La première revendication des Bonnets Rouges est la gratuité des routes. Derrière cette revendication simple se profile une autre, plus complexe, mais vitale : l'équilibre des territoires et l'aménagement de la Bretagne. Dans un univers mondialisé, la question des transports est stratégique, surtout pour les zones dites «périphériques». Choisir les modes, l'intensité et les coûts des transports est devenu un vrai choix de société.
Nous avons gagné la bataille de l'écotaxe. Mais aurions-nous oublié les routes maritimes, ferroviaires et aériennes ?
La question des voies ferroviaires a été abordée lors de la bataille de l'écotaxe. Le but affiché de la taxe était de favoriser les transports alternatifs, et en premier lieu l'articulation rail-route, appelée «ferroutage». Mais cette justification de l'écotaxe était mensongère.
L'activité fret de la SNCF est en dégringolade. En 1950, les deux-tiers des marchandises transportées en France passaient par le rail. En 2012, c'est seulement 10%. En 2000, le rail transportait 55 milliards de tonnes-kilomètres. En 2012, ce chiffre est passé à 21 milliards, soit une baisse de 62%. Il est difficile de croire qu'une telle chute, pour un opérateur historique en situation de quasi-monopole, ne soit pas liée à une volonté de désengagement.
D'autre part, la SNCF a cherché par tous les moyens à empêcher le ferroutage en Bretagne. D'abord en ne faisant rien. Ensuite en empêchant la concurrence de le faire. Les coopératives bretonnes ont organisé le ferroutage dans le cadre de Combiwest, tout comme elles avaient organisé le transport maritime vers l'Angleterre dans le cadre de Brittany Ferries. La SNCF n'a guère été loyale : achat de «sillons» pour empêcher Combiwest de les utiliser ; décrochage de wagons en gare de Rennes ; procès à RFF.
Le transport aérien doit être abordé, lui aussi, en termes d'aménagement du territoire et non en termes de rentabilité de chaque aéroport. La pertinence des implantations aéroportuaires est liée à l'activité économique des territoires, à leur position géographique et à l'existence de moyens de transport de substitution. L'équilibre de notre écosystème aéroportuaire pose à la fois la question du maintien de l'aéroport de Lannion et celle de la construction de celui de Notre Dame des Landes. Il faut remarquer que le transport aérien a une spécificité. Contrairement aux autres modes de transports, il est pour l'instant limité à une seule forme d'énergie, non renouvelable : le pétrole.
Les routes maritimes ne posent pas les mêmes problèmes que les routes terrestres. Sur terre, c'est l'infrastructure qui est déterminante. Elle est gérée par une institution publique ou par un délégataire dans le cas des autoroutes. Les moyens de transport terrestre sont encadrés par la loi, mais chaque entreprise choisit ses camions, ses destinations, ses horaires.
L'entretien des routes maritimes ne se pose pas de la même façon que l'entretien des routes terrestres. C'est le moyen de transport qui porte les contraintes : horaires, quais de départ et d'arrivée, gestion des lignes par une institution publique ou un délégataire.
L'équilibre des territoires et l'aménagement de la Bretagne passent aussi par nos routes maritimes. Les îliens sont mobilisés, avec cirés jaunes et bonnets rouges. Que pouvons-nous faire ? Je vois quelques pistes possibles.
1- Renforcer la présence bretonne au niveau européen. Une intervention auprès de la Commission Européenne des Iles est demandée par les îliens. D'autre part, il faudrait que les îles bretonnes soient présentes au sein d'ESIN, association des petites îles de l'UE.
2- Obtenir des aides gouvernementales ou retenir une partie de nos impôts pour les transports maritimes bretons. En Corse, le budget de l'État est largement mis à contribution pour assurer la continuité territoriale ; Pas en Bretagne. Les Bretons contribuent par leurs impôts à financer la RATP. Pour 1,70 ¤, on peut faire le tour de Paris. Il en faut dix fois plus pour aller sur nos îles.
3- Négocier des avantages locaux avec les entreprises qui obtiennent des droits sur le domaine public. C'est le cas, dans certains endroits, pour les champs d'éoliennes ou d'algues.
4- Mettre en place, pour le transport maritime, des solutions participatives, de type covoiturage, comme il en existe pour le transport terrestre.
5- Créer un substitut aux modèles économiques actuels. Les coûts de transport sont calculés sur l'amortissement d'un bateau neuf. Pour le fret, quelle serait la faisabilité et le coût de revient d'une barge ?
6- Favoriser l'émergence d'un champion régional. Aujourd'hui, la desserte des îles est assurée par un «champion national», Veolia. L'objectif, lors de la création de ces champions nationaux, était la conquête de marchés internationaux, afin de rapporter des devises en France. Cet objectif a été abandonné au profit d'un autre, plus paresseux et plus lucratif : vivre au crochet des administrés en occupant le créneau des dépenses obligatoires : énergie, logement, transport, assurances. La reconquête de ces créneaux doit être faite au niveau régional, afin d'être plus proche des populations.
