Contrairement à la Bretagne, l'Alsace n'a jamais été le lieu de manifestations sociales de masse, culture germanique et prospérité relative obligent. Seuls les militants antinucléaires, parce qu'ils mobilisent sur toute la France, l'Allemagne et la Suisse arrivent à réunir des milliers de manifestants depuis trente ans. La protestation contre la « cinquième annexion » du pays semble enfler peu à peu et toucher un vaste panel de population, en particulier des groupes de jeunes familiers des réseaux sociaux.
C'est la clownesque réforme territoriale (fusion improbable avec la Lorraine et la Champagne-Ardennes) qui va commencer à donner l'habitude des rassemblements de rue, car, si les chiffres restent plutôt modestes, la fréquence est devenue hebdomadaire.
C'est à Strasbourg et à Colmar, le 28 juin qu'a été donné le coup d'envoi, et avec moins de 500 personnes dans chacune des villes. Andrée Munchenbach, adjointe au maire de Schiltigheim et présidente d'Unser Land-Le Parti alsacien, formation autonomiste, centriste et écologiste, avait pris la parole à Colmar.
Le 11 octobre a eu lieu, à nouveau à Strasbourg, une manifestation, au moins 6 500 personnes selon la police et 30 000 selon les organisateurs. Place de la cathédrale, un petit groupe est venu crier « Elsass frei ! » (Alsace libre !). Elle avait été convoquée par un collectif soutenu par les élus de droite locaux, mais, qui avait exclu Unser land du comité d'organisation. Le président UMP du Conseil d'Alsace, Phlippe Richert, avait fait un discours aussi politique que sentimental devant un groupe d'élus assez fourni. Il avait lancé : «Aujourd'hui, l'Alsace est une région connue dans le monde entier, personne ne sait ce qu'est l'ALC-A ! » (ALC-A = Alsace, Lorraine, Champagne-Ardennes).
Auparavant, le 22 septembre, la Région Alsace et les deux conseils généraux (Bas-Rhin et Haut-Rhin) avaient relancé l'idée d'une fusion de leurs collectivités en une « collectivité unique d'Alsace », nouvelle version du « Conseil d'Alsace », rejeté par référendum le 7 avril 2013 (58% de oui, mais, seulement 38% de votants). Les élus socialistes alsaciens, promis à la défaite électorale totale, ne font que regretter que la fusion ne se soit pas faite qu'avec la seule Lorraine, se faisant ainsi les supplétifs d'une opération néo-coloniale interne (voir notre article).
Mais, le 30 novembre a été inauguré une séquence de manifestations hebdomadaires tournant dans tout le pays, la première ayant eu lieu à Colmar, où la reculade d' organisateurs « mainstream », du fait d'une bizarre opération de dissuasion du gouvernement, a donné la main à Unser land pour un rassemblement de 1 500 à 4 000 personnes pouvant considéré comme un succès (voir notre article).
La manifestation du dimanche suivant, 7 décembre, à Mulhouse a réuni un peu plus de gens, dont, une fois encore, de nombreux élus locaux, dont le président du Conseil général, avec la confirmation de rituels : tambour, coiffes et costumes traditionnels, grande pancarte figurant une Alsacienne avec sa coiffe, en colère et brandissant une fourche, motards précédent le cortège, fumigènes et omniprésence du drapeau alsacien rouge et blanc accompagné de quelques drapeaux bretons. Andrée Munchenbach, a prononcé le discours suivant : (voir le site)
Le drapeau alsacien, encore peu visible dans la vie quotidienne, il y a peu de temps, a été consacré dans sa signification politique par une vingtaine d'élus du Conseil général du Haut-Rhin qui ont porté en séance des baillons rouge et blanc, le 4 décembre dernier. L'opposition de gauche a quitté la salle.
La prochaine manifestation est prévue samedi 13 décembre, à Strasbourg, place de Bordeaux, à 14 heures, mais Unser land ne figure encore pas dans les organisateurs, ce sont plusieurs collectifs dont beaucoup s'expriment, avant tout, sur les réseaux sociaux, qui appellent à se réunir. Elle devrait voir le nombre de manifestants augmenter de manière sensible. Cependant, si la réforme territoriale soulève contre elle beaucoup d'Alsaciens, beaucoup plus que leurs voisins, la mobilisation n'est pas encore massive, mais, l'opinion négative va évoluer en fonction des résultats des retours devant les assemblées parisiennes qui se sont indûment réservé le monopole de la discussion, menée au triple galop sous l'aiguillon implacable d'un des gouvernements les plus jacobins qui aient fonctionné en France depuis des dizaines d'années.
Christian Rogel
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■Cette phrase misérabiliste cache mal un plaidoyer pro domo pour un parti socialiste dont la désastreuse politique de décentralisation ne nous a pas rendu nos vieilles provinces mais a mis Paris partout.
»
Nous sommes la seule nation européenne qui soit la création militaire d'un État non homogène."Quelqu'un a-t-il songé à informer Rocard de l'existence de l'Espagne, de l'Italie, de l'Allemagne, du Royaume-Uni... Même au Pays-Bas il y a des langues régionales, alors où sont-ils ses États homogènes ?
L'Italie est en revanche encore moins homogène que la France. La ligne La Spezia-Rimini est la plus grande coupure qui soit dans le continuum linguistique roman, elle recoupe l'antique division entre peuples celtes et italiques. La France ne connaît pas une séparation aussi radicale entre ses langues romanes.
Votre lecture de la phrase de Rocard est intéressante, je ne l'avais pas comprise ainsi.
M. André Schneider. C'est ça, le vrai problème !
Il fallait y penser !