2017 : la Bretagne à l’assaut de l’Elysée ?

Chronique publié le 3/02/16 12:53 dans Politique par Rémi De Kersauson pour RDK
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Christian Troadec - candidat à la présidentielle de 2017

Janvier 2016 se termine et déjà on parle, à gauche comme à droite, de primaires et des candidatures potentielles pour la Présidentielle de l’année prochaine. Dès le premier tour des Régionales de décembre, le candidat breton Christian Troadec avait confirmé son intention de mettre en place une candidature régionaliste pour l’accession à l’Elysée. Troadec Président, « combien de divisions ? »

L’état des forces « régionalistes » en Bretagne

Cent dix mille huit cent neuf personnes ont voté pour des partis affichés comme régionaliste, autonomiste ou indépendantiste lors du premier tour des dernières élections régionales en Bretagne (B5). Cela représente 6,6% des votes sur le territoire concerné. Cela n’illustre pas l’ensemble des électeurs partageant ces convictions. Le programme du candidat des Républicains était fortement teinté de régionalisme. Il a reçu le soutien d’un pôle composé de partis fédéralistes dont Breizh Europa. Mais ce résultat reste l’affichage électoral des listes « régionalistes autonomes » ou « autonomistes régionales » bretonnes.

Malgré plus de 4 points de participation supplémentaires, c’est au niveau du score des listes de Christian Troadec et de l’UDB en Bretagne (B5) lors des Européennes de 2014. Si on y intègre les résultats de la liste d’extrême-gauche, soutenue par le parti de Gaël Roblin à l’époque, c’est même un peu moins. Sa liste indépendantiste fait quasiment aussi bien sur la Bretagne administrative (B4) en 2015 que sa liste commune avec le NPA sur la Bretagne (B5) en 2014. Le contexte sécuritaire et la « nationalisation » des élections régionales, notamment sous l’influence de la montée en puissance du Front National, ont été des facteurs défavorables pour l’expression régionale.

En termes de représentation au Conseil Régional, le nombre de conseillers membres d’un parti « autonomiste » (en l’occurrence l’UDB) est passé de 4 à 1. Les Régionales se sont traduites par une scission au sein de ce parti. Les jeunes « UDBistes » se sont ralliés à Christian Troadec. Les « historiques » sont plutôt restés avec le Drian et le PS. Quelques figures ont adopté un positionnement neutre, par la démission (Henri Gourmelen) ou la mise en retrait (Christian Guyonvarc’h). On note par ailleurs que les groupes de gauche et de droite au Conseil affichent chacun leur « régionalisme ». Il est difficile de déterminer l’influence réelle qu’avaient les conseillers régionaux « autonomistes ». Mais le bilan est clairement négatif sur le plan de la représentativité.

Les petits partis de droite et du centre, qui avaient gagné en visibilité par leur présence sur la liste Troadec aux Européennes sont repartis dans l’ombre. Le Parti Breton a soutenu une liste indépendantiste après avoir accordé, a priori prématurément, son soutien à la liste menée par Troadec. Celui-ci a clairement fait le choix de l’UDB, donc de la gauche, alors qu’il avait pris avec lui les petits partis de droite un an et demi avant. La liste soutenue par le Parti Breton a fait moins que celle de Gaël Roblin à l’extrême gauche. De son côté, Breizh Europa s’est associé à Marc Le Fur et son score s’est fondu dans celui des « Républicains ».

Les « forces régionalistes » de Bretagne, déjà plutôt maigres, ne sont pas sorties revigorées des élections de décembre 2015. Mais celles-ci ont quand même consacrées deux choses. D’une part, depuis 2010, Christian Troadec est la personnalité qui représente le plus la revendication politique bretonne. Loin devant l’UDB, c’est sur son image personnelle qu’il fait à chaque fois, et de loin, le plus gros score en termes de votes régionalistes/autonomistes. D’autre part, le choix de l’UDB et de la gauche lui a ouvert l’accès à la fédération « Régions et Peuples solidaires » (RPS). La question régionale a été occultée lors des élections de décembre par le psychodrame du score du Front National. Il est assez logique de tenter de « régionaliser » la course à l’Elysée pour faire entendre la voix des régions. Il n’y a pas en Bretagne les forces électorales suffisantes pour qu’elle s’y lance seule. Le réseau « Régions et Peuples Solidaires » est un tremplin naturel pour fédérer les mouvements régionaux dans ce but. La première des 500 signatures nécessaire à la candidature du maire de Carhaix est celle du président du parti alsacien Unser land, membre de RPS.

