Des partis bretons, un parti breton, quel(s) parti(s) breton(s) ? (1ère partie)

Point de vue publié le 11/04/15 21:12 dans Politique par Christian Rogel pour ABP
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Fragmentation ancienne de la sphère politique bretonne

Contrairement à d'autres pays, la Bretagne est fragmentée politiquement depuis toujours, et on l'a vu, dès 1675, avec la "révolte des Bonnets rouges", première expression continentale européenne d'une dissension politique dans le droit fil des Niveleurs anglais du XVIe siècle, nos historiens universitaires français se gardant bien de faire le rapprochement et de travailler le sujet autrement qu'en recopiant stupidement les archives royales. (voir notre article).

Les aristocrates qui étaient à la tête de l'assemblée délibérative, les États de Bretagne, se battirent contre l'arbitraire royal et la destruction de la richesse de la Bretagne, maintenant son aura historique, mais, se souciaient peu de justice sociale, contraire à leurs intérêts.

La Révolution révèla la diversité politique du pays et des villes et des campagnes républicaines s'opposèrent aux zones de chouannerie. Cette dernière prit le contrôle de la Bretagne entière en 1815, mais, la monarchie rétablie normalisa très vite la situation.

Fragmentation de la revendication bretonne

Si l'Union régionaliste bretonne (URB) fut créée en 1898 et présenta des revendications modestes, c'est à l'initiative du diplomate et journaliste Lionel Radiguet, que fut popularisée, en 1904, l'idée d'une république bretonne, dont il diffusa le projet de constitution à 100 000 exemplaires. En 1911, un groupe de jeunes gens créa le Parti national breton, première version, qui réclama l'indépendance et se fit remarquer, en 1911, en perturbant l'inauguration du monument de Rennes qui, au mépris de l'Histoire, représentait la Bretagne agenouillée devant la France.

Simultanément, l'URB perdit ses éléments non réactionnaires, mais, conservateurs catholiques, parmi lesquels,les membres du Collège des Druides (Gorsedd), qui fondèrent la Fédération régionaliste de Bretagne (FRB).

Dès lors, la revendication bretonne fut duelle, soit indépendantiste (PNB 1 en 1911, puis PNB 2 en 1931, le PAB de 1927 étant mixte), soit régionaliste, FRB, puis, en 1924, Ligue fédéraliste de Bretagne, ainsi que le Collège des Druides, très clairement antinationaliste et qui entreprit un discret et important travail de réseau auprès des politiques et des médias (François Jaffrenou-Taldir et Léon Le Berre).

La Ligue fédéraliste, positionnée à gauche, mais jamais agréée par la gauche française farouchement centraliste, disparut en 1935, laissant le champ libre aux nationalistes séparatistes. Avec elle s'efface, pour longtemps, l'idée qu'il faut fédéraliser la France et non pas rechercher l'indépendance.

Le mouvement breton pendant la guerre et juste après

Le Parti national breton (1931-1944) était relativement bien organisé, en essayant de singer les principes d'autorité sans contrepoids des partis fascistes et nazis. L'Occupation le réduisit à une sorte de gesticulation sans possibilité d'une vraie action politique, alors proscrite.

Conformément à son idéologie basée sur la race (aujourd'hui, on dit ethnie, mais, c'est la même idée, tout aussi imprécise), il voulait exalter le "génie propre" des Bretons, ne se servant de l'Histoire que comme illustration.

La diabolisation de toute action bretonne fit plus de tort au mouvement régionaliste qui ne survécut que dans une fédération d'oeuvres culturelles, Emgleo Breiz, rassemblant des militants bretons résistants et des ecclésiastiques, amoureux du breton. Les premiers finirent par pencher à gauche et mettre leurs espoirs, maintenant déçus, dans la "deuxième gauche" rocardienne.

On peut avancer l'idée que la guerre figea symboliquement autant la Bretagne que la France : même sacralisation autarcique de processus historiques.

Les formations politiques bretonnes de 1950 à 2000

En France, les partis conservateurs et radical-socialiste étaient des machines destinées à sélectionner les candidats aux élections par des comités de notabilités, mais le modèle du parti ouvrier, c'est-à-dire, basé sur les forces miltantes, perdura dans la SFIO (devenue le PS) et le Parti communiste.

Fondé en1950, le Mouvement pour l'organisation de la Bretagne (MOB), très divisé au fond entre nationalistes et régionalistes, fonctionna comme un lobby classique, sans beaucoup de nouveautés dans les méthodes d'action.

En 1964, au moment où il s'essouflait, il donna par scission, l'Union démocratique bretonne (UDB), dont quelques membres fondateurs venaient des milieux communistes et apportèrent le primat donné à la base militante sans l'armature théorique du modèle, ce qui fut facteur de crises à répétition et d'instabilité dans la ligne politique (voir notre article).

Les formations indépendantistes groupusculaires issues du bouillonnement politique des années 70 reproduisirent plus ou moins cette conduite, Emsav Stadel Breizh étant la seule à se soucier d'une réflexion théorique sur la Bretagne dans sa situation géopolitique.

L'héritier du MOB, le Parti pour l'Organisation de la Bretagne (POBL) resta classique dans la forme, se présentant aux élections, mais, sans devenir une machine efficace.

A lire dans la 2ème partie : les formations bretonnes maintenant

Christian Rogel

Licence pour reproduction intégrale, sous condition de mention de l'auteur et l'Agence Bretagne Presse


Vos commentaires :
Lundi 29 avril 2024
@yanneutch
La première partie avait pour but de poser les modèles de partis avant d'aborder le sujet axial qui est : les formations politiques bretonnes peuvent-elles bâtir des machines électorales ?
Emgann était une formation militante, peu fournie, qui n'apporte rien à çà. Si son successeur, Breizhistance, veut créer une machine électorale, j'aimerais connaître sa feuille route, car les candidatures de témoignage ne peuvent y contribuer.
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