Rien n'est éternel. Même les peuples disparaissent. Les Étrusques ont disparu à jamais avec leur État, leur langue, leur culture. Il ne reste rien, même les noms des lieux sont corrompus au point que seuls les érudits reconnaissent dans le mot Toscane le mot Étrusque. Complètement phagocytée par Rome, une voisine dont la puissance et la richesse étaient basées sur les conquêtes militaires et la réduction en esclavage des autres peuples, l'Étrurie a disparu de la carte.
Le magazine Bretons de janvier 2016 s'interroge à juste titre en titrant «La fin de l'identité bretonne ? » Dans son édito, Didier Le Corre fait un constat amer. Un peu comme Rozenn Milin qui déclarait (voir notre article) : «Autrefois la culture bretonne dans le Léon d'où je viens était très forte, mais les Bretons étaient complexés, aujourd'hui elle a presque disparu mais les Bretons en sont fiers.»
Les journalistes de Bretons sont aussi allés interroger au hasard des passants dans les rues de Quimper. Les questions étaient simples, du genre : «Qui était Anne de Bretagne ?» ou «Saviez-vous que la Bretagne a été un État indépendant ?» . Les réponses sont à la fois rigolotes, terribles, désespérantes et choquantes. Le pire c'est que les mêmes personnes auraient sans doute pu vous donner une brève histoire des USA ou les détails de la vie à Versailles sous Louis XIV. Mais sur leur propre histoire, les Bretons sont totalement illettrés !
Aujourd'hui les Français aiment la Bretagne, mais tout le monde se fout des Bretons. Nicolas Sarkozy a dit en privé ce que tout le monde pensait tout bas. Il était en campagne, ses conseillers recommandaient une visite du Cross Corsen pour le 1er mai 2007 : «Je me fous des Bretons... Je vais être au milieu de dix connards en train de regarder une carte». Tout est dit.
Certes les Bonnets rouges ont étonné et inquiété Paris mais le sujet de la discorde, l'écotaxe, a été rapidement supprimé, les portiques démontés. Tout est vite rentré dans l'ordre à coups de millions promis. Tout est bien qui finit bien avec Le Drian réélu dans sa baronnie sans même faire campagne. Il n'a même plus besoin d'enfiler son ciré jaune. Juste un malentendu on vous dit. «On vous a compris», a dit Paris. Pour la réunification et pour l'autonomie ou pour le breton, vous défilez sagement dans les rues... c'est cool.. on est content ! On a compris vos priorités. Comme vous êtes gentils pour le reste, on vous retire l'écotaxe. No problem, you are so cool ! Ce qui compte c'est la République, pour l'écotaxe on se débrouillera autrement.
Didier Le Corre compare ces Français qui aiment la Bretagne a des like de facebook. On clique et on oublie. On sourit en fait. Ça ne va pas plus loin.
Pour le reste, c'est-à-dire la réalité, la langue bretonne est en train de disparaître alors que le basque et l'alsacien reprennent souffle. La réforme territoriale a été un pied de nez aux Bretons et aux Nantais majoritairement partisans de la réunification. En politique, le scandale continue et l'absurdité des divisions bretonnes est la risée de tous. Surtout depuis l'apparition de fronts républicains lors du second tour des régionales. Si les citoyens français sont capables de faire un front commun gauche - droite, tous amis, main dans la main, contre le Front national, les Bretons sont, eux, incapables de faire un Front Breton unissant cette même gauche et cette même droite. La gauche française peut voter pour des candidats Les Républicains, même très à droite, mais la gauche bretonne, la gauche militante bretonne, est toujours incapable d'accepter un front commun contre le jacobinisme qui pourtant a signé l'arrêt de mort des identités régionales. Oui vraiment. La République veut bien une Bretagne, une Corse, une Alsace, mais elle ne veut ni Corses, ni Bretons, ni Alsaciens. Devant cette évidence, le rassemblement Oui la Bretagne a été incapable de rassembler et d'aller au delà des clivages ou pas assez si on en juge par les résultats, toutefois meilleurs qu'aux dernières régionales.
Que de balivernes et que de temps perdu. Comme l'avait bien expliqué Me Yann Choucq lors de son discours de remerciement pour le Collier de l'Hermine : «le problème des Bretons, c'est qu'ils sont toujours Bretons et quelque chose d'autre...comme Bretons et de gauche, Bretons et socialistes ou Bretons et écologistes ou Bretons et libéraux ou Bretons et syndicalistes, etc etc...». Paul Molac a tout faux quand il dit dans Bretons «qu'être breton n'est pas un projet politique.» Mais si ! C'est exactement le contraire, c'est tout un programme et c'est exactement ce que Gilles Simeoni a proposé en Corse et il a gagné !
