Présidentielles : Troadec, le régionaliste « bon client » des médias parisiens, snobé  à Rennes

Point de vue publié le 25/04/15 11:35 dans Politique par Christian Rogel pour ABP
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Dans un article précédent (voir notre article), il était mentionné que les partis bretons étaient handicapés par « l'absence d'un leader identifié, qui, étant donné la personnalisation des débats dans les médias, implique du charisme et des talents de débatteur », mentionnant également que l'Union démocratique bretonne (UDB) a un porte-parole, Nil Caouissin, et non pas un responsable identifié.

Pour l'élection régionale de 2010, Christian Guyonvarc'h était tête de liste principale, sans pour autant avoir le statut de leader du parti. Lors des européennes de 2014, des pourparlers entre l'UDB et Christian Troadec ont eu lieu pour une liste commune, mais, une 3ème place ne pouvait convenir à celui que les médias parisiens venaient, quelques mois auparavant, de consacrer comme personnalité bretonne de poids pour son rôle de porte-parole des Bonnets rouges. Malgré des résultats remarquables dans l'Ouest de la Bretagne, la liste du conseiller général de Carhaix ne put obtenir  l'élection d'un député européen.

Dès novembre 2013, Christian Troadec avait déclaré au Figaro qu'il pensait à une candidature régionaliste pour les présidentielles de 2017 et il a confirmé son intention ce mois-ci, commençant par une tournée en Alsace où il été bien accueilli par Unser  Land - Mouvement alsacien et par le président de la Fédération alsacienne, Paul Mumbach.

Compte tenu de la nouvelle stature politique du porte-parole du Mouvement Bretagne Progrès, réélu brillamment dans le Poher aux départementales, on pouvait se demander si un accord devenait possible avec l'UDB, aussi bien pour les régionales (décembre 2015) que pour la course à l'Élysée.

L'UDB, dans un communiqué (une conférence de presse prévue le 23 a été reportée au 27), a vigoureusement fermé la porte, ce qui est moins étonnant qu'il n'y paraît.

Un tweet assassin publié le lendemain par Christian Guyonvarc'h résume parfaitement la critique faite à Christian Troadec : « La "culture" du chef est une défaite de la pensée. Elle a conduit bien des peuples à la catastrophe ». La critique est violente et peu consensuelle, mais, derrière elle, il faut voir qu'il n'est pas facile pour une organisation cinquantenaire de s'imaginer n'être qu'un wagon dans le train, dont le conducteur a toujours mené ses affaires de manière personnelle.

On peut cependant remarquer que la personnalisation est un atout dans les élections et qu'un homme politique déjà repéré par les médias peut attirer beaucoup plus de voix qu'un obscur candidat, éventuellement inapte aux débats télévisés.

L'UDB préfère avancer l'idée d'une primaire régionaliste qui verrait les formations composant la fédération Régions et Peuples solidaires (R & PS) qu'elle a fondée avec des partis régionalistes de gauche proposer chacune leur candidat.

Ajout du 27 avril : Les composantes de R & PS ne seraient pas tenues de présenter un candidat et celui-ci ne serait forcément issu de leurs rangs, mais ont-elles été partie prenante de la proposition. Mystère....

Cette approche peut susciter quelques problèmes, car Unser Land - Mouvement alsacien, qui n'est pas à gauche, devra choisir entre Troadec et la fédération R & PS et si le Partitu di a Nazione Corsa, de François Alfonsi, accepte la primaire, Troadec pourra prendre langue d'autres partis corses plus influents (Corsica Libera, Femu a Corsica).

En attendant, d'autres annonces concernant les élections régionales sont attendues et l'UDB devra s'insérer dans le triangle Marc Le Fur, le candidat du PS (Le Drian ou Lebranchu ?) et l'incontournable Troadec.

Une réunion du bureau de l'UDB aura lieu le 8 mai et les partisans de Christian Troadec devraient s'y faire entendre. Voilà, sans doute, pourquoi l'UDB n'a pas opposé de démenti formel à cet article qui est basé sur le communiqué officiel, suite à une conférence de presse annoncée avec solennité.

Christian Rogel

Licence pour reproduction intégrale, sous condition de mention de l'auteur et de l'Agence Bretagne Presse


Vos commentaires :
Samedi 4 mai 2024
@ Jean Albert

Quelle que soit le donateur de notre néo-cortex, capable à ses heures de mettre un peu d'ordre dans nos pulsions reptiliennes et nos affects bulbaires, il n'est pas en effet inutile d'y avoir recours çà et là, ne serait-ce que pour constater par exemple le fossé existant en Bretagne entre «souhait exprimé» et «traduction politique» de cette pieuse aspiration.

Pourtant, si à la différence d'autres peuples dans notre cas, le «gap» se révèle décidément difficile à combler, il reste néanmoins assez explicable en raison des considérations suivantes :

- Seule l'Histoire de France est enseignée sans référence à l'Histoire de Bretagne pourtant plus ancienne. Il connait les Rois Francs, Clovis et les rois fainéants, les Mérovingiens, les Carolingiens et la suite, mais il ignore que les Bretons Armoricains eurent des royaumes et des rois nommés Nominoë, Erispoë etc...

Le Breton va donc vivre avec en tête une Histoire qui n'est as - ou partiellement - la sienne. Du coup, il acquiert l'impression tenace que, chez lui, rien ne s'est jamais passé, que le mouvement du monde s'est fait en d'autres lieux. Plus à l'Est. A Versailles, à Paris, à Londres, à Madrid. En Amérique. Ailleurs...

- Les langues régionales (breton/gallo) ont été longtemps combattues et moquées pour faire place à la «langue commune» de la République qui s'est outrancièrement transformée en «langue unique» et même s'il y a eu ouverture depuis, ces langues ne bénéficient pas du statut normal de co-officialité dans la vie publique, seul capable de faire vivre les langues minoritaires.

Pas extraordinaire non plus pour vous donner confiance en vous : la bonne langue, la culture convenable ne peuvent à leur tour que venir d'ailleurs...

- La suppression des Parlements Provinciaux en 1790 suivie de la départementalisation aboutira à l'abolition de la Bretagne en tant qu'entité politique et donnera corps à la seule Nation autorisée désormais, à l'exclusion de toute référence autre que sentimentale à la «petite patrie» encore vivante dans les esprits et les coeurs. C'est «la nation invisible» étudiée par Sharif Germie...

Condamnés à faire survivre à chaque génération une bretonnité désormais déclarée obsolète et ouverte à tous les vents, les Bretons maintiendront leur sentiment d'appartenance et les marques distinctives encore possibles, culturelles en particulier. Même si le reconstitution des Régions redonne un peu d'air au système, manquent encore les compétences et les budgets nécessaires pour éviter l'enlisement.

De là le sentiment encore une fois que tout se décide ailleurs et dans un système centralisé : au sommet de l'Everest qu'il faudra pour atteindre les relais des «notables de province» bien introduits dans les partis hexagonaux, les seuls efficaces et ayant pignon sur rue.
On peut allonger la liste, notamment dans le domaine de l'information et on aura avancé dans la compréhension des raisons de notre nanisme politique.

Reste que toute évolution étant déclenchée par une minorité au pourcentage ridicule, il n'est pas interdit de penser sortir du marasme un jour ou l'autre, le plus tôt étant le mieux car le mouvement se crée en marchant ...

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