Crise agricole bretonne : Alain Glon veut du changement

Lettre ouverte publié le 22/02/16 19:04 dans Economie par Frédéric MORVAN pour Frédéric MORVAN
https://abp.bzh/thumbs/39/39619/39619_1.jpg
l'industriel breton Alain Glon

A la suite de la diffusion de l’article de Frédéric Morvan « il faut sauver le paysan breton », portant sur l’histoire de l’agriculture bretonne, Alain Glon intervient pour préciser et expliquer la gravité de la situation actuelle de l'agriculture bretonne.

TIRER LE COCHON PAR LA QUEUE !

La Bretagne agricole vit entre rébellion et désespérance.

Je pense aux éleveurs de porcs et aux producteurs de lait aujourd'hui mais aussi aux employés de l'agro-alimentaire demain.

L'observateur avisé peut s'étonner que de part et d'autre s'est établi un dialogue de sourds que rien ne semble pouvoir apaiser.

Parlons-en au fil de l'histoire :

Pendant les Trente glorieuses, les entrepreneurs et les paysans bretons ont investi, ont développé leurs activités dans un contexte de croissance des besoins notamment alimentaires. Des autorisations, des permis de construire, des financements parfois bonifiés ont régenté tout un monde pendant 30 ans.

En 1990 arrive la globalisation de l'économie, mettant en concurrence les pays jusque et y compris la sphère publique. Il eut fallu à ce moment, ou à peine plus tard, mettre en œuvre une Gouvernance Économique tel que cela fut fait dans des pays voisins. En France, tout a continué comme avant et, de crise en crises, faute de vision, les éleveurs et les entrepreneurs ont d'abord ralenti leurs investissements, puis ils les ont arrêtés et nombre d'éleveurs ont choisi ou ont subi des fermetures, ceci au rythme d'environ 10.000 par an.

Aujourd'hui deux camps se font face : il est des personnes qui, du côté des autorités et des structures, veulent «continuer comme avant». Leur approche de la situation les amène à considérer que, voici quelques mois, les agriculteurs ne se plaignaient pas trop. Ils ne se plaignaient pas trop, ce qui laisse supposer que le nombre de ceux qui étaient éliminés par le marché, la proportion de ceux qui passaient de vie à trépas était acceptable et accepté.

Ainsi allait la vie à la campagne depuis des lustres.

Mais un jour en raison de l'embargo russe, les cours se sont effondrés et la misère d'un trop grand nombre d'éleveurs les a amenés à sortir en nombre dans la rue.

Les autorités et ceux qui leurs sont proches, y compris dans les instances professionnelles, considèrent qu'il faut agir pour retrouver la courbe du passé récent et retrouver un nombre de morts «acceptables». Pour cela ces gens parlent de la levée de l'embargo et font promesse de millions d'euros.

Ces gens voudraient que la vie recommence comme avant.

Que nenni disent aujourd'hui un grand nombre d'éleveurs qui se sont coiffés d'un bonnet rose : nous ne voulons pas recommencer comme avant et voir disparaître tant et tant de voisins dont on saisit les biens pour combler les dettes. La disparition des éleveurs ne doit plus être la seule variable d'ajustement des crises quand les acteurs de notre environnement demeurent imperturbables.

Nous voulons un plan stratégique tel qu'il en a été fait dans les pays voisins disent les éleveurs qui, jusque-là peu présents dans les instances représentatives agricoles, ont pris le leadership.

Nous voulons que le pays nous dise si il veut que nous y élevions des porcs ou si la France préfère importer la viande que l'on consomme.

Notre cochon est, en France, chargé à 57,5% (par la dépense publique) quand le cochon allemand est lui chargé à 46% (par la dépense publique). L'écart est de plus de 30€ par porc. Si rien ne change, mieux vaut le savoir dès aujourd'hui et chacun décidera de ce qu'il doit faire en connaissance de cause.

Le futur ne sera plus fait de la seule résolution des problèmes du passé, les éleveurs qui vont survivre à la crise actuelle veulent des objectifs accessibles et de l'équité.

Plus tôt chacun le comprendra, et acceptera de mettre chiffres sur table, mieux ce sera. Il est bien connu que la violence naît de l'insuffisance des mots, il y a pire encore : c'est l'absence de dialogue.


Vos commentaires :
Kristof
Vendredi 15 novembre 2024
Monsieur Glon,

Voilà qui est dit et bien dit.
Aurions-nous laissé ainsi charger toute production de richesse , à 57,5%, par la dépense publique, si nous avions, nous, Bretons , la maîtrise de notre économie?...