Jean Pierre LE MAT
■Ca n'est pas la même chose de demander des «aides» de l'Etat, qui nous soutire notre argent, et de «retenir» nos impots (pourquoi seulement une partie ?).
C'est deux projets antinomiques.
Par ailleurs l'Etat (Valls) a me semble-t-il prévu de réduire le «retour» d'argent aux collectivités locales de quelques milliards.
Les augmentations par ci et les baisses de subventions par là doivent n'en être qu'à leurs débuts !
Il faut parvenir à tenir un discours qui sache articuler le local (ici les îles, ou le transport maritime) avec le global (autonomie/indépendance financière de la Bretagne)
Mais si on commence à demander des aides de l'Etat, alors on n'est pas sorti de l'oberje. L'Etat n'attend que ça, qu'on lui demande de l'aide, pour lui montrer qu'il est utile, même s'il cherche à en donner le moins, pour ne pas augmenter les dépenses...
L'argent est le nerf de la guerre !
L'Etat sans nos impots n'est rien.
Gardons notre argent !
Aujourd'hui, le sujet arrive sur le tapis. Les Bonnets rouges entendent porter une voix. Sur le principe, personne ne sera contre. Cependant, les bonnets rouges ne peuvent pas tout régler, ne peuvent pas sur tout infléchir. A moins de devenir un sous-Emsav, ou un Emsav dénué de l'affirmation d'une idéologie nationale bretonne, arrondissant des angles sur sujets économiques purs. La méthode du Locarn. Cette méthode peut s'avérer très bonne en nombreux termes. Le «nationalisme breton» par les îliens, marins et autres littoraux, peut également produire un rejet de la part de la population ou des autorités coloniales.
Là on touche un point essentiel : notre complexe d'infériorité vis à vis de l'Etat français, le fait colonial et la collaboration générale d'un Peuple fédéraliste par essence, qui chasse le naturel breton, soit un fédéralisme du ponant plus que l'extension et la compromission orientale (Francie, Allemagne).
Sans exclusion ni repli sur soi, les Bretons peuvent regarder vers l'île de Bretagne et leur zone d'influence mondiale... en lieu et place de croire en «ur Frans dinadur» dont les seuls impacts internationaux restent le pillage systématique de la matière africaine et se dépatouiller des pires crimes humains dont elle a porté les germes intellectuels puis opératifs (Gustave le Bon, Robespierre, Carrier... Jules Ferry...).
Les Bonnets rouges, au risque de passer pour un lobby éparse trop instable et mal pensé car émergeant en urgence, et fort de ses luttes internes au profit de l'assise de son sommet, risque de se constituer en un parti politique et rien d'autre.
La Bretagne a besoin de meta-politique, de politique, d'affirmation en toutes ses lignes, en priorité ses lignes de fractures.. mais DOIT porter un projet administratif pensé, fort d'une doctrine juridique stable, d'un gouvernement responsable et d'une complémentarité institutionnelle de bout en bout. Ce système, c'est le système délimités par les conditions juridiques institutionnelles du Duché de Bretagne, fédéraliste par essence, et modernisable à souhait (Type de Droit commun «common law», comme au Canada, aux USA, en Australie, en Inde, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni, en Irlande... et non du Droit romain civiliste comme en France).
Ce point échappe aux Bonnets rouges, et notamment au Collectif, qui boude les projets et dispositions qui y tendent (ABBR, KAD etc etc.), sans même avoir quelconque légitimité à décider à quel moment et pour quelle stratégie la Bretagne doit se taire ou l'ouvrir, établir des projets propres... comme si le Collectif n'avait au choix pas la matière intellectuelle pour dénoncer les avancées qui ne sont pas siennes... ou travaillerait pour ralentir les forces opératives engagées pour l'avenir de la Bretagne, au profit de la France avec qui le collectif aurait négocié la «paix». Au détriment de toute une société en attente d'un réel changement et d'une prise en main honorable.
Les BRs pourraient engager et militer pour une réelle «Assise des citoyens et professionnels de la Mer et du Littoral», agir pour le Parlement de Bretagne à venir, en lieu et place de l'événement festif passé pour «ETATS généraux» en mars dernier... ou ni ETATS ni généralités législatives et opératives ne s'en sont dégagés au delà des slogans mis en chansons et des discours politiques de certains leaders se succédant.
Chaque sujet doit créer des COMMISSIONS d'intérêts, par les citoyens, BRs compris, ouvrir les champs de réflexions, d'actions et de solutions. Chaque sujet revendiqué doit porter vers la mise en place d'une résistance structurelle à l'Etat français... au risque de complaire à un jeu dont l'ETAT FRANCAIS maîtrise les cartes comme à l'accoutumé.
Engageons-nous dans l'accomplissement général breton, non dans la pâle copie-colle d'un système et d'un mode opératoire FRANCAIS à bout de souffle, n'ayant jamais porté de bons fruits en Bretagne.
A galon
Visan Ar Floc'h