Pierre Toulhoat, la disparition d'un trésor national

Chronique publié le 17/10/14 9:34 dans Cultures par Jacques-Yves Le Touze pour Jacques-Yves Le Touze
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Pierre Toulhoat , à 91 ans, est parti lundi dernier vers les terres de l'éternelle jeunesse et c'est un artiste majeur du renouveau culturel breton qui nous a ainsi quittés.

Les Japonais donnent le terme de «trésor national » aux artistes ou artisans considérés comme les gardiens de biens culturels incorporels importants : je trouve que ce terme de «trésor national» correspond bien à ce qu'était Pierre Toulhoat : un artiste, un artisan d'art, qui s'inspirant de la tradition bretonne, a fait vivre la culture bretonne à travers la céramique, les vitraux, les bijoux et bien d'autres supports.

Comme tout un chacun, m'intéressant à la Bretagne, à la fin des années 70, j'ai découvert les bijoux Toulhoat qui étaient pour moi des symboles du renouveau breton : bagues, hermines, triskells, croix celtiques... Qui n'a pas porté un jour un de ces bijoux fabriqués dans l'atelier Toulhoat ? Mais ce n'était que le côté le plus connu de l'artiste. En 1987, j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises Pierre Toulhoat et j'ai découvert l'ampleur de son travail et de sa créativité. Travaillant alors à l'Institut Culturel de Bretagne et dans le cadre de la cérémonie de l'ordre de Hermine désormais annuelle, Bernard Le Nail me demanda de voir avec Pierre Toulhoat s'il n'était pas envisageable de recréer le collier de l'Hermine qui serait remis à chaque récipiendaire de l'Ordre. Et c'est ainsi que je passais à plusieurs reprises des heures passionnantes avec Pierre Toulhoat chez lui près de Quimper, ravis tous les deux d'échanger sur notre passion commune pour la Bretagne, sa culture, ses artistes. Lui me parlant de son travail, de ses rencontres, de ses difficultés face aux tenants de la culture «officielle», me faisant visiter son atelier, s'attardant sur tel projet en cours, sur tel autre non-abouti, moi tentant de revenir au sujet précis du collier de l'Hermine .....

Je dois avouer que je restais bien plus que de raison à discuter avec ce personnage si attachant qui tel un conteur, livrait ses souvenirs de Per-Jakez Helias, de ses ballades irlandