Lettre ouverte d'Alan Stivell aux députés

Lettre ouverte publié le 3/12/14 21:00 dans La réunification par Alan Stivell pour Alan Stivell
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A Nantes en juin 2014 lors du rassemblement pour la réunification.

Mesdames et Messieurs les député-e-s breton-ne-s et tou-te-s les autres,

Vous allez confirmer, ou non, ce qu'une majorité de l'Assemblée a discuté et approuvé. Je n'ignore pas que vous avez la légitimité d'avoir été élus.

Pour celles-ceux qui s'apprêtent à confirmer ce vote, favorable au maintien d'une région Bretagne, réduite aux dimensions voulues par le maréchal Pétain (peut-être faute de ne pouvoir imposer la dissolution totale de la Bretagne dans un "grand-ouest"), vous ne mesurez certainement pas la gravité de votre décision.

 

D'autant plus grave que vous interdisez aux habitants du Pays nantais de choisir. Ceci à cause de l'incapacité des organisations internationales à faire respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cette incapacité ne sera pas d'ailleurs une fatalité éternelle.

  

Je n'ose croire que vous soyez tous machiavéliques, d'authentiques ennemis de la Bretagne, de son développement économique, créatif et culturel, des ennemis de l'humanité. Je n'exagère pas, puisque celle-ci a, évidemment, besoin de tous ses potentiels, et aucun ne peut être jeté à la poubelle.

Je ressens plutôt que vous ramenez cette question (des limites régionales, en ce qui concerne la Bretagne et les autres minorités nationales – Alsace, Pays basque, etc.) au bien-fondé de telle ou telle découpe de canton ou de bassin d'emploi.

Or.

Vous savez très bien, pourtant, que la Loire-Atlantique, séparée du reste de la Bretagne, a déjà perdu (par la volonté de quelques personnes) beaucoup de sa personnalité bretonne (qui était plus forte même que celle de l'Ille-et-Vilaine). C'était ce que promettait, sans le moindre doute, un Grand Ouest aux autres départements bretons.

  

Une Bretagne réduite aux quatre départements, c'est l'assurance que toute dynamique est fortement entravée.

Si le monde tournait très rond, si la crise n'était pas là, on pourrait croire qu'une Bretagne amoindrie s'en sortirait, bon an, mal an. Dans le contexte, un fort affaiblissement des dynamiques, sur tous les plans, signifie une condamnation.

Qu'ont fait les breton-ne-s pour être condamnés ?

Je circule beaucoup dans le monde, et d'ailleurs, beaucoup de breton-ne-s le font.

Si, par malheur, votre choix est celui que nous pouvons craindre, soyez sûrs qu'on saura partout, aujourd'hui et dans le futur, le sort qui est réservé par la France (et des responsables bretons…) à la Bretagne.

On sait que cet héritage, cette créativité n'appartiennent ni à la Bretagne, ni à tout l'hexagone, mais, avant tout, à l'humanité.

Vous n'avez pas le mandat pour en aliéner le monde. Au moins aussi grave que la destruction de mausolées ou de bouddhas, dans l'acte ou sa signification.

 

Bizarrement, on n'entend plus parler de "région à dimension européenne" concernant Breizh.

Je suis quelqu'un de tempérament plus optimiste que la moyenne. Mais je suis à 200% certain qu'une Bretagne à quatre (comme l'autre projet de nous noyer dans la Loire), c'est un processus qui ne sera plus inversé.

L'image de la France, déjà très écornée, va être totalement détériorée. Plus jamais ses représentants pourront se targuer présomptueusement de défendre les droits des peuples et des personnes.

Le combat de la France contre l'esprit (notamment par l'éradication progressive de toute sensibilité et pensée différente de celle de la communauté "franco-francienne" aux édiles arrogantes) est une barbarie au masque humain.

Elle perd toute crédibilité jusque dans ses combats, pourtant indispensables, contre les barbaries sanguinaires.

 

Une dernière fois, pensez à la honte de vos descendants, si, par malheur, votre choix a été de condamner les espoirs d'une grande majorité de breton-ne-s (plus de 70% -derniers sondages- : imaginez s'ils-elles étaient totalement informé-e-s sur la question).

Sauvez, au moins, pour eux, la possibilité de choisir sans entrave.

