Le 15 octobre, le Conseil Régional de Bretagne devra prendre la décision de signer ou non la Convention spécifique pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne (2015-2020).
Nous avons porté une attention particulière à la partie concernant l'enseignement de la langue bretonne. Nous constatons une volonté de consolider ce qui a été fait jusqu'à présent mais nous déplorons le manque d'ambition de ce texte.
Nous avons noté quelques points qui nous semblent flous tels que :
« L'Etat affirme sa volonté de continuer à progresser dans la voie de la parité horaire. Pour y parvenir, une cohérence géographique des trois réseaux (enseignement public, enseignement privé catholique, Diwan) dans le respect des différents réseaux, pourra faire l'objet d'une concertation, l'objectif étant d'obtenir un nombre suffisant d'élèves par niveau pour atteindre la parité horaire dans les disciplines enseignées en breton. »
Premièrement, nous défendons, non seulement une parité « horaire », mais aussi une parité de niveau. Nous voulons que les élèves de la filière bilingue publique soient aussi capables en breton qu'en français. Div Yezh Breizh soutient l'exigence d'un enseignement de qualité, tout autant en breton qu'en français. Pour mettre en ½uvre cette exigence il faut que les enseignants puissent dépasser cette parité horaire en faveur de la langue bretonne. L'exposition à la langue n'étant pas suffisante en dehors de l'école.
Deuxièmement, nous constatons dans ce paragraphe un mélange entre la volonté de la parité horaire et une mutualisation des moyens. Nous défendons la filière bilingue publique et nous savons d'expérience que les parents choisissent une filière en fonction de leurs convictions. Les parents qui inscrivent leurs enfants dans une filière bilingue publique ne les inscriraient pas forcément dans une autre filière bilingue. Et bien que nous défendions d'abord l'école publique, nous sommes pour une liberté de choix. Nous ne comprendrions pas que l'on refuse l'installation d'une filière bilingue privée associative ou catholique dès lors qu'une filière bilingue publique existe ; tout comme nous ne comprendrions pas un refus d'ouverture d'une classe bilingue publique sur les mêmes bases.
Enfin, nous peinons à comprendre le concept de parité horaire par développement des trois filières pour atteindre la parité horaire des disciplines enseignées en breton. S'agit-il d'un point sur le développement des pôles qui requiert un nombre d'élèves suffisant pour ouvrir des sections bilingues à parité horaire dans le secondaire ? S'il s'agit de cela, en quoi cela concerne-t-il les autres filières ?
Nous déplorons le manque d'ambition dans l'augmentation du nombre de postes d'enseignants qui pourrait atteindre les 20 % à terme lorsque celui-ci est de 50 % en Corse, par exemple. Augmenter significativement ce nombre serait un signe politique fort de la part de l'Éducation Nationale : nous avons besoin d'enseignants et sommes en mesure de chiffrer précisément le déficit actuel.
Dans cette perspective, et nous le défendons depuis plusieurs années, une réforme du CRPE comme du CAPES est indispensable. Nous avons proposé qu'une épreuve en langue bretonne soit obligatoire, au moins au CRPE. Les étudiants qui se destinent à enseigner en Bretagne pourraient se former en 9 mois auprès de l'un des centres de formation qui ont développé leur offre de formation longue, s'ils ne proviennent pas de la faculté de breton et celtique. L'autre possibilité serait de réformer la formation des maîtres de manière à introduire des modules obligatoires de culture et langue bretonnes dès l'entrée en licence. La France pourrait suivre le modèle le plus répandu en Europe, à savoir une formation simultanée en alternance, avec un recrutement des futurs enseignants dès l'obtention du baccalauréat et non plus après un BAC+3. Cela serait sûrement possible si l'éducation était sous la responsabilité de la Région.
Dernier point concernant la formation, nous avons félicité le Conseil Régional lors de la mise en place des bourses Skoazell et Desk. Il est regrettable de voir que les aides diminuent, bien que nous comprenions que le budget régional soit fortement impacté par le désengagement de l'État dans les dotations des collectivités locales. Il apparaît essentiel de maintenir un niveau élevé d'aide financière afin de maintenir son caractère incitatif.
Nous pointons également du doigt le seuil de 15 élèves de 3 ans pour l'ouverture d'un nouveau site. Ce seuil, qui n'a guère d'existence que dans l'académie de Rennes, est trop arbitraire et ne prends pas en compte la diversité de réalités locales. Si nous voulons pouvoir développer l'emploi de la langue bretonne en Bretagne, nous devons pouvoir ouvrir des nouveaux sites en deçà de ce seuil. Nous ne pouvons accepter qu'il soit inscrit dans une quelconque convention, nous privant de tout pouvoir de négociation avec le rectorat.
Outre le seuil de 15 élèves, la convention ne propose aucune simplification des ouvertures. Le système actuel requiert de demander l'avis de la mairie, de l'équipe enseignante, etc. (circulaire 2001-167), ce qui pose parfois problème. Nous demandons que, dès lors qu'il y a demande parentale significative, elle soit inscrite à la carte scolaire pour une ouverture à la rentrée scolaire suivante.
Enfin, nous souhaiterions que tous les élèves du premier degré, hors filière bilingue, bénéficient d'un enseignement de 3h de la langue bretonne comme cela se fait en Corse.
Nous avons noté les efforts du Conseil Régional en termes de politique linguistique lors de son mandat. Nous ne doutons pas que ce texte, plutôt a minima, ait été dicté par un État qui a décidément du mal à s'engager en faveur des langues de France. Nous demandons aux conseillers régionaux de ne pas voter en faveur de cette convention. Nous demandons à l'ensemble des élus de la collectivité régionale d'élaborer un texte plus ambitieux qui pourra faire progresser la transmission et le développement de la langue bretonne en Bretagne... à 5 départements, évidemment.
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