CAMARET PIERRE
Vendredi 15 novembre 2024
Tres interessant . J' apprends de plus en plus . Et je note les propos pertinents .
Biensur il eut fallu reagir plus vite , plutot que de vouloir continuer comme avant ................ ce qui est impossible et les gens doivent s' en persuader . Leur monde a disparu ..... et nos gouvernements Centraux plutot que de jouer leurs jeux continuels ,devraient aller sur le terrain . Un gouvernement local ,avec responsabilites,aurait peut etre ete, plus sensibilise et plus reactif .

françois labbé
Vendredi 15 novembre 2024
Oui, mais....

Toutes ces réflexions laissent rêveur car elles ne proposent rien de bien nouveau. J'ai un ami paysan au cœur des Monts d'Arrée, Gaby. Avec sa femme, depuis plus de dix ans, il vit de son troupeau de pies noires ( une quinzaine) et dispose de moins de vingt hectares. Il produit quatre excellents fromages, un peu de crème et de lait, vend parfois ses veaux et élève quelques cochons. Son jardin ne sert qu'aux besoins de la famille et il propose ses produits au marché de Morlaix. Son étal est vide avant qu'il soit midi, croyez- moi! Il n'a en rien recours à la chimie, ni pour ses bêtes ni pour ses prairies ou ses cultures fourragères. Il est «bio» sans en faire un plat, parce que c'est tout naturel et parce qu'il respecte sa Bretagne, ses animaux, ses clients et lui-même. S'il a opté pour les petites vaches bretonnes qui produisent certes 3 fois moins que les usines à lait holstein, c'est parce qu'il sait que ses vaches offrent un lait d'une autre qualité, qu'elles sont résistantes et adaptées au terrain . Il n'a pas besoin qu'on vienne ramasser son lait, collecter son fromage. Il joue au maximum la proximité et limite son parc motorisé au nécessaire. Gaby travaille certes dur, mais il vit bien, ne se plaint jamais et voit l'avenir avec sérénité. Et puis, croyez- moi, Gaby, c'est un type qui sait ce qu'il fait et pourquoi. Une personnalité sacrément attachante!

Et il n'est pas le seul... Baladez-vous par exemple du côté de Saint.Cadou, vous verrez! Moi qui habite le Pays de Bade où les exploitations sont comparables en tailles à ce qu'elles sont en Bretagne ( mais où le bio n'est pas si développe que cela!), je puis vous dire que je suis fier de voir tous ces agriculteurs bretons «bio» qui se moquent de la FNSEA et de ses mots d'ordre, du ministère, qui mènent droit dans le mur. Ils savent qu'il n'y a pas d'avenir sans une agriculture propre, des exploitations à taille humaine, le respect des sols et des animaux, des marchés de proximité ... Le consommateur acceptera toujours de payer un peu plus pour cette qualité, pour la qualité et pour un modèle qui permet à tous d'être fiers, producteurs comme consommateur.


Jacques
Vendredi 15 novembre 2024
Le cochon «Français» est à 66% produit en Bretagne et (sauf erreur) 80% des exploitations hexagonales sont Bretonnes....

Qui décident: les Français, Paris...!
Que demandent les éleveurs bretons: Que Paris s'occupent d'eux!

Les Bretons ont abandonné toute capacité à décider pour accepter d'autres décident pour nous, au nom d'un «État Providence» qui nous fait rêver....!

Rien d'anormal à qu'un jour une différence s'installe entre notre rêve et les intentions des décideurs...!

Il est où le Ministère Breton de l'Agriculture????
A Paris, à plus de 300km à l'extérieure de la frontière orientale de la Bretagne...!

Monsieur Glon, si l'on ne demande pas un Ministère Breton de l'Agriculture pour fédérer cette activité économique au sein de la Bretagne et dialoguer directement avec nos voisins européens, ce qui arrive est normal et logique!

Quelle autre région agricole d'Europe de la taille de la Bretagne dépend entièrement d'un pouvoir de décision hors-sol?

Avez-vous déjà vu une entreprise être bien gérée par des dirigeants externalisés???

Vous dites : «nous voulons un plan stratégique...»
C'est vous qui voulez, peut-être quelques paysans, mais ce n'est pas forcément ce que Paris souhaite...!!!!

