Tomi Ungerer, un auteur et dessinateur mondialement connu a écrit un manifeste pour la langue alsacienne. Le parallèle avec le breton est frappant.
«Alsace, terre battue
La liberté, c'est avant tout le droit de l'individu à sa propre identité. L'égalité c'est l'harmonie entre les différences qui se complèrent. La fraternité se crée dans le respect de l'identité des autres.
Pour le jacobinisme centraliste français avec son idéal de citoyens identiques issus d'un moule scolaire, ceci est anathème !
Pour faire de nous, ALsaciens, une region de Kougelhopfs et de Dumkopfs docilisés, la France de l'après-guerre a commis un assassinat culturel. Par le biais de l'enseignement, elle s'est acharnée à nous déraciner de nos origines qui sont germaniques. Même s'il est préférable que nous soyons les Allemands d ela France plutôt que les Français de l'Allemagne, nous n'en sommes pas moins stigmatisés, nous sommes les Ploucs am Rhein, jadis tout simplement des sales boches !
Ceci a changé avec le rapprochement franco-allemand, un miracle historique sans précédent et de plus avec une Europe intégratrice. Je ne dis lus que l'Alsace c'est comme des cabinets, toujours occupée... La décentralisation en France a fait des progrès.
L'alsacien est une langue alémanique analogue au vieil allemand. Nulle part en France vous ne trouverez des localités dcomme Ichtrazheim ou Souffelweyersheim heuresement intraduisibles, comme Rappschwihr donc Rappelsweiler gallinisé en Ribeauvillé.
De la langue d'Oc, celle de Mistral, premier Prix Nobel de Littérature, il ne reste qu'un cours asséché à la faculté d'Hex en Brofence. Il n'en reste que l'accent du midi.
Ce destin nous est-il réservé ?
C'est la dernière chance pour que eles Alsaciens de souche et même de couche, adaptés et donc adoptés, trouvent enfin le courage d'affirmer et de se battre afin de préserver notre particularisme sans le mettre en conserve.
Malgré les directives européennes, la France rébarbative s'obstine à ne pas reconnaître officiellement l'existence de notre parler.
De tous les organes humains, la langue rose et sans rides est la seule qui garde sa fraîcheur jusqu'à la mort (avec un peu d'effronterie, je l'espère).
Cette langue si précieuse a été réduite en état de limace par une république qui sous forme de »libération« a tout fait pour nous débarrasser de notre vice ancestral, considéré comme un charabia incompréhensible aux oreilles de nos aliborons républicains.
Pour ma part, j'ai toujours été fier de mes horichines, de mon haxan, je suis un fidèle Halsachien.
J'aboie en allemand, je jappe en français et je grogne en alsacien et si je grogne, c'est aussi pour mordre les fesses d'une Marianne gallinacée qui nous impose avec arrogance, sa suffisance et son dédain. J'en éprouve de la tristesse, de la colère et du dégoût.
Strasbourg est le sphincter de la France et nous sommes les premiers à être les témoins de ses indigestions.
L'Alsace située dans son colon est bien colonisée, intestinalement parlé, les Français sont de l'intérieur et nous du postérieur.
Je ne monte pas à Paris, j'y descends.
Avec l'indécence d'être ce que je suis.
Je fais appel aux Halsachiens de former une meute, sans émeutes, mais dans une dignité ferme et imperméable pour sauver les quelques beaux restes qui s'étiolent.
Pour cela, commencez à parler l'alsacien avec vos enfants. Parlez-le entre vous et soutenez les institutions qui l'enseignent. L'allemand figure dans l'enseignement primaire. Il faut poursuivre les efforts dans ce domaine. De l'alsacien à l'allemand il n'y a qu'un changement de prononciation. Et nous savons que le bilinguisme est un atout primordial surtout en considérant notre proximité économique avec nos voisins.
Cela suffit gomme ça pour le moment.
Si l'Alsace est une terre battue par l'histoire, ce n'est pas à nous de nous laisser abattre.
Une terre battue n'en reste pas moins labourable.
Ceci dit, en mémoire de Germain Muller et Adrien Zeller qui comme beaucoup d'autres se sont engagés pour notre région.»
Tomi Ungerer
A Strasbourg, le 7 septembre 2009.
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