Napoléon Bonaparte, ce mauvais génie français.....

Chronique publié le 20/06/15 14:51 dans Histoire de Bretagne par Jacques-Yves Le Touze pour JYLT
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Des troupes écossaises lors de la reconstitution de la bataille de Waterloo en 2015.

Nous voilà donc deux cents ans après la bataille de Waterloo qui vit la fin de l'aventure napoléonienne, aventure qui aura coûté en 20 ans entre 2,5 et 3,5 millions de morts à travers l'Europe ( soit proportionnellement l'équivalent de nos jours entre 12 et 16 millions de morts...) .

Je ne vais pas revenir sur le déroulement de cette journée décisive pour l'Europe mais plutôt partager quelques réflexions sur ce phénomène "Napoléon" qui n'en finit pas de faire parler de lui et qui aura marqué de façon profonde la mentalité française.

"Dictateur ? oui mais ...."

L'autre samedi, nous nous promenions à Concarneau dans le village partenaires de la course du Figaro et sur le stand justement du Figaro, le vendeur haranguait le chaland pour vendre Le Figaro-magazine de la semaine consacré d'un côté à Concarneau et à la Cornouaille et de l'autre à Napoléon. Ayant décliné son offre du fait de la présence du "petit Caporal", le vendeur de dire "Oui, c'est vrai, c'était un dictateur mais il a fait le Code Napoléon" .....

Jeudi dernier, dans une interview donnée à BFMtv, Jean-Yves Le Drian se trouve bien ennuyé pour parler de Napoléon tout en soulignant ce qu'il a apporté à la législation et à l'état. Voir ici son interview. .

Autre exemple de cette attitude mi-gênée, mi-admirative, Laurent Joffrin, directeur de Libération, ce jeudi matin sur Radio Classique, qui dénonce en Napoléon le dictateur pour dire quelques minutes plus tard que ce Napoléon était quand même dans le camp des "progressistes" ..... Fermez le ban !

Ce ne sont que 3 exemples de réactions qu'ont la plupart des Français quand on leur parle de Napoléon. Une ambiguïté teintée d'admiration et de gêne tout à la fois .

Louis XIV, Napoléon, Jules Ferry, même combat !

C'est que le Corse est entré dans la mythologie nationale française aux côtés d'un Louis XIV ou d'un Jules Ferry, personnages qui incarnent "l'Etat" , "L'Etat" en France , c'est quasiment "l'Etre suprême" de Robespierre, tout au service de l'Etat, chacun au service de l'Etat, de sa gloire, de sa puissance. Que Louis XIV ait été un véritable despote qui a porté la guerre au nord, au sud, à l'ouest et à l'est de son royaume tout en le ruinant, pas grave..... Que Napoléon ait mis l'Europe à feu et à sang, pas important..... Que Jules Ferry ait été un thuriféraire de la colonisation, ce n'est qu'un détail ..... Seule compte la grandeur de la France.

Nous payons encore et toujours cet état d'esprit de nos jours au prix d'une démocratie en grande partie théorique bien loin des démocraties réelles que l'on trouve dans d'autres pays européens. Les exemples ne manquent pas dans les quelques années passées où l'on constate que le citoyen ne compte pas vraiment, que les corps intermédiaires restent faibles, que les contre-pouvoirs sont quasi-inexistants. En résumé, l'Etat créé et conforté par des hommes comme Louis XIV, Napoléon ou Jules Ferry perdure avec ses centres de décision hyper-centralisés où la mentalité "au service de l'Etat" prédomine toujours alors que ce devrait être "l'Etat au service des citoyens"....

Et la Bretagne dans tout ça ?

Eh bien, il est bon de rappeler que les Bretons, en tout cas une partie d'entre eux, face à ces absolutismes qu'ils soient royaux, impériaux ou républicains, se sont montrés souvent de "mauvais citoyens" renâclant face aux décisions de ces pouvoirs entrant en conflit avec les réalités économiques, sociales, culturelles ou linguistiques vécues en Bretagne. On pourrait résumer par une formule du genre "des Bonnets rouges de 1675 aux Bonnets rouges de 2013", une sorte de rébellion rampante qui aura valu à ces Bretons d'être régulièrement réprimés ou voués aux gémonies par la pensée dominante (bande d'arriérés, de chouans, de ploucs, de nazis, de suppôts du grand capital et de l'Europe, au choix suivant les différentes périodes considérées...) .

