L'Église a déjà fusionné la Bretagne et les Pays-de-la-Loire

Reportage publié le 28/12/14 14:53 dans La réunification par Philippe Argouarch pour ABP
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Le découpage ecclésiastique de 2002 (source wiki)

Cela s'est passé discrètement en 2002. Par un décret du pape Jean-Paul II du 8 décembre 2002, les provinces concordataires (l'Alsace et la Lorraine) et les régions apostoliques en France ont été supprimées et remplacées par de nouvelles provinces ecclésiastiques plus ou moins calquées sur les régions administratives à quelques exceptions près... mais pas n'importe lesquelles !

Rome précurseur de la séparation puis de la fusion

En 2002, les 4 diocèses de la Bretagne administrative et les 5 des pays de la Loire sont fusionnés en une seule [[province ecclésiastique]] sous l'autorité de l'archevêque de Rennes. La province ecclésiastique de Bretagne avec siège métropolitain à Rennes avait été créée par bulle papale de Pie IX, le 3 janvier 1859. Napoléon III régnait sur la France, et, détail important pour la suite, c'est à sa demande explicite que cet archevêché est créé.

C'est avec empressement, que nous avons accueilli les demandes qu'a faites notre très-cher fils en J.-C. Napoléon III, illustre empereur des Français, pour que l'Eglise épiscopale de Rennes soit élevée à la dignité de métropole, et que les évêchés de Vannes, de Saint-Brieuc et de Quimper, actuellement soumis au droit métropolitain de l'archevêché de Tours, lui soient unis comme suffragants." __bulle papale du 3 janvier 1859.

La Bretagne était séparée finalement de Tours, comme l'avait voulu Nominoë, mais était toutefois amputée de Nantes qui restait rattachée à Tours. L'église est la première institution à avoir séparé Nantes du reste de la Bretagne, en 1859, alors que la justice est la seule à l'avoir toujours refusée. Nous avons souvent critiqué sur ABP, le manque d'indépendance de la justice, mais force est de constater qu'en ce qui concerne le découpage territoriale, elle est plus indépendante que l'église catholique. L'Église a ceci de commun avec la république, elles ont toutes deux hérité des tares de l'empire romain, le centralisme et le mépris du droit des peuples, voire des cultures existantes, sous leurs administrations. Le mot diocèse lui-même, comme d'ailleurs le mot de préfecture, sont hérités du latin et signifient gouvernements et on sait que province veut simplement dire en latin, le pays des vaincus. Sous l'empereur Constantin, le clergé était aussi des administrateurs de l'empire. Il faut bien comprendre que J.C veut à la fois dire Jésus Christ et Julius César.

Concordats et concordances

En mai 2011, ABP avait interrogé Mgr Pierre d'Ornellas (voir notre article), archevêque de Rennes, et sa réponse fut la suivante : c'était plus pratique pour l'Église de suivre les divisions administratives françaises mais en ce qui concerne la Bretagne, il déclarait qu'il faudrait d'abord se demander pourquoi la France a fait ces deux régions administratives ? et comme nous ne voulions pas séparer ce que l'histoire a toujours considéré comme unis, nous avons créé une province ecclésiastique dans laquelle il y a deux provinces administratives. La messe est dite ? Pas vraiment.

L'église a suivi grosso modo les provinces administratives sauf pour la Bretagne, les deux Normandies que l'église a fusionnées, l'Alsace-Lorraine aussi fusionnée dès 2002 et la Corse sournoisement rattachée à la province ecclésiastique de Marseille. Ce qui est frappant c'est que les trois exceptions, l'Alsace, la Corse et la Bretagne sont justement des régions à fortes identités. Il y a t-il eu un mini concordat plus ou moins secret ? On a le droit de douter que cela soit juste une coïncidence...

On sait que L'Alsace et le diocèse de Metz sont toujours sous la juridiction du Concordat de 1801 et que l'État français voudrait y mettre fin car il remet en cause la loi de 1905 sur la séparation des cultes et de l'État. En particulier les clauses qui rendent obligatoires l'enseignement de la religion à l'école ou le financement du clergé. De graves contradictions avec la laïcité officielle appliquée partout ailleurs et surtout le sacro-saint principe d'une république une et indivisible où les mêmes lois s'appliquent à tous ! Autre contradiction de la séparation entre l'Eglise et l'État : les évêques français, nommés par le pape, doivent être approuvés par le pouvoir politique en place en France, le seul pays au monde à avoir, encore aujourd'hui, cette prérogative. Le ministre de l'Intérieur et le Conseil d'état ont leur mot à dire. Vous avez dit séparation ?

Préparer les fidèles à la fusion administrative ?

En conclusion, on ne peut qu'en déduire qu'il y a eu négociation sur ce découpage. La fusion de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire serait un projet de l'Etat français qui daterait d'au moins 2002 car pour l'Église il n'y avait aucune raison en 2002 de fusionner les Pays-de-la-Loire et la Bretagne. L'argument de la réunification avancé par Mgr d'Orvellas est difficilement crédible à la lumière du premier découpage de 1859 qui justement avait exclu Nantes à la demande de Napoléon III ! D'autant plus que le résultat de cette fusion est une région bien plus importante par son nombre de fidèles que d'autres régions comme la Normandie ou le Poitou. Rennes devient en 2002 une province ecclésiastique de 9 diocèses alors que la moyenne des autres provinces est 5 ou 6 diocèses. L'argument d'un trop grand archidiocèse de Tours avait même était avancé dans la bulle papale de 1859 justifiant la création de l'archevêché de Rennes ! (voir le site) Surprenant non ? L'Eglise pouvait très bien créer une province ecclésiastique bretonne à cinq départements, rien ne l'interdisait sauf des accords secrets portant sur des choses comme conserver l'interdiction du travail du dimanche ou le maintien du concordat en l'Alsace-Lorraine en échange de quelques faveurs comme, par exemple, le découpage administratif.


Vos commentaires :
Mardi 30 avril 2024
Je réagis tardivement à ce débat, et pour cause, je suis prêtre du diocèse de Nantes mais actuellement en mission au Bénin, avec une connexion internet limitée. Mais voici quelques faits que méritent d'être écrits: nous sommes deux prêtres brittophones dans le diocèse, bon nombre de mes collègues sont pour une Loire Atlantique bretonne mais face au poids d'une administration régionale nous pesons peu. Lors de regroupements de structures dans la pastorale des jeunes, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne 44 a choisi de se regrouper avec les pays de la Loire, en 2005, avec des promesses de subventions. Les scouts de France ont choisi de s'unir avec la Vendée cette année là aussi. Quasiment toutes les structures d'Eglise du 44 ont fait ce choix de la région Pays de la Loire, sauf les scouts d'Europe 44, qui sont restés liés à la Bretagne historique.
A chaque fois que j'ai eu l'occasion de m'opposer à ce genre de regroupement, j'ai constaté en face de moi une majorité qui n'a pas envie de contester les frontières administratives. Le logo pays de Loire est partout, en particulier dans le monde des jeunes, dans les lycées, les associations sportives, culturelles, dans les trains, alors pourquoi suivre un autre découpage géographique ? L'Eglise catholique sait dire son désaccord quand il le faut sur certaines questions de société, mais là elle a choisi de ne pas contester, et on ne peut que le regretter. Je ne peux que souhaiter bon courage à ceux qui continuent à peser pour que la Loire Atlantique reste ancrée en Bretagne. Kalon vat dezho.
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