Ne restera, sinon, plus que l'espoir relatif d'un changement de majorité. Promouvoir vos adversaires sera une règle morale pour les breton-nes, dont la sensibilité et nos évolutions avaient fait pencher pour cette gauche modérée. J'avais participé, à ma façon, à ce basculement politique. Autre succès possible de votre action : l'ensemble du Mouvement breton, divisé par des stratégies et des positions opposées, devrait s'unifier comme il ne l'a jamais été.

Je ne peux nous croire assez masos pour persister, dans un soutien obsolète, à ce qui se révèle comme un bonapartisme hyper-nationaliste et agressif.

Je veux croire que la majorité des député-e-s breton-ne-s va prendre conscience, si elle ne l'a pas déjà fait, de toutes ces données et que je n'ai pas de raison de m'inquiéter.

Par ces mots, je n'ai voulu injurier personne. Je veux seulement qu'aucun-e député-e ne se mette lui/elle-même dans cette position lui promettant beaucoup d'insomnies.

 

Cordialement / A galon.

Alan Stivell

 


Vos commentaires :
Lundi 6 mai 2024
@Ker itron al lann
Rien dans cette lettre ne fait entendre qu'Alan Stivell appelle à l'indépendance.
Une Bretagne réunifiée travaillera toujours avec ses voisins.
Toujours cette histoire du soi-disant repli, des soi-disantes frontières...
Quand on veux tuer son chien...
Sauf que vous êtes dans le camp du rejet, de la haine, de la peur, de la manipulation.

Au fait, j'attends toujours une réponse de votre part là dessus:

La Loire n'est pas innommable. Elle est simplement manipulée. Tout comme le terme ligérien. Il a été pendant deux siècles surtout réservé aux habitants du département de la Loire (42).
Au sens large, et vrai, il nomme les habitants de la vallée de la Loire.
Vous vous vantez de penser à nos amis de Vendée, de Sarthe et de Mayenne ? Moi aussi, et en commençant par remarquer que, de Loire, il ne la voit que rarement.
Maintenant, si ce fleuve propose des paysages magnifiques et rarement défiguré par l'industrialisation comme la plupart en Europe, c'est aussi parce qu'il est difficilement navigable. Intéressant aussi de constater que dans le 49, seul autre département PdL où la Loire passe effectivement, sa capitale Angers s'est développée sur le bord de la Maine.
Maine, née de la confluence de la Sarthe, de la Mayenne et du Loir.
La symbolique de la Loire portée par le discours auquel vous succombez comme lien et axe primordial d'échange est dans les faits bien limitée.
Au niveau du bassin hydraulique, Nantes est à part. Elle choisit la mer. Donc la Bretagne.
Je verrais une cohérence dans une B5+Vendée. Mais comme je ne souhaite pas que la Bretagne soit diluée, je ne souhaite pas que la Vendée le soit dans la Bretagne. Elle a plus d'avantages à rejoindre son Poitou d'origine. Et rien n'empêchera les Vendéens de venir faire du shopping à Nantes et les Nantais d'envahir les magnifiques plages vendéennes (avec malheureusement, souvent une attitude de petits Parisiens).

Nantes n'est donc pas sur la vallée de la Loire. Mais son estuaire. Donc, la mer qui a autant, si ce n'est plus, façonnée ses berges que l'eau douce.

Il y a plusieurs définitions d'un estuaire. La plus vieille, car ne demandant que des techniques d'observations sommaires est celle de l'influence des marées. Dans le cas de l'estuaire de la Loire, elles se ressentent jusqu'à Ancenis ! Les Namnètes, déjà. Alliés des Vénètes, déjà.
Je crois en l'importance de la géographie pour organiser un territoire.

Nantes, ville de l'estuaire de la Loire, oui. De sa vallée, pas du tout, donc pas ligérienne.
Étant particulièrement admiratif de l'oeuvre et de la pensée de George Orwell, il y a des diables dans les détails sémantiques.
Au jeu des mensonges et des manipulations, l'emsav est petit joueur.
Une campagne PdL de communication il y a quelques années présentait déjà 44+49+53+72+85=1 (addition écrite par un enfant sur un tableau noir, ce qui est lourd de sens).
J'attends le moment où on nous dira que l'union PdL/Bretagne sera tellement grandiose qu'elle vaudra 1+1=3.

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