Pour en revenir à Napoléon

Dictateur, il fut, dictateur il reste malgré ci ou malgré ça . Comme pour d'autres personnages dictatoriaux, "on" lui trouve des choses positives , le "Code Napoléon" par exemple, comme pour Mussolini l'assèchement des marais du Pô, Hitler les autoroutes, etc etc... Du point de vue français "officiel", c'est la mise sur pied d'un état fort qui reste le point positif de ce dictateur militaire et en cela, il est le digne continuateur d'un Louis XIV ou d'un Richelieu. Arrivé au pouvoir sous la menace des armes, Napoléon a fait de la France une sorte de caserne doté d'un système de gestion très organisé et au service d'un petit nombre de gens concentré à Paris. L'Etat français actuel en a hérité son système administratif et une vision peu démocratique des choses. Heureusement, la Bretagne continue à rejeter consciemment ou inconsciemment ce carcan jacobin bonapartiste mortifère, et la construction européenne et la globalisation affaiblissent ce "modèle". Il est grand temps que nous nous débarrassions enfin de cet héritage malsain qui s'est imposé au fil des siècles. Et que l'on ne croit pas que les choses aient véritablement changé: il suffit de voir le sort réservé à nos langues, la partition de notre territoire.....

Pour conclure

Pour conclure ce billet d'humeur, 4 points :

- le 24 décembre 1800, Cadoudal a failli mettre un terme à la carrière du dictateur Bonaparte lors de l'attentat de la rue Sainte-Nicaise, ce qui aurait sans doute évité la série de désastres humains qui suivit durant 15 ans. .

- le 10 juin 1815, soit 8 jours avant Waterloo, près de 10 000 hommes dont les collégiens de Vannes, battent les Impériaux à Muzillac.

- le 18 juin 1815, les Impériaux de Napoléon sont battus à Waterloo par les Anglo-Brittaniques et les Prussiens. Les Britanniques sont sous le commandement du Duc de Wellington dont le nom est Arthur Wellesley. Né à Dublin (où se trouve actuellement le Merrion Hotel pour ceux qui connaissent la capitale irlandaise), il est issu d'une famille de la gentry anglo-irlandaise implantée à Trim dans le comté de Meath, au nord de Dublin. Ses troupes à Waterloo sont composées de près d'un tiers d'Irlandais, le reste regroupant Écossais, Gallois et Anglais. Bien que profondément conservateur, Wellesley s'opposa à la dissolution du Parlement d'Irlande en 1801 et aux lois discriminant les catholiques. Ami de Daniel O'Connell, le "Libérateur", il fait voter en 1829 la Loi d'Émancipation qui redonne une grande partie de leurs droits aux catholiques irlandais et britanniques.

- les 6 et 7 juin derniers, Pontivy a fêté Napoléon .... Quand le ridicule et l'inculture se conjuguent, ça donne ce genre d'événements.... Juste pour mémoire, Napoléon a transformé Pontivy en place-forte militaire pour mâter ces rebelles de Bretons et 200 ans plus tard, on fête le dictateur sans rien mettre en perspective historique.... Pitoyable.....


Vos commentaires :
Mardi 7 mai 2024
@MANSKER
«Dans le marasme d'après la révolution, on peut considérer que cela était fort utile voire nécessaire.»
On ne va pas refaire l'Histoire mais on peut aussi penser que le marasme est un petit peu de la faute des plus forts partisans d'un Etat fort et centralisé.
Si on avait écouté un peu plus un Condorcet, on l'aurait peut-être évité ce marasme.

«Pour preuve, il suffit de voir que même les dictateurs ont toujours leurs gruppies : Franco en Espagne, Mussolini en Italie, Adolf en Allemagne, Napoléon en France, Kim jong en Corée du Nord, Mao Ze Dong en Chine, Staline en Russie, etc...»
On n'a pas la même définition de preuves.
Au mieux, cela démontre qu'il reste toujours quelque chose du travail de propagande.

Les groupies d'Adolf en Allemagne ne sont pas plus nombreuses qu'en France ou ailleurs dans le monde blanc (voir le monde en général, on en trouve en Israël, et pas seulement des Arabes).

En Corée du Nord, ce n'est pas pour des raisons d'éventuelles réussites, c'est qu'il n'y a personne d'autres à admirer.

Mao, c'est évident parce la Chine a récupéré la place qui était la sienne et que la dictature communiste s'en ai toujours servi depuis sa disparition comme celui qui vendait un rêve égalitaire (et si les classes populaires chinoises ne sont pas complètement naïves face aux inégalités, leurs relatives améliorations de conditions de vie leur font encore croire que c'est possible, au moins pour leurs enfants).
Alors que la Chine moderne, c'est Sun Yat-sen et Den Xiao Ping (durant la Révolution et au pouvoir) et que Mao a la plupart du temps été assez catastrophique. Son avantage est aussi que la Chine était encore semi-féodale et anarchique. On est à des lis de l'Occident pour pouvoir comparer.

