Le commentaire qui accompagne le titre de ce remarquable ouvrage souligne le problème auquel sont confrontés les peuples de ce pays, la désastreuse situation dans laquelle se trouve la France est maintenant connue de tous et en particulier de sa population qui en est la victime, la cause de ses malheurs est évidente, c'est le système politique, hyper-centralisé et, dans certaines de ses dimensions présentant les caractéristiques du totalitarisme.
C'est ce système qu'il faut changer avant qu'il ne soit trop tard et que l'irréparable ne se produise, mais ceux qui pourraient changer le système ou, à tout le moins le modifier, ce sont justement ceux qui en profitent et tout porte à croire que, comme les classes dirigeantes au XVIIIe siècle, ce qu'il faut bien appeler une oligarchie refusera de voir les menaces qui s'accumulent et ne changera rien à ce qui existe ou seulement à la marge et donc sans effet.
Le livre d'Yvon Ollivier est, d'abord un état des lieux et, ensuite un ensemble de recommandations, toutes de bon sens qui pourraient encore sauver un navire que des commandants incompétents ou aveuglés par l'idéologie ont dirigé vers les écueils.
Pour beaucoup la France semble être un état illégitime dans son fondement, car il s'est construit par la volonté de ses dirigeants d'assimiler progressivement les peuples qu'ils ont subjugués, presque toujours par la violence et souvent la violence la plus extrême et ce par une assimilation niant ce qui constitue la conscience, en fait l'essence de ces peuples, comme leur culture, leurs traditions, leur langue de façon à pouvoir les inclure, au cours des siècles, d'abord dans le domaine royal et ensuite dans la structure de l'état-nation républicain qui lui a été substituée.
C'est pour cacher, justifier et conforter cette apparente illégitimité que le pouvoir républicain a inventé le mythe d'une république « une et indivisible » qui est en fait, gravée dans le marbre, l'affirmation de l'inexistence des peuples qui ont formé la France et la suprématie du pouvoir hyper-centralisé et de sa capitale où se concentrent, par construction, tous les pouvoirs.
Circonstance aggravante, celle qui impose la croyance, pour justifier la toute puissance de l'état, à ce dogme qui veut faire croire au peuple que, contrairement aux autres nations, la nation française, a été, elle « créée par l'état ». C'est évidemment un non sens mais qui justifie que l'état ne soit pas au service de la nation, mais que ce soient les peuples qui forment la nation qui soient au service de l'état et, pour renforcer la sacralité de l'état il est couramment cité cette phrase apocryphe de Louis Quatorzième du nom, « l'état c'est moi », soulignant ainsi la continuité entre le « fiat » du monarque absolu et la toute puissance de l'état jacobin.
Car la force, la toute puissance, donc la souveraineté de l'état sont présentées comme la nécessaire protection des peuples, qu'en fait cet état asservit, protection aussi contre cette crainte viscérale de voir l'état-nation se défaire, d'une part, du fait de l'aspiration des peuples qui le constituent à leur légitime autonomie et, à tout le moins à la reconnaissance de leurs aspirations économiques, sociales, cultur elles et parfois linguistiques et d'autre part à la menace globale que constituerait la mondialisation.
Il est d'ailleurs étrange qu'un état qui fait profession d'universalisme soit tellement effrayé par une
réalité dont les origines remontent au moins au XVI e siècle et qui n'a fait que se développer aux cours des deux derniers siècles et dont les conséquence eussent dû être prévisibles pour ses dirigeants.
Donc, il est évident que le « modèle » de l'état-nation jacobin construit sur la négation des peuples qui le constituent, en fait sur la négation de « l'autre » dans sa différence, dans son altérité, ne soit plus adapté à la réalité du Monde actuel dans lequel, justement pour résister à l'uniformisation culturelle, tous les peuples veulent retrouver leurs racines historiques, culturelles et linguistiques. Mais voilà, les responsables de l'état-nation refusent le réel et en fait le nient. Ils devront un jour payer le prix de cet aveuglement.
Evidemment, de tous les peuples qui constituent la France ce sont les Bretons qui, au cours des siècles
posèrent les plus sérieuses menaces, d'abord pour l'unité du royaume, que cette province « réputée étrangère » se refusait à totalement intégrer et ensuite pour la légitimité de la république que beaucoup de patriotes bretons ont récusée et cela jusqu'aujourd'hui.
C'est ce qui explique la volonté du pouvoir jacobin d'éradiquer plus que toutes autres la langue et la culture bretonnes et, sous le régime de Vichy, de séparer administrativement la Loire-Inférieure, aujourd'hui Loire-Atlantique, des autres départements bretons. Une partition prorogée par tous les régimes depuis la Libération et qui sera encore aggravée par le projet de réforme administrative de l'actuel pouvoir.
La seconde partie de l'ouvrage d'Yvon Ollivier énumère les réformes de bon sens qui assureraient la survie de la nation française en proclamant la paix entre l'état et les peuples qui constituent la France, par l'acceptation de leurs différences, de leur diversité et par la confiance dans leur capacité à animer et à développer leurs territoires.
Il faut que demain l'intérêt général qui reflète aujourd'hui essentiellement les intérêts de l'oligarchie, ne soit plus imposé par l'état, mais soit défini par le peuple, exprimant ainsi l'intérêt de tous.
Dans cet esprit, même s'il existe une langue officielle dite de la république, les langues autochtones, dont certaines prédatent largement le français standard, doivent être reconnues et enseignées pour ce qu'elles sont, une autre vision du Monde qui enrichit la culture nationale.
Clairement, la clef de ce changement, faut-il écrire bouleversement, réside dans la simple application de la devise de la République.
D'abord la liberté, qui devrait aussi permettre à tous d'être ce qu'ils sont, Alsaciens, Basques ou Bretons, ce qui évidemment ne devrait pas exclure les Français d'origine étrangère qui, au motif d'assimilation sont souvent obligés de renier totalement leurs origines.
Ensuite, l'égalité, qui doit s'appliquer partout et à tous où cela est possible et, en particulier en ce qui concerne l'aménagement du territoire et la répartition de la richesse nationale.
Finalement, la fraternité, qui est vain mot dans un pays où « l'autre » est perçu comme un adversaire, où les discours de haine, les plaisanteries et les caricatures qui sont parfois des insultes à caractère racial, sont plus ou moins tolérés en fonction de leur compatibilité avec l'idéologie du pouvoir.
En un mot comme en cent, le pouvoir jacobin doit cesser de considérer que sa vision du Monde est plus vraie que la réalité, que c'est sa loi qui définit et proclame le réel, alors seulement la mondialisation sera jugée, aussi, sur les bénéfices qu'elle peut apporter à tous les peuples du Monde et non seule-
ment comme le moyen par lequel la réalité du Monde impose sa loi face aux dogmes jacobins.
Bien entendu, il faut aussi réformer le système éducatif dont les objectifs prioritaires sont d'enseigner à nos enfants l'admiration et la sanctification de l'état souverain et de former les élites dites républicaines, issues majoritairement de la progéniture de l'oligarchie.
La conclusion est évidemment pessimiste, les profiteurs du système, qui sont ceux qui le contrôlent et qui le gèrent ne peuvent pas ou ne veulent pas le changer, c'est donc le peuple, en fait les peuples de France qui le changeront, en espérant que ce sera sans aucune violence, mais quels qu'en soient les moyens ce changement est inéluctable.
Il faut citer les dernières phrases de l'ouvrage d'Yvon Ollivier : « La France ne peut plus ignorer la nocivité de ses dogmes unicitaires. Elle gagnerait tant à s'ouvrir à la vérité des hommes et des choses qui triomphe toujours au final du dogme et du mensonge. Contre ce qui soulève le c½ur des hommes les murs les plus solides ne peuvent rien. Toujours, ils finissent par s'effondrer ».
Jean Cévaër
« La France comme si… »
Ou l'improbable réforme du système jacobin
Par Yvon Ollivier, Le Temps éditeur, 276 p., 15 ¤
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J'ai deux points de désaccords essentiels.
- La liberté ne se quémande pas, elle se gagne. Il ne tient qu'à nous, Bretons, de gagner notre liberté. Ce n'est pas l'oligarchie française qui va nous la donner !
- Le peuple breton, la nation bretonne existe, et ne peut pas se soumettre aux «français» sans se renier et sans préparer sa propre disparition. Toute forme de soumiission aux français est inacceptable et suicidaire. l'Europe existe pour la dimension fédéraliste.