Pour l'autre Gilles, Gilles Martin-Chauffier, le brillant journaliste de Paris-Match et auteur du «Roman de la Bretagne», un des rares Bretons dépourvus de tout complexe car issu d'une famille de journalistes qui n'a jamais renié ses origines bretonnes tout en ayant combattu dans la Résistance, donc à l'écart de tout soupçon, tout est fini. La Bretagne est morte. Venant d'une famille qui a accepté de délocaliser à Paris par nécessité ou par raison, il déclare dans Bretons : «la Bretagne est morte d'avoir été trop raisonnable». Mais que veut-il dire ? En même temps il réaffirme que la Bretagne va ressusciter... Chauffier croit que l'Europe finira par accomplir l'Europe des régions que demandait Yann Fouéré dans son fameux livre «L'Europe aux 100 drapeaux» paru en 1968. C'est Bruxelles qui irait nous sauver ? On voudrait bien le croire mais quelles en sont les garanties ? Les prix foisonnent en ce moment en Bretagne et Gilles Martin-Chauffier mériterait bien le premier prix dans la catégorie optimisme.
Et si simplement le problème était le vide résultant d'une politique qui dure depuis des siècles, voire des millénaires : ce que le général Custer résumait par «un bon Indien est un Indien mort». Le but ultime de toute colonisation est la disparition physique des colonisés. Tous les rebelles bretons sont morts il y a bien longtemps. Il ne reste que des Bretons culturellement et génétiquement raisonnables. Tous les autres sont morts, crucifiés ou déportés par les Romains, puis massacrés par les Angles, les Saxons, les Francs et les Vikings, enfin décapités sur ordre du roi, puis guillotinés sur ordre de la République. Il ne reste que des gens «raisonnables», les descendants des «raisonnables ». Nous sommes tous des enfants et petits-enfants de raisonnables. Des loyalistes, comme l'étaient nos ancêtres arrivés en Armorique. Ils n'étaient pas tant celtes que cela. C'étaient plutôt des citoyens de l'Empire, bien rangés, romanisés (beaucoup parlaient le latin si on en croit Léon Fleuriot), christianisés et «raisonnabilisés», croyant à un paradis et à la liberté... mais après la mort.
Le grand chef des raisonnables est Jean-Yves Le Drian.
Les rebelles, eux, se sont réfugiés dans une lointaine galaxie. Ils ne sont plus en Bretagne depuis belle lurette.
■Je veux parler des « Peuples et Nations sans Etat » parmi lesquels se trouve notre place, ayant bénéficié d’un Etat indépendant ou autonome pendant un millénaire, puis l’ayant perdu pendant deux siècles avant d’en récupérer une partie notoirement insuffisante par la « régionalisation ».
Ce classement logique nous éloignant définitivement pour le coup des réserves « ethno-régionalistes » et autres définitions tribales où voudraient nous regrouper certains experts jacobins en « communautarismes » et « identitarismes » divers qui, par leurs amalgames infâmants, ne nous veulent évidemment que du bien,
alors que nous aspirons au contraire pour la plupart à la « citoyenneté politique » ouverte de toute entité moderne et rejetons le croupissement d’un isolat ethnique en voie d’extinction que leur terminologie suggère.
Toutefois, s’il est toujours aisé de critiquer l’autre, j’ai noté ici et là dans nos mentalités courantes quelques conditionnements fâcheux me paraissant de nature à savonner la pente de ce lent glissement vers la submersion que subit inéluctablement la périphérie de tout Etat centralisateur.
Et d’abord : la confusion entre inné et acquis.
Car la naissance et le sang ne suffisent pas pour générer un Breton ou tout autre. Il lui faut également un minimum d’imprégnation civilisationnelle ainsi que la conscience et le désir d’appartenance à sa communauté.
Pour le dire sur le mode plaisant (mais forcément réducteur) : autant un nourrisson breton élevé dans une famille et un milieu d’accueil étrangers peut très bien par la suite retourner vers ses origines si on l’instruit de son cas, autant élevé dans le Nord par exemple, il n’hésitera bientôt pas entre un cornet de frites et une crêpe de blé noir. Au mépris du dicton prétendant que « Bon sang ne saurait mentir » il se jettera sans retenue sur le premier.
Mettez-le en Chine et bien qu’issu d’une longue et vorace lignée de crêpivores armoricains, son choix privilégiera le bol de riz, préférentiellement accompagné de baguettes en bambou !
Ceci paraît aller de soi et pourtant la croyance en une « bretonnité plénière automatique » octroyée par la naissance et l’hérédité, empêche certains de se rendre compte de la nécessité absolue de se doter d'institutions politiques particulières pour préserver concrètement l’avenir de ce qu’on croit couler de source pour l’éternité.
Et c’est là qu’intervient la confusion entre nationalité et citoyenneté.
Typée Frenchie, celle-ci vient renforcer la première confusion et accroitre d’autant plus notre indétermination politique que notre longue Histoire reste ignorée des programmes des écoles de la République …
Formée par un peuple millénaire, notre identité est naturellement bretonne. Il en était du moins officiellement ainsi jusqu’à la Révolution puisque l’Ancien Régime nous connaissait sous l’appellation contrôlée de « Nation ou Province réputée étrangère ». Et il en sera virtuellement de même aussi longtemps qu’il y aura - comme les courageux Kurdes - des Bretons conscients de former un peuple spécifique.
Cependant, la Révolution ayant torpillé pour ses grandioses perspectives « national- universalistes » toute identité intermédiaire s’interposant entre l’individu et l’Etat français (bientôt «plus centralisé que la Prusse » comme le notait Tocqueville) l’Etat autonome de Bretagne fut aboli avec son Parlement, tandis que fut démembré et réduit à cinq départements administratifs français, un territoire breton plus grand que la Belgique et plus ancien que la France.
Privée d’existence politique, la Bretagne continua certes à vivre dans les cœurs et les âmes, mais légalement le Breton, au lieu de garder sa nationalité bretonne et d’acquérir la citoyenneté française comme plus tard la citoyenneté européenne, subit une «substitution de nationalité » traumatisante qui le sommait de s’assimiler au modèle français, pour ne pas dire parisien...
Voici donc deux éléments qui, s’ils ne sont bien sûr pas les seuls en cause, me semblent pouvoir quand même expliquer une partie de notre indétermination politique, car officiellement et juridiquement nous ne sommes plus des Bretons, ce qui n’est le cas ni des Québécois, ni des Gallois ou Ecossais, ni des Basques ou Catalans espagnols dont les nationalités sont reconnues par leurs Etats de tutelle.
Et tous ont des mouvements autonomistes, fédéralistes ou nationalistes qui ont percé.
Voici à présent la Corse...
Désolé d'avoir été un peu long, mais on ne pourra pas dire que nous ignorons ce qu’il faut faire pour survivre, quoique peut-être nous faudra-t-il encore nous soumettre à un processus de désenvoûtement collectif à l'égard du centralisme finissant qui nous modèle depuis trop longtemps, afin de nous faire enfin voir où sont nos intérêts véritables.
« Cette fois-ci, je ne me tromperai pas de Patrie ! » disait quelque part Xavier Grall à son retour de la guerre d’Algérie.
Attention à ne pas généraliser trop vite. Les Bretons ont quand même effectué la traversée maritime en apportant leur langue. Par ailleurs, que je sache, la langue grecque était la langue internationale dans toute la partie orientale de l'empire romain, à son apogée. Voir les écrits néo-testamentaires à ce sujet. Et la Bible juivea été traduite en grec (traduction connue sous le nom de Septante) - à Alexandrie, mégapole égyptienne - , plusieurs siècles avant notre ère, bien avant que ne lui succède une traduction latine - révisée et stabilisée pour longtemps, à la fin du IV siècle c'est -à-dire dans l'empire romain finissant, par St Jérôme (traduction connue sous le nom de Vulgate-.
Il semble bien qu'en matière de colonisation, les Romains aient eu l'intelligence politique (à moins que ce ne fut une contrainte pratique?) de laisser vivre les langues des territoires conquis ou sous protectorat. C'est probablement l'une des causes du succès d ela colonisation romaine.
En ce sens, la France ne peut pas à l'évidence être considéré comme un pays «latin». En ce sens de la culture politique, faisant face à la diversité des populations. En ce sens là, il semble bien que l'héritage comportemental et administratif romain ait été perdu.
Qu'en pensent nos universitaires et historiens spécialistes du monde romain antique? Auraient -ils des précisions ou contradictions ou abondements à apporter?
Laouen on oc'h ober gant ur yezh gozhik a-walc'h deuet eus a-bell, eus kof europeek an Douar braz, dre enezenn Breizh.
Bien content de pouvoir m'exprimer dans une langue assez ancienne, issue du ventre du continent européen, et venue jusqu'à nous via l'ile de Bretagne.
Les Bretons de l'émigration étaient des Britto-romains, et la pseudo Armorique = Bretagne n'a strictement jamais existé.
Ce que certains appellent Bretagne historique n'est en réalité que la Bretagne médiévale, créée au XIIè siècle, mais qui n'a presque rien à voir avec les événements de 383, ni avec les migrations des VI, VII, VIII èmes siècles.
Certains voudraient enseigner l'Histoire de Bretagne, qui n'aurait pas été enseignée !
Oui, mais laquelle ? Si c'est pour enseigner une autre histoire aussi fausse, alors autant se contenter de ce qu'on trouve et ce qu'on enseigne actuellement, y compris par ceux qui manipulent les éditions bretonnes.
JC Even