OUI la BRETAGNE, NON la FRANCE ?

Chronique publié le 9/09/15 22:57 dans Politique par Yves-François Le Coadic pour Yves-François Le Coadic

« OUI la BRETAGNE » est le slogan de la plate-forme politique qui s'est constituée en vue des prochaines élections régionales de la région administrative Bretagne. Cette assertion « Moi aussi, je dis OUI la Bretagne ! » se veut, pour ceux et celles qui le diront une affirmation sincère de l'existence réelle de la région Bretagne et de la croyance à cette réalité. Mais, la région Bretagne étant partie de l'ensemble France, elle peut entraîner logiquement l'assertion complémentaire, proposition négative cette fois, « NON la FRANCE ».

L'affirmation « OUI la BRETAGNE » peut réunir, comme semblent le souhaiter les promoteurs de cette liste, essentiellement les régionalistes, partisans de la régionalisation du territoire. Revendiquant une dévolution de certains pouvoirs, le (la) régionaliste vise à remplacer le personnel politique actuel jugé avec raison trop centraliste. Mais cette affirmation peut être aussi partagée par les fédéralistes, les autonomistes et les indépendantistes. Si les premiers sont des régionalistes un peu plus audacieux, les deux dernières catégories sont plus radicales. Autonomistes et indépendantistes revendiquent en effet la reconnaissance de l'existence d'un peuple spécifique et ont l'objectif politique d'instituer un État souverain ou du moins de se constituer en structure politique autonome. Il est évident pour ces derniers que ce n'est pas la seule formulation « OUI la BRETAGNE » qui les rallie mais la formulation « OUI la BRETAGNE, NON la FRANCE ». Ce sont des gens qui savent ce qu'ils veulent et qui savent ce qu'ils ne veulent pas.

On peut s'interroger sur le choix qui a été fait par cette plateforme politique de ne retenir que ce concept de régionalisme dont la pertinence pour la Bretagne est faible. Il y a en Bretagne une forte identité collective bretonne. Il y a chez les gens un fort attachement émotionnel et des composantes culturelles et linguistiques fortes. Or, la région, en France, c'est une construction administrative bureaucratique, résultat d'une dissection géographique, jeu de l'esprit de quelques hauts fonctionnaires. Prisonniers de la géographie administrative, après avoir disséqué la France en ses départements à noms de rivière, ces mêmes arithméticiens se sont mis à les agréger dès 1960 et à nouveau cette année dans des ensembles régionaux incohérents ; sans tenir compte de l'irréductible originalité d'ensembles territoriaux à la personnalité fondée historiquement et possédant souvent, par surcroît, une homogénéité géographique. La raison d'être de la régionalisation à la française, cette fameuse décentralisation, serait d'abord de réduire le mille-feuille administratif et de favoriser le développement économique régional, les développements culturels et linguistiques restant secondaires. Plus inquiétant, le régionalisme sert d'appui en France à des manipulations territoriales identitaires comme celle qui est faite dans la région administrative des Pays de la Loire pour forger à coup de millions d'euros une identité ligérienne. Il est aussi mobilisé dans les Etats membres de l'Union Européenne pour associer les nouvelles identités religieuses et ethniques en quête de territoires. La récupération qu'en fait la religion musulmane en Europe sous la houlette de T. Ramadan est à cet égard instructive.

La nécessité de trouver en France un autre terme que les termes d'autonomisme ou d'indépendantisme pour décrire la fidélité aux nations Alsacienne, Basque, Bretonne, Catalane ou Corse conduit à utiliser un nombre de termes de substitution, comme par exemple, les loyautés infranationales, le pluralisme ethnique et bien sûr le régionalisme. Alors que pour l'Ecosse, la Catalogne ou le Québec, on soutient ouvertement la nécessité de l'indépendance! Décrire des mouvements nationaux comme étant des «régionalismes» est donc très pernicieux. L'un des membres de la plateforme semble l'avoir compris en déclarant: «Nous revendiquons le droit à une différenciation au sein de la République, et si nous ne l'obtenons pas, nous demanderons l'indépendance».

Donc OUI la BRETAGNE, NON la FRANCE !

Et OUI l'EUROPE.


Vos commentaires :
leguern patrick
Jeudi 26 décembre 2024
«Nous demanderons à RE TROUVER notre indépendance» aurait été une formulation plus adéquate

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