Les Bretons vont-ils disparaître à jamais ?

Point de vue publié le 27/12/15 15:31 dans Politique par Philippe Argouarch pour ABP
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Statue de l'indomptable reine bretonne Buddug (Boudicca en latin, et Boadicea en anglais), la terreur des légions romaines. Statue du pont Wesminster à Londres.

Rien n'est éternel. Même les peuples disparaissent. Les Étrusques ont disparu à jamais avec leur État, leur langue, leur culture. Il ne reste rien, même les noms des lieux sont corrompus au point que seuls les érudits reconnaissent dans le mot Toscane le mot Étrusque. Complètement phagocytée par Rome, une voisine dont la puissance et la richesse étaient basées sur les conquêtes militaires et la réduction en esclavage des autres peuples, l'Étrurie a disparu de la carte.

Le magazine Bretons de janvier 2016 s'interroge à juste titre en titrant "La fin de l'identité bretonne ? " Dans son édito, Didier Le Corre fait un constat amer. Un peu comme Rozenn Milin qui déclarait (voir notre article) : "Autrefois la culture bretonne dans le Léon d'où je viens était très forte, mais les Bretons étaient complexés, aujourd'hui elle a presque disparu mais les Bretons en sont fiers."

Les journalistes de Bretons sont aussi allés interroger au hasard des passants dans les rues de Quimper. Les questions étaient simples, du genre : "Qui était Anne de Bretagne ?" ou "Saviez-vous que la Bretagne a été un État indépendant ?" . Les réponses sont à la fois rigolotes, terribles, désespérantes et choquantes. Le pire c'est que les mêmes personnes auraient sans doute pu vous donner une brève histoire des USA ou les détails de la vie à Versailles sous Louis XIV. Mais sur leur propre histoire, les Bretons sont totalement illettrés !

Des bonnets rouges au ciré jaune

Aujourd'hui les Français aiment la Bretagne, mais tout le monde se fout des Bretons. Nicolas Sarkozy a dit en privé ce que tout le monde pensait tout bas. Il était en campagne, ses conseillers recommandaient une visite du Cross Corsen pour le 1er mai 2007 : "Je me fous des Bretons... Je vais être au milieu de dix connards en train de regarder une carte". Tout est dit.

Certes les Bonnets rouges ont étonné et inquiété Paris mais le sujet de la discorde, l'écotaxe, a été rapidement supprimé, les portiques démontés. Tout est vite rentré dans l'ordre à coups de millions promis. Tout est bien qui finit bien avec Le Drian réélu dans sa baronnie sans même faire campagne. Il n'a même plus besoin d'enfiler son ciré jaune. Juste un malentendu on vous dit. "On vous a compris", a dit Paris. Pour la réunification et pour l'autonomie ou pour le breton, vous défilez sagement dans les rues... c'est cool.. on est content ! On a compris vos priorités. Comme vous êtes gentils pour le reste, on vous retire l'écotaxe. No problem, you are so cool ! Ce qui compte c'est la République, pour l'écotaxe on se débrouillera autrement.

Didier Le Corre compare ces Français qui aiment la Bretagne a des like de facebook. On clique et on oublie. On sourit en fait. Ça ne va pas plus loin.

"Tout le monde sait que les Bretons soufflent dans des binious, savent faire la fête, sont à la fois pudiques, râleurs et sympathiques, disent kenavo pour au revoir, sont fortiches en voile et qu'en Bretagne on trouve des menhirs, des crêpes, du cidre, des cochons, des Bonnets rouges, qu'il y a la mer avec ses grosses vagues et qu'il pleut tout le temps et enfin, ils ont un drapeau, que tout le monde connaît même à Châlons-en Champagne ou à Fréjus, qu'ils le brandissent à la moindre occasion au point d'agacer parfois un peu...". - Didier Le Corre in Bretons de janvier 2016

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Un peuple en voie d'assimilation totale

Pour le reste, c'est-à-dire la réalité, la langue bretonne est en train de disparaître alors que le basque et l'alsacien reprennent souffle. La réforme territoriale a été un pied de nez aux Bretons et aux Nantais majoritairement partisans de la réunification. En politique, le scandale continue et l'absurdité des divisions bretonnes est la risée de tous. Surtout depuis l'apparition de fronts républicains lors du second tour des régionales. Si les citoyens français sont capables de faire un front commun gauche - droite, tous amis, main dans la main, contre le Front national, les Bretons sont, eux, incapables de faire un Front Breton unissant cette même gauche et cette même droite. La gauche française peut voter pour des candidats Les Républicains, même très à droite, mais la gauche bretonne, la gauche militante bretonne, est toujours incapable d'accepter un front commun contre le jacobinisme qui pourtant a signé l'arrêt de mort des identités régionales. Oui vraiment. La République veut bien une Bretagne, une Corse, une Alsace, mais elle ne veut ni Corses, ni Bretons, ni Alsaciens. Devant cette évidence, le rassemblement Oui la Bretagne a été incapable de rassembler et d'aller au delà des clivages ou pas assez si on en juge par les résultats, toutefois meilleurs qu'aux dernières régionales.

Que de balivernes et que de temps perdu. Comme l'avait bien expliqué Me Yann Choucq lors de son discours de remerciement pour le Collier de l'Hermine : "le problème des Bretons, c'est qu'ils sont toujours Bretons et quelque chose d'autre...comme Bretons et de gauche, Bretons et socialistes ou Bretons et écologistes ou Bretons et libéraux ou Bretons et syndicalistes, etc etc...". Paul Molac a tout faux quand il dit dans Bretons "qu'être breton n'est pas un projet politique." Mais si ! C'est exactement le contraire, c'est tout un programme et c'est exactement ce que Gilles Simeoni a proposé en Corse et il a gagné !

Les rebelles sont partis dans une autre galaxie

Pour l'autre Gilles, Gilles Martin-Chauffier, le brillant journaliste de Paris-Match et auteur du "Roman de la Bretagne", un des rares Bretons dépourvus de tout complexe car issu d'une famille de journalistes qui n'a jamais renié ses origines bretonnes tout en ayant combattu dans la Résistance, donc à l'écart de tout soupçon, tout est fini. La Bretagne est morte. Venant d'une famille qui a accepté de délocaliser à Paris par nécessité ou par raison, il déclare dans Bretons : "la Bretagne est morte d'avoir été trop raisonnable". Mais que veut-il dire ? En même temps il réaffirme que la Bretagne va ressusciter... Chauffier croit que l'Europe finira par accomplir l'Europe des régions que demandait Yann Fouéré dans son fameux livre "L'Europe aux 100 drapeaux" paru en 1968. C'est Bruxelles qui irait nous sauver ? On voudrait bien le croire mais quelles en sont les garanties ? Les prix foisonnent en ce moment en Bretagne et Gilles Martin-Chauffier mériterait bien le premier prix dans la catégorie optimisme.

Et si simplement le problème était le vide résultant d'une politique qui dure depuis des siècles, voire des millénaires : ce que le général Custer résumait par "un bon Indien est un Indien mort". Le but ultime de toute colonisation est la disparition physique des colonisés. Tous les rebelles bretons sont morts il y a bien longtemps. Il ne reste que des Bretons culturellement et génétiquement raisonnables. Tous les autres sont morts, crucifiés ou déportés par les Romains, puis massacrés par les Angles, les Saxons, les Francs et les Vikings, enfin décapités sur ordre du roi, puis guillotinés sur ordre de la République. Il ne reste que des gens "raisonnables", les descendants des "raisonnables ". Nous sommes tous des enfants et petits-enfants de raisonnables. Des loyalistes, comme l'étaient nos ancêtres arrivés en Armorique. Ils n'étaient pas tant celtes que cela. C'étaient plutôt des citoyens de l'Empire, bien rangés, romanisés (beaucoup parlaient le latin si on en croit Léon Fleuriot), christianisés et "raisonnabilisés", croyant à un paradis et à la liberté... mais après la mort.

Le grand chef des raisonnables est Jean-Yves Le Drian.

Les rebelles, eux, se sont réfugiés dans une lointaine galaxie. Ils ne sont plus en Bretagne depuis belle lurette.


Vos commentaires :
Samedi 4 mai 2024
Léon FLEURIOT avait parfaitement raison ! C'est pour cela qu'il était diamétralement opposé à la version traditionnelle voyant les Bretons, celtiquement purs (!) venus en «Armorique» pour en chasser les romains et pour la receltiser.

Les Bretons de l'émigration étaient des Britto-romains, et la pseudo Armorique = Bretagne n'a strictement jamais existé.

Ce que certains appellent Bretagne historique n'est en réalité que la Bretagne médiévale, créée au XIIè siècle, mais qui n'a presque rien à voir avec les événements de 383, ni avec les migrations des VI, VII, VIII èmes siècles.

Certains voudraient enseigner l'Histoire de Bretagne, qui n'aurait pas été enseignée !

Oui, mais laquelle ? Si c'est pour enseigner une autre histoire aussi fausse, alors autant se contenter de ce qu'on trouve et ce qu'on enseigne actuellement, y compris par ceux qui manipulent les éditions bretonnes.

JC Even

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