L'Union Démocratique Bretonne va revoir ses alliances

Analyse publié le 2/04/15 12:24 dans Politique par Philippe Argouarch pour ABP
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La nécessité pour les partis bretons de faire des alliances afin d'obtenir des élus ne vient pas forcement d'une tendance à se faire rouler dans la farine mais de modes de scrutins très peu démocratiques qui ont été inventés en France pour éliminer les petits partis ou les partis régionalistes et renforcer le bipartisme. A l'exception des Européennes (sans deuxième tour) et les régionales (proportionnelles à partir de 10% des suffrages), les modes de scrutins sont verrouillés. On ne peut pas se faire élire à Paris si on est régionaliste (autonomiste ou indépendantiste). Paul Molac n'aurait pas été élu député lors des dernières législatives de 2011 sans une alliance entre Europe-Ecologie-les-Verts ( EELV) et [[Régions et peuples solidaires]] (R&PS) dont fait partie l'[[Union Démocratique bretonne]] (UDB). C'est un fait indiscutable. Au premier tour Paul Molac était sous l'étiquette EELV, au second il était soutenu aussi par le PS.

En 2004, pour les élections régionales, l'UDB s'allie pour la première fois avec les Verts au premier tour, rejoignant le PS au second, et obtenant 3 sièges à Rennes. Aux régionales de 2010, nouvelle alliance avec EELV, une alliance qui se maintint au second tour pour obtenir 4 conseillers régionaux UDB cette fois. L'UDB rejoignant la majorité de gauche présidée par Le Drian en 2011.

Tout semblait donc pour le mieux. En 2010, les scores avaient même été meilleurs puisque le groupe UDB-Verts faisait 17,3% au second tour des régionales. Sauf que, en mars 2014, Jean-Luc Mélenchon dont le Front de Gauche n'arrivait pas à percer et avait été ridiculisé aux Européennes de 2014, a commencé à se rapprocher de Cécile Duflot qui est à la tête de EELV.

On a vu alors Jean-Luc Mélenchon passer son bras autour du cou de Cécile Duflot sur les plateaux de télévision. Malgré l'opposition d'élus EELV comme François de Rugy (élu de Nantes) et Jean-Vincent Placé, une alliance s'est forgée avec un parti jacobin de la pire espèce. Une scission de EELV est probable : De Rugy a déclaré lundi "Nous ne pouvons pas continuer sur une ligne politique illisible glissant vers le Front de gauche et l’écologie protestataire. C’est une dérive mortifère. Nous n’avons pas envie de nous retrouver dans un repaire de néo-communistes".

On imagine l'inconfort, voire l'angoisse, du bureau de l'UDB responsable des choix stratégiques du parti breton de gauche, par ailleurs foncièrement écologique.

Nil Caouissin, porte-parole de l'UDB, avoue que "le choix d'EELV de se rapprocher du Front de gauche pose évidemment question à l'UDB". Nil Caouissin déplore "qu'entre un PCF pro nucléaire et un Parti de Gauche toujours dominé par la figure de Jean-Luc Mélenchon, EELV s'éloignerait des valeurs partagées avec l'UDB." On le comprend.

Beaucoup reprochent à l'UDB de ne pas choisir des partis bretons dans ses choix stratégiques. Les offres de front commun avec le [[Parti Breton]] ont toujours été refusées par l'UDB. Sans doute jusqu'à maintenant leur poids électoral ne pesait pas assez mais beaucoup de militants bretons pensent que les raisons sont idéologiques, l'UDB se plaçant à gauche avant tout. La dynamique pourrait-elle s'inverser avec des alliances bretonnes ? Sans doute, car tout a changé depuis les cantonales de mars 2015. Christian Troadec, à la tête du Parti breton centre gauche [[Mouvement Bretagne et Progrès]] avec une liste dénommée Nous te ferons Bretagne a été élu à Carhaix avec 66,71% des votants (1). D'autres, sous cette étiquette, ont fait des scores honorables.

