritier de l'Empire, incorporer le Royaume d'Angleterre, et Henry Tudor était prêt - offrant même le passage en Angleterre à Anne de Bretagne assiégée dans Rennes ; ou rejoindre le royaume de France. La dernière solution est apparue la plus facile d'autant plus que la noblesse avait aussi des terres et des pensions dans le royaume voisin. Le duché avait la première marine d'Europe. Il pouvait très bien tenir tête aux armées de Charles VIII même après la désastreuse bataille de Saint-Aubin du Cormier. D'ailleurs l'Angleterre le prouvera un siècle plus tard en neutralisant l'Invincible Armada de Philippe II d'Espagne grâce à sa supériorité sur mer. C'est la volonté d'indépendance qui fit défaut. Effacer la dette était devenu plus important pour les élites et arrêter la guerre, les greffes (corvées militaires) et les pillages étaient devenus le plus grand désir du peuple.

(1) selon le spécialiste de la Numismatique, Daniel Cariou, il s'agit d'écus or et non pas pas de couronnes comme l'indique wikipédia.

(2) Toute l'Histoire de Bretagne p. 182. Édition Skoll Vreizh

Modifié le 9 juillet 2016


Vos commentaires :
Mercredi 1 mai 2024
Moi qui déteste l’Histoire - pour moi, c’est du journalisme courtisan et fantasque à la mode du jour de l‘événement ou de sa lecture -, je me suis régalé en lisant l’érudition de l’auteur de l’article et des auteurs de commentaires. Evidemment, tout cela, pour moi, ne sert rigoureusement à rien, même pas de leçon pour la Bretagne dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Ce qu’il faut enseigner aux Bretons, c’est le désir pour leur pays de redevenir, comme auparavant, une nation riche et prospère aux yeux du monde. Paul Chérel
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