Les paysans bretons se sont cru plus malin que les marins bretons quand ces derniers ont été sacrifiés, l'exemple n'a pas servi.... Il était bien trop agréable de croire à la fable du «paysan breton qui nourrissait la France qui nourrissait le monde....!» et cerise sur le gâteau à l'époque cela rapportait...!

Sauf que la France et le monde semblent avoir une une perception un peu moins à l'eau de rose de cette fable...!

Alors respectons les choix des décideurs parisiens, vu que c'est à eux que nous avons abandonnés la gestion économique de la Bretagne!

Si nous voulons sérieusement quelque chose.... La première étape est de ramener en Bretagne le pouvoir de décision!

Un homme de votre expérience le sait que trop bien!

Donc, votre demande ne devrait-elle pas être : «Nous demandons un Ministère Breton de l'Agriculture... localisé en Bretagne et disposant des pouvoirs identiques à ceux des autres ministères équivalent des autres régions d'Europe...!» ?

Mais pas sûr que les paysans bretons le voudront...! La dépendance est une drogue dure...!


kris braz
Vendredi 15 novembre 2024
Bien sûr que F Labbé a raison : les agriculteurs/le système dont parle M. Glon ne répondent pas à une demande croissante, voila le vrai noeud du problème. Pas plus que l'agro-alimentaire breton ne répond aux qualifications des Bretons. Allez faire un tour autour de la ZI de Landivisiau par exemple et voyez le nombre de travailleurs étrangers. L'autre jour, j'ai pris en stop un soudeur polonais qui repartait en Pologne après un contrat de 2 semaines (!) sur la cathédrale à poudre de lait de C. Troadec. On trouvera toujours moins cher ailleurs.
Par contre, autour de St Cadou (hameau de Sizun) dont parle Labbé, il existe une vingtaine de petits paysans (et leurs familles) qui vivent de l'agriculture.

Kristof
Vendredi 15 novembre 2024
Tout le monde est d'accord avec ce que vous dites, monsieur Labbé.
Mais la plupart des observateurs raisonnables , ceux qui pensent au travail des employés des entreprises agroalimentaires, à la réussite des entreprises agricoles, ceux la estiment qu'il peut y avoir deux agricultures, aussi respectables l'une que l'autre.
Nos usines doivent vivre , et le bio doit vivre.
D'autre part, si la charge publique était de 45% au lieu de 57%, cela profiterait à tous les producteurs , y compris au bio.

Avécer
Vendredi 15 novembre 2024
Comment ne pas être d’accord avec les commentaires de Frédéric Morvan et ceux d’Alain Glon au sujet de la situation catastrophique de l’agriculture bretonne.
Ce que doit payer les pays aujourd’hui et non seulement les agriculteurs, mais aussi les ouvriers, les commerçants, les enseignants, etc. c’est la vision idéologique du Monde qui a guidé et qui guide encore les dirigeants de droite et de gauche de ce pays.
Ils ont fait fi de la réalité car ils voulaient qu’elle se conforme à leur idéologie, tant qu’ils ne dépendaient essentiellement que des forces intérieures, avec des milliards de francs de l’argent des contribuables cela pouvait passer, quand la construction européenne et la globalisation leur ont imposé de faire face à des contraintes qu’ils ne pouvaient plus maîtriser, les conséquences ne se sont pas fait attendre et nous en voyons les résultats.
S’agissant de l’agriculture, dès les années 80 du siècle dernier la donne changeait, des pays européens producteurs comme le Danemark et les Pays Bas, s’organisaient pour la compétition mondiale, d’autres émergeaient, en Europe comme l’Allemagne et l’Espagne, ou au-delà comme le Brésil et la Thaïlande.
Faut-il ajouter que la réunification de l’Allemagne et l’entrée dans le jeu des fermes industrielles de la RDA étaient un facteur à ne pas négliger à terme ?
Il aurait fallu réorienter, au moins une partie de la production agricole bretonne, vers la qualité, ce qui a si bien réussi aux viticulteurs, aux producteurs de foie gras, aux éleveurs de volailles de Bresse ou de la Sarthe.
Pour ce qui est de l’agro-alimentaire, là aussi le maître mot devait être la qualité et la diversification, en Bretagne, certaines conserveries ne s’en sortent pas trop mal, et des fabricants de biscuits bretons également, sans oublier nos amis Hénaff.
Il y aurait des pages à écrire sur ce sujet qu’Alain Glon connait mieux que personne.
Une fois encore les responsables politiques parisiens, élus par le peuple, ont été de mauvais bergers et nous en payons tous le prix, et en particulier les agriculteurs qui ont, pour beaucoup, comme seule perspective la fin de leur exploitation à plus ou moins brève échéance.
Avec quelques autres, dont Jean-Jacques Kérourédan, Joseph Martray, Claude Champaud, Jean Ollivro, il y a une vingtaine d’années, nous étions de ceux qui pensaient que dans un Monde en perpétuel bouleversements, la prospective était une nécessité et c’est pourquoi nous avions fondé Bretagne Prospective. Mais si les Bretons proposent c’est le pouvoir parisien qui dispose.

Jacques
Vendredi 15 novembre 2024
@ Acéver,

«Une fois encore les responsables politiques parisiens, élus par le peuple, ont été de mauvais bergers...»
«Mais si les Bretons proposent c’est le pouvoir parisien qui dispose.»

So what?

Décidément, ramener le pouvoir démocratique en Bretagne semble être une revendication difficile à exprimer chez le Breton.... Plus facile d'en vouloir au Parisien!

Pendant ce temps, comme vous le dites : les Pays-Bas, le Danemark (de même taille que la Bretagne) ( mais aussi l’Irlande, plus petite que la Bretagne) se sont organisés....!

Ben oui....! C'est vrai, que dire d'autres....!

Le paysan breton va mourir, mais soyons satisfait, il mourra sans être retombé dans le communautariste...!
N'est-ce pas là, le plus important?!

Le drame de l'avenir de la Bretagne vu par les Bretons...!


Hugues
Vendredi 15 novembre 2024
Opposer qualité et agriculture Bretonne, opposer la Bio et l'agriculture conventionnelle... notre monde n'est pas unique, n'est pas unitaire. Quand une partie croissante de notre population consacre moins de 15% de son budget pour se nourrir, peut on nous orienter tout bio ? A l'opposé, certains autres se font plaisir à acheter a leur« producteur du coin» le petit fromage fermier qui va bien. Moi même, jeudi au Mac chicken et dimanche devant un bon poulet fermier. Tout cela pour dire que l'on peut aujourd'hui, grâce à l'agriculture moderne, manger sainement avec des budgets différents, selon nos envies.
Si on arrête l'agriculture conventionnelle en France... on ne mangera pas plus de Bio. On mangera simplement moins français et certainement moins bien. Car outre les charges qui sont élevées en France, nos standards qualité le sont tout autant. Malheureusement jamais récompensés, ni médiatiquement, ni dans les prix.
Aujourd'hui, il nous faut donc arracher un revenu décent pour nos paysans en allant le chercher dans les marges de la filière et de la distribution. Il nous faut valoriser la qualité de nos produits et arrêter de la dénigrer systématiquement sous prétexte qu'elle est produite de façon conventionnelle.
Et si nous avons quelque-chose à demander à nos politiques (si tenté que ce soit possible n'est ce pas Alain !!), c'est simplement un peu de courage pour s'opposer à continuer à céder nos marchés agricoles à des pays qui n'ont pas de règle.
Mon téléphone est chinois, mes chaussettes sont chinoises, mon pull est indien... STOP, je veux continuer à Manger Français !!!

JE SUIS AGRICULTEUR


spered dieub
Vendredi 15 novembre 2024
Par décence que l'on arrête de parler de paysans ,espèce en voir de disparition .Le terme agri managers me semble tout à fait adapté à la conception de l'agriculture selon Glon

Juhel richard
Vendredi 15 novembre 2024
à Hughes :
«Notre cochon est, en France, chargé à 57,5% (par la dépense publique) quand le cochon allemand est lui chargé à 46% (par la dépense publique). L'écart est de plus de 30€ par porc. Si rien ne change, mieux vaut le savoir dès aujourd'hui et chacun décidera de ce qu'il doit faire en connaissance de cause. »

Le cochon français est taxé à 57%..
mais rien n'empêche l'agriculteur Breton de détaxer son cochon et de le décharger, mais pour cela il faudrait qu'il connaisse son bon droit, à savoir, par le droit coutumier, par le traité de Nantes de 1499 et par l'article 55 de la constitution française :
il n'est pas soumis aux lois françaises, il n'est pas soumis aux taxes françaises, il n'est pas soumis aux charges françaises, il n'est pas soumis aux l'impôts français, il n'est pas soumis aux tribunaux français ni aux expulsions.
il peut donc librement disposer de son cochon
De Nantes à Brest, Vive le droit coutumier Breton.


Anti-spam : Combien font 7 multiplié par 3 ?