L'Ile de Man est sans doute la nation celtique la moins connue en Bretagne. Et pourtant, cette île de la mer d'Irlande et ses 85 000 habitants sont représentés à Lorient depuis les débuts du Festival. De tradition gaélique à l'instar de l'Irlande et de l'Ecosse, l'Ile de Man jouit d'un statut de quasi-indépendance ne relevant en principe que directement du souverain britannique au titre de «Lord of the Isle», n'étant membre ni du Royaume-Uni ni de l'Union européenne.
Cette année, l'Ile de Man partage avec la Cornouailles le statut d'invité d'honneur au Festival interceltique de Lorient. C'est dans ce cadre que nous avons pu poser quelques questions à Phil Gawne, ministre du gouvernement manxois en charge des infrastructures et président de Culture Vannin.
JYLT : Que représente pour vous cette présence manxoise au Festival interceltique de Lorient ?
Phil Gawne : Cette opportunité de partager le statut d'invité d'honneur est un grand privilège pour l'Ile de Man et je dois dire que j'y ai travaillé depuis la première fois où j'ai participé au Festival il y a trente ans alors que j'étais encore étudiant. C'est une chance extraordinaire de présenter et de promouvoir notre petite nation insulaire aux centaines de milliers de visiteurs. Et c'est une superbe occasion pour nos danseurs, musiciens, artistes et aussi producteurs de présenter leur savoir-faire dans le cadre d'un évènement international.
JYLT : Les contacts avec les autres pays celtiques sont-ils importants pour vous et comment souhaitez-vous les développer ?
Phil Gawne : Ces relations avec les autres pays celtiques ont une importance fondamentale pour l'Ile de Man. L'Écosse et l'Irlande nous ont beaucoup aidés pour maintenir et développer notre langue manxoise d'origine gaélique ainsi que notre musique traditionnelle. Le Festival de Lorient,lui, nous a ouvert de nombreuses portes pour exporter nos artistes mais aussi nos productions agro-alimentaires comme les fromages d'Isle of Man Creameries et nos produits de la mer avec les superbes Manx Queen scallops.
Nous avons des liens très étroits avec nos cousins gaéliques d'Écosse et d'Irlande et nous sommes membres de nombreux organismes et associations de promotion des langues gaéliques. Nous participons à de nombreuses rencontres sur ce sujet. Par ailleurs, nous participons au British Irish Council (note JYLT: Conseil qui rassemble tous les gouvernements des états et régions autonomes des îles britanniques,Irlande, Irlande du nord, Écosse, Pays de Galles, Grande-Bretagne, Iles de Man, Guernesey et Jersey, conseil mis en place après la signature des accords de paix en Irlande du Nord dits du «Vendredi Saint» en 1998 ), ce Conseil ayant une compétence spécifique consacrée aux langues traditionnelles des pays membres.
Dans le domaine musical, nous participons régulièrement aux festivals nationaux écossais, irlandais et gallois et bien entendu à l'incomparable Festival Interceltique de Lorient. La qualité de nos musiciens atteint désormais le niveau professionnel après des années d'investissements personnels et de soutien d'organismes comme celui que je préside, Culture Vannin.
Culture Vannin est le principal financeur de notre présence cette année au festival de Lorient et joue un rôle très actif dans les programmes de développement à destination des jeunes musiciens, chanteurs et danseurs.
JYLT : Quelle est la situation actuelle de la langue et de la culture manxoises ?
Phil Gawne : Il est vrai et triste à la fois de constater que notre langue manxoise n'est utilisée que par une petite minorité des habitants de Man. Ceci dit, il y a une demande croissante et un véritable enthousiasme parmi les plus jeunes générations pour tout ce qui touche à la langue et à la culture manxoises ; c'est d'ailleurs l'un des buts principaux de Culture Vannin. Depuis 2001, l'histoire, la culture et la langue manxoises font partie des programmes de nos écoles. Nous avons une école primaire gaélique, Bunscoill, dont j'ai d'ailleurs aidé à la création, et cette école a permis à l'UNESCO de créer une nouvelle catégorie «langue en voie de renouveau» dans son classement mondial des langues et d'y inclure le Manxois. Auparavant, notre langue était considérée par l'UNESCO comme «disparue» mais lorsque les enfants de Bunscoill ont écrit en manxois à l'UNESCO pour demander le changement de classification, les autorités concernées ont du créer une nouvelle catégorie, le Manxois devenant ainsi la première langue au monde sortant de la catégorie «disparue» et requalifiée «en renouveau» ......
JYLT : Quel regard portez-vous sur les processus de dévolution en Ecosse et au Pays de Galles ?
Phil Gawne : En un sens, l'Ecosse et le Pays de Galles rattrapent leur retard sur l'Ile de Man mais la marge reste considérable en terme de libertés institutionnelles: l'Ile de Man est une nation pratiquement indépendante dans tous les domaines si ce n'est pour les affaires étrangères et la politique d'immigration. Cette évolution institutionnelle chez nos voisins est passionnante et nous concerne directement vu nos liens culturels, linguistiques et commerciaux. Nous travaillons en bonne entente avec les gouvernements écossais et gallois.
JYLT: Quel message souhaitez-vous porter à travers cette Année de l'Ile de Man (et de la Cornouailles) ?
Phil Gawne : L'Ile de Man est présente à Lorient depuis la première édition du Festival interceltique et nous en sommes très fiers. C'est vraiment un grand festival et nous sommes particulièrement honorés d'avoir été choisis avec nos cousins celtiques de Cornouailles comme invités d'honneur cette année. Nous espérons que tout le monde viendra visiter notre pavillon et apprécier notre musique, notre cuisine, notre culture et les paysages de notre magnifique île indépendante.
JYLT : Merci et très bon festival !
A voir le site de Culture Vannin: (voir le site)
A voir l'interview du président du Cornwall Council :
A voir mon blog Tanwezhen : (voir le site)
■Ceci dit, en ce qui concerne l'Île de Man, il faut bien dire que la Bretagne est bien loin et ne représente pas grand-chose pour l'île de la Mer d'Irlande, si ce n'est justement le Festival interceltique...
Pour la Cornouailles, on dirait que la Bretagne se limite au Finistère .
Deux explications possibles: d'une part, la Bretagne ne fait pas partie du «premier cercle» celui des pays des îles britanniques anglophones, d'autre part, la Bretagne n'existe quasiment pas en terme institutionnel et n'a quasi aucune présence en tant que telle dans les pays celtiques outre-Mer de Bretagne (Manche).
Concernant le Festival interceltique, il est facile de le charger de tous les maux mais sans lui, nos liens avec les autres pays celtiques seraient quasi inexistants ou réservés à une petite minorité militante.
Pour finir sur note positive, grâce à notre langue et à notre histoire, la Bretagne est considérée comme un pays celtique même si le fait d'être englobé dans un état dénommé France plombe sérieusement la reconnaissance de la Bretagne à l'international.