Quel objectif pour une fédération régionaliste ?

Sur les eurorégions, les résultats de RPS n’ont pas dépassé les 2% lors des dernières Européennes, dont seulement 0,02% en Ile de France, région la plus peuplée. En rajoutant le score de Christian Troadec, le score passerait de 1 à 4% en circonscription Ouest. Lors des Régionales en Alsace, la vexation du redécoupage des régions n’a été suivie que par une hausse du vote régionaliste de 5 à 11%. La comparaison reste malaisée car on passe d’une liste identifiée « extrême droite » à une liste de centre et de gauche. Même en rajoutant les 83000 votes indépendantistes martiniquais, le poids électoral total s’annonce peu prononcé.

Il reste également la possibilité de chercher à rallier les fédéralistes. Mais les scores du parti fédéraliste européen aux élections de mai 2014 ont, au mieux, atteint les 0,2% sur les différentes circonscriptions. Il n’y a pas forcément coïncidence, hors la cohérence de Breizh Europa, entre fédéralisme et autonomisme régional. On peut très bien, à l'instar d’un Christophe Barbier, se dire fédéraliste et écrire des éditos odieux sur la Corse. Si un jour la France consentait à poursuivre le transfert de souveraineté vers une structure fédérale se serait aux prix de garanties qui ne seraient pas forcément favorables aux régions. La peur de la langue anglaise a eu pour conséquence l’inscription du français comme langue de la république dans la constitution. Cela ne sert à présent qu’à poursuivre la destruction des langues régionales, mêmes reconnues comme patrimoine de la France.

La fédération n’a jamais présenté de candidat à la présidentielle. Après celui d’être le candidat de RPS, le problème sera la définition d’un projet pour le pays. Prétendre vouloir présider la France au nom de partis qui voudraient s’en émanciper n’aurait pas de sens. Dans cet esprit, Le succès électoral et l’affichage indépendantiste en Corse pourrait finalement s’avérer comme un facteur défavorable. La somme de programmes d’autonomies régionales ne fait pas un programme pour la gestion de leur fédération. La charte de RPS est succincte. La création d’un programme cohérent pour la présidentielle sera un passage nécessaire. Il serait contre-productif qu’en voulant porter la parole des régions le candidat atteigne un résultat si faible que cette parole reste durablement inaudible. Il s’agira, par exemple, d’expliquer en quoi une nouvelle organisation du fonctionnement de la France constituera le véritable « antidote » au FN et répondra aux problèmes des citoyens. Sur ce dernier aspect, on peut noter le silence de Christian Troadec au sujet des actions menées en ce moment par les agriculteurs alors qu’il avait surfé, un temps, sur le mouvement des Bonnets Rouges avant de faire un bon score aux Européennes.

Parmi les nombreuses inconnues, les moyens financiers pour faire campagne seront très probablement un point faible par rapport aux partis "installés". Au vu des divers résultats électoraux dans le passé, une estimation entre 1 et 2% au premier tour serait sans doute déjà un beau résultat. Dans cette hypothèse, le remboursement aux taux actuels des frais serait plafonné à 800 422 euros. Pour un candidat régionaliste réunir un tel budget risque d’être un défi en soi. Le plafond est de 8 millions pour ceux qui dépassent 5% au premier tour, ce dont sont quasiment assurés les représentants des grands partis. Les investissements que pourrait risquer Christian Troadec dans une campagne électorale seront donc assez faibles. Cela rendra encore plus difficile de compenser un déficit d’image au plan national.

La candidature de Christian Troadec ne peut visiblement viser que le meilleur score possible pour faire entendre la voix des régions et permettre sa prise en compte au travers d’accords éventuels pour le second tour. Cette tentative nécessaire et vertueuse se ferait au prix d’une dépense héroïque.