L'UDB n'a pas encore décidé de sa stratégie pour les Régionales de décembre 2015. Cette stratégie sera définie lors d'une convention nationale qui se tiendra le 8 mai prochain. "Nous prenons des contacts avec divers groupes de sensibilités régionalistes ou autonomistes" a déclaré Nil Caoussin à l'ABP. Ajoutant quand même des balises politiques : " Cela ne pourra aboutir qu'avec celles et ceux qui sont au clair avec les valeurs progressistes et écologistes. "

Le mouvement des Bonnets rouges, Bretagne et Progrès sont-ils compatibles avec l'UDB ? Même si une des doléances des Bonnets rouges est sur le développement des énergies renouvelables, une autre est sur le créneau social libéral : sauver les entreprises et les emplois (de l'agro business principalement). Tout à l'opposé, les écologistes et l'UDB, basés sur un électorat d'enseignants, de fonctionnaires et de salariés du monde associatif, voient dans l'agrobusiness, non pas une source d'emplois pour les Bretons, une alternative donc à l'émigration forcée ou au chômage, mais une source de pollution et de destruction de ressources. Les Verts veulent sauver les plages, pas les places. Sauver les emplois n'est pas la priorité de l'UDB. Elle ne soutient aucunement l'effort de Hollande avec son pacte de responsabilité et autres lois Macron pour rendre les entreprises plus compétitives "Nous ne partageons pas les présupposés qui inspirent ces réformes [...]Pour nous, le meilleur moyen de créer de l’emploi n’est pas de baisser les charges." avoue Nil Caouissin.

Lors du 50e anniversaire de l'UDB, Christian Guyonvarc'h déclarait "L' Europe, nous la voulons sociale...Nous avons pris position pour le droit à l'IVG partout en Europe... Nous sommes pour un salaire minimum en Europe. Nous sommes pour la taxation des transactions financières partout en Europe." (voir notre article). En quoi ceci apporte t-il une solution aux Bretons sans emplois ou menacés de licenciements ? Un salaire minimum en Europe est à la fois irréaliste et irréalisable. Pendant ce temps-là, la France perd 1 000 emplois industriels par jour. L'UDB, depuis, a toutefois élevé la voix contre le dumping social et fiscal (voir le site)

L'UDB veut conserver des élus au Conseil régional mais rien n'est moins sûr avec le recul historique des Verts, de l'extrême gauche, et du PS, tous des partenaires, stratégiques ou idéologiques, de l'UDB, à un moment ou à un autre. Devant la montée du FN, une menace pour les régionalistes bretons s'il arrive au pouvoir, le retour de la droite qui peut reprendre la Région grâce au charisme de Marc Le Fur, on peut douter que l'UDB soit capable d'éviter de sombrer avec ses anciens alliés, désavoués par les Français et désavoués par de plus en plus de Bretons pour n'avoir pas su adapter la France à une économie mondialisée.

Les Bretons ne votent pas pour sauver les plages, même pas pour sauver la langue bretonne, ou pour le retour de la Loire-Atlantique, ils votent pour sauver leur emploi. Le 5 mai, quand l'UDB décidera d'alliances pour les régionales, elle décidera aussi de sa survie politique en tant que parti breton.

Philippe Argouarch

(1) Qu'on ne se leurre pas, le succès de Christian Troadec ne peut être imputé qu' a une seule chose : il répond à l'angoisse des électeurs. Non pas par des promesses ou des discours, mais par des actions. Il a à son actif, en tant que maire de Carhaix, la venue de sites industriels et de centres de recherches chinois avec tous les emplois que cela implique. Et pour le groupe Synutra, ce n'est qu'un début.


Vos commentaires :
Jeudi 2 mai 2024
@BrocelBreizh
Oui, développons des robots de faire à notre place que qui est pénible de faire et utilise notre temps, que du coup nous n'utilisons pas pour réfléchir. Si on pouvait épargner au gens les travaux abrutissants du travail à la chaîne par exemple, tout en leur permettant d'avoir un revenu pour vivre, ce serait très bien.
Par contre, où est-ce que nous mènera à long terme la fameuse compétitivité tant à la mode? A baisser les salaires jusqu'où? et à travailler combien d'heures par semaines pour ceux qui auront encore du travail. A des conflits mondiaux pour l'accès aux ressources car il sera impossible de satisfaire tout le monde? (tous les pays ne pourront pas être suffisament compétitifs en même temps pour faire croitre leur PIB sans faire exploser la planète).
C'est un équilibre local qu'il nous faut pour trouver un système pérenne. Le bilan azote en Bretagne par exemple est déséquilibré. Notre terre et notre eau reçoivent plus qu'ils ne peuvent en absorber par exemple à cause des importations de soja du Brésil qui vient en excédent et la méthanisation ne résout pas le problème, ce qui produit un coût pour les citoyens par les factures d'eau par exemple mais ce qui ne suit peut-être pas au PIB.
Nous avons tout en Bretagne pour bien vivre. Essayons donc de tendre vers un modèle autonome! Y compris économique car il sera alors soutenable et nous serons moins vulnérables aux chocs qui auront à d'autres endroits de la Terre.
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