Les Bretons sont-ils des héros ?

Chronique publié le 13/12/15 0:12 dans Histoire de Bretagne par Frédéric MORVAN pour FM
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Les Bretons 1870-1970, l'esprit valeureux, l'âme fière, chez Michel Lafon, toujours en vente http://www.michel-lafon.fr/livre/1461-Les_Bretons_-_L_esprit_valeureux_et_l_ame_fiere_1870-1970.html

Les Bretons sont-ils des héros ? Je l’espère bien puisque je suis breton. Tout le monde aime les héros et les héroïnes. Et Dieu sait qu’il y en a eu beaucoup en Bretagne, qu’il y en a aujourd’hui et qu’il y aura encore. Beaucoup sont célèbres, voire très célèbres dans le monde entier.

Parmi les politiques, on trouve Nominoë, ce souverain breton du IXe siècle qui imposa sa volonté aux empereurs carolingiens, bien sûr la duchesse Anne de Bretagne (morte en 1514), mais aussi Du Guesclin, Clisson, Arthur de Richemont, trois connétables de France du Moyen Age qui jouèrent des rôles majeurs pendant la Guerre de Cent ans. On peut rencontrer aussi le nantais Aristide Briand, ministre et prix Nobel de la paix, qui mit fin à la querelle de la Séparation des Eglises et de l’Etat, René Pleven qui après la Seconde guerre mondiale, avec le fameux CELIB, permit à la Bretagne de renaître et de se moderniser. Les explorateurs et navigateurs sont tellement nombreux qu’on a du mal à choisir : Jacques Cartier (qui découvrit le Québec), les corsaires Surcouf, Duguay-Trouin, La Motte-Picquet, le second de Bougainville, Fleuriot de Langle. Parmi les scientifiques, on peut compter comme héros Laennec, médecin, Fulgence Bienvenüe (l’ingénieur du métro parisien) ou le toujours vivant Yves Coppens (celui qui découvrit Lucy). Il faut aussi mentionner parmi les héros de la littérature les Bretons Châteaubriand, Théodore Botrel, Anatole Le Braz, Pierre-Jakez Hélias, La Villemarqué et combien d’autres. Sans le courage et le talent de Glenmor et du toujours dynamique et très précieux Alan Stivell, où en serait la culture bretonne ?

Les héros et héroïnes bretons et bretonnes sont si nombreux que l’on peut se demander si le comportement héroïque n’est pas intégré dans les gènes des Bretons. Certains mentionnent aujourd’hui que leurs votes constituent sans doute l’élément déterminant de la stabilité de la République. Ce matin, on m’a encore dit que les Bretons étaient légitimistes, qu’ils n’aiment guère le changement. Et pourtant, ils sont à l’origine des mouvements de bonnets rouges de 1675, de la fin des Privilèges dans la nuit du 4 au 5 août 1789, de l’avènement de la Ière République en 1792, de mouvements sociaux très importants à la fin du XIXe siècle (à Douarnenez, à Brest, à Saint-Nazaire, à Fougères), des graves querelles scolaires et religieuses de la fin du même siècle, des crises légumières des années 1960, et plus récemment des Bonnets rouges. Bref, il ne faut pas trop généraliser. La Bretagne est vaste, plus vaste que la Belgique. Et comme les Belges, les Bretons sont divers.

Ce qui peut paraître étrange lorsque l’on regarde la vie politique bretonne, c’est que les Bretons semblent ne guère apprécier les changements brutaux ou les extrémismes. La Chouannerie a été très importante en Bretagne. Le général Boulanger, pourtant rennais, y a eu peu d’appuis. Si le capitaine Dreyfus a été jugé à Rennes, son Affaire n’a pas déclenché les mêmes passions que dans le reste de la France. Le socialisme et surtout le communisme n’y rencontrèrent pas un succès prodigieux, même si leurs plus importants leaders entre les deux guerres et même après la guerre étaient bretons. Pourquoi ce décalage ? Difficile à dire. Pendant des siècles, du XIe siècle à la Révolution et même après, il y avait deux « souverains » en Bretagne : d’un côté, les ducs puis les rois et de l’autre, les prétendants, ce que l’on nomme les Penthièvre, puis les Etats de Bretagne réunissant des nobles bretons. Leurs querelles souvent violentes peuvent avoir été à l’origine de cette volonté de stabilité.

En fait, rien n’est simple lorsque l’on parle d’une population qui compte presque dix millions de membres, en Bretagne et hors de Bretagne, lorsque l’on parle d’une histoire riche, complexe et héroïque.