Vos commentaires :
Vendredi 3 mai 2024
@Luigi Barsagli
«Les régionalistes (autonomistes, indépendantistes) bretons (qui ne font déjà que 6 % aux régionales B4) aux Présidentielles françaises»
Vous n'appréhendez pas le réel objectif, pourtant exprimé à plusieurs reprises par Troadec.
Son idée, c'est «les régionalistes (autonomistes, indépendantistes) HEXAGONAUX (qui ne font déjà pas grand chose, sauf en Corse et ses 300 000 habitants) aux Présidentielles françaises».
Une candidature des seuls Bretons «régio-autonomo-natios» (comme le laisse entendre le titre de l'article), ça serait évidemment de l'énergie (et de l'argent) gaspillée pour une candidature de témoignage (à la troskyste ou CPNT). Dans ce cadre, Troadec ne s'essoufflera même pas à chercher des signatures, effectivement, il ne les aura pas ! Ce n'est même pas la peine d'insister là-dessus comme vous ne cessez de le faire. Vos évidentes objections sont entendues.
Et si je me trompe et que Troadec y allait comme un Cheminade, ça serait pathétique.
Cette candidature ne peut avoir un réel impact que s'il y a, a minima, l'union des R&PS. Ce n'est certes pas gagné. Mais les Alsaciens semblent motivés. Simeoni et Talamoni ont gagné énormément en visibilité «nationale», leurs paroles auront un poids certain (jamais atteint en tout cas). Si Talamoni ne soutiendra logiquement personne (mais à demi-mot...), quid de Simeoni ? Aucun candidat classique, au 1er tour, ne peut le satisfaire. Comment voit-il l'échec de Troadec au CRB ? Troadec a raté l'occasion d'être sans conteste légitime. Dommage. Mais ce n'est pas mort. Je veux Simeoni en chef de campagne de Troadec (sur les plateaux TV face à Philippot, tiens) !
Mais comment espérer nos alliés naturels à soutenir Troadec si les Bretons «régio-autonomo-natios» ne sont même pas motivés ?
Quelle image cela donne aux 300 000 corses de ces 4,5M de Bretons qui prétendent être comme eux mais secouent bien mois la RF ? Excusez, mais vos commentaires participent à un certain degré à cette image.

@spered dieub
«Depuis un moment ,Troadec devient énigmatiquement discret ,comme tout un chacun il peut avoir à faire face à des problèmes qu'il n'est pas obligé d'étaler sur la place publique ??? Cependant je suis quand même étonné qu'il ne réagit pas aux évènements concernant l'agriculture et en particulier l'élevage qui est une des principales activités du centre ouest Bretagne ,alors que habituellement il est prompt à réagir au point d'ailleurs d'être parfois trop précipité»
Changement de stratégie ? Et s'économiser pour une course de fond ?
Il a donné en agitateur, il ne faudrait pas qu'il devienne une caricature. Mais c'est vrai que ça ne l'empêcherait pas de commenter posément.
Sans doute est-il trop prudent à cause de la FNSEA, qui phagocyte la détresse paysanne ? Celle-ci réclame tout de Paris sans proposer d'alternatives, ça ne lui serait pas bon d'apparaître là-dedans. D'autant que les paysans de ce syndicat n'en espèrent plus grand chose.
Plus la tambouille idéologique politicienne, les formations R&PS restent gauchisées, Troadec s'est beaucoup fait taper dessus il y 2 ans. Dans une perspective de monter un front politique inédit, mieux vaut savoir tenir sa langue quelques temps. Ce n'est pas dit que tous aient la sagesse d'Unserland de ne pas lui avoir tenu compte de sa lutte anti-écotaxe...

«Le système présidentiel français s'inscrit dans la tradition de la monarchie absolue .Dans l'imaginaire des Français et hélas des Bretons une seule personne pourrait miraculeusement résoudre des équations de plus en plus compliquées voir impossibles .Ce culte de la personnalité a pris une dimension d'autant plus importante depuis l'élection présidentielle au suffrage universel ,il est à son apogée ,mais c'est justement une situation en trompe oeil ,car vu les difficultés ce système peut s'écrouler d'un moment à l'autre emportant la cinquième république et the day after ,la sixième de Mélenchon allié à une partie u Fn entrainant une réplique de la terreur ? avènement d'un national socialisme à la française
On peut défendre toutes les opinions que l'on veut ,parfois courageusement, à contre courant comme les indépendantistes Bretons ,mais ce sont plus que jamais les évènements qui décident ,et parfois précipitent au pouvoir des forces ,que l'on aurait pas imaginés auparavant .C'est dur mais il est nécessaire d'essayé d'appréhender objectivement ,sans passion la situation à venir
L'erreur en effet r est de prendre ses convictions aussi fondées soient t-elles pour la réalité ,et ses désirs pour la généralité. Et quand on lit les commentaires ,la différence se fait entre les Bretons qui sont au contact de la population et les autres qui s'enfoncent dans une marginalité ,d'ailleurs voulue par le pouvoir parisien»

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L'époque est tellement indécise que s'il fallait que ce soit le pire des cas (le Front de Gauche National), autant être présent pour un baroud d'honneur !

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