Staline est réhabilité (parce qu'il a bien été critiqué et mis au placard) pour son aura militaire.

Le point commun de la Russie et de la Chine est que ce sont deux Etats modernes jeunes. Leurs figures dictatoriales sont arrivées à mi-chemin d'un processus et ils en ont profité. Vu les résultats, la figure de Mao me semble plus incontestée que celle de Staline (mais je ne connais pas assez ces deux pays).

Mussolini, c'est un peu la même chose. L'Italie est jeune et il est le premier à l'avoir concrètement centralisé. Il a pour lui aussi la chance: l'apparition d'Hitler a fortement relativisé sa brutalité. Son incompétence militaire en a bénéficié, on en parle pas (la colonisation éthiopienne par l'Italie est sûrement le seul exemple d'échec lamentable d'une puissance européenne en Afrique, même la Belgique a fait mieux... ok, les Ethiopiens et la corne de l'Afrique, fallait peur-être vouloir si frotter).
Mais une grosse part du boulot a été faite avant lui aussi.

L'Espagne moderne, c'est un sacré boxon constitutionnel, ils ont tenté beaucoup de choses et Franco a, pour beaucoup, essentiellement ramené la stabilité et la paix.

Non, il n'y a pas de grands hommes qui peuvent amener les Nations à se surpasser. Il y a, au mieux, des circonstances et surtout, chaque Nation a les leaders qu'elle mérite. C'est la Nation qui produit un grand homme, pas l'inverse. Et certainement pas le pouvoir absolu.
Washington, Churchill, De Gaulle (même si c'est plus relatif) brillent largement autant dans leur pays respectif que les exemples que vous avez donné.

A mon sens, le problème est que si l'Occident n'a plus de bons «chefs», c'est à cause des circonstances.
Les esprits brillants sont dans l'entreprise et citoyens du monde.
Regardez Pinault. Bolloré est un tout petit plus enraciné. Le mieux que l'on ait dans le domaine, c'est Troadec. S'il est sympathique et malin, il n'est pas non plus assez brillant pour en espérer beaucoup plus que de secouer un peu les puces, pas assez pour tenir en laisse.
On n'a plus les numéro 1 en politique.
Si on veut attraper les numéros 2 (là, on a au mieux les numéros 3, et je suis optimistes), pour espérer qu'ils veulent se faire les 1, il faut réactiver le contrat social et rebooter les institutions démocratiques. Il faut vendre un idéal.
Et se trouver un ennemi: l'ultralibéralisme économique et sociétale.
Après, où définir le curser ? Enfin certainement pas à la coco ou fasco.
Pour moi, très grossièrement (je n'ai pas la prétention de définir un programme sur quelque chose d'instinctif ou même qu'on puisse en tirer un programme substantiel) c'est à un niveau charnel: c'est-à-dire s'opposer frontalement aux groupes agros, aux nouvelles technologies et à l'organisation étatique qui se borne à la fonction policière.

Il faut vendre du citoyen local, le national et le mondial ne marchant plus. Malheureusement, le continental a pris cher récemment, c'est un drame. Il se couple pourtant bien avec le niveau local, et par extension régional (avec conscience du monde, l'esprit humain doit quand même se raccrocher à un grand espace).
Et prévenir les nouvelles inégalités sociales qui ne vont pas tarder à apparaitre (à la Huxley ou Gattaca pour aller vite).
Ce qui passe aussi par le charnel et donc les vieilles traditions ancrées, dont les religions, qui doivent être préservées mais de façon positive. Pas «parce que c'est notre culture, notre patrimoine» et tout ce qu'on entend à droite généralement. Mais parce que c'est utile car ça peut nous protéger des déviances que ne manqueront pas d'emprunter les technologies, comme c'est toujours le cas.
Le monde change incroyablement vite.
Il faut se calmer. On sait que potentiellement, toute l'humanité peut manger à sa faim, être éduquée et vivre assez longtemps pour rencontrer ses arrières petits-enfants. Le Progrès, c'était bon à l'époque de Jules Verne, aujourd'hui, il faut se poser et profiter de ce que l'on a. Pas besoin de nouveaux trucs (ou alors c'est pour aller sur Mars, et ça veut donc dire qu'on est prêt à tout laisser pourrir... oui, je lis de la SF en ce moment, ça change de l'Histoire).

Il faut d'abord une vision, des idées partagées. Et là, le grand bonhomme (ou bonne femme) émergera de lui-même.

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