Dans la série des Bretons extraordinaires, mon grand-père Kléber Argouarc'h (aussi écrit Argouac'h) vaut bien un détour. Né le 14 janvier 1896 à Plouzané d'une famille de marins pêcheurs du Relecq-Kerhuon, il s'adonne à la course à pied dès son plus jeune âge pour devenir champion de Basse-Bretagne du 1500 m et 5000 m au début de 1914. Il participe aussi aux championnats de France.
Engagé volontaire, il débute la guerre en août 1914 comme caporal au 19e R.I de Brest, un régiment territorial composé de Bretons du nord Finistère. Il est blessé à la bataille de Maissin le 22 août 1914. La guerre dure depuis 25 jours seulement. Maissin est au nord de Sedan mais en Belgique. Maissin est une des batailles de ce 22 août, dite «bataille des frontières», la journée la plus terrible de toute l'histoire de France puisque 27 000 soldats sont tués en une seule journée. Le nom même de cette hécatombe, une cuisante défaite de l'armée française est rarement cité dans les livres d'histoire. (voir le site)
Kléber a la poitrine traversée par une balle. De part en part. On l'emmène à l'Hôpital de Sedan mais il n'est pas évacué car pas assez remis sur pied. Les Allemands arrivent, prennent la ville le 29 août, mais il reste à Sedan soigné par un docteur allemand et aux petits soins des Petites Soeurs des Pauvres. Il est enmené en Allemagne le 14 janvier 1915 et passera toute la guerre dans un camp de prisonniers alors que la plupart de ses camarades seront tués ou grièvement blessés à Verdun ou sur la Somme. Être blessé ou capturé au début de cette boucherie était encore ce qui pouvait arriver de mieux. Si j'existe aujourd'hui c'est seulement à cause de ce miracle. Autour de moi il y a les ombres de milliers de familles bretonnes fantômes qui n'ont jamais existé, seulement parce que le gars a été tué à Maissin ou à Verdun. Nous sommes tous des descendants de veinards, soyons-en conscients !
On penserait que ce Léonard en resterait là, bénéficiant d'une Croix de guerre et d'une pension de blessé de guerre et d'ancien combattant, mais pas du tout. Dès son retour de captivité en décembre 1918, il reste dans l'armée et reprend l'entraînement malgré des poumons qui ont été transpercés. Le 4 juillet 1920, il est champion de Bretagne du 400m. Arrivé 3e au championnat de France du 800m, il se qualifie pour les JO d'Anvers la même année. Il finira honorablement 5e en demi-finale du 800m. En 1921, il sera champion de Bretagne du 400m, du 800m et 4 x 100m et il arrive 2nd au 100m. En 1922 il sera à nouveau champion de Bretagne du 400m. Un vrai champion.
La guerre éclate de nouveau en 1939 et comme il est resté dans l'armée, il se retrouve Chef de bataillon avec le 19e RI de nouveau près de Sedan à Givet où son unité est percutée par la percée allemande. Regroupant des unités dispersées dans la forêt de Hirson, il sera blessé et capturé à nouveau (voir notre article)
■Mersi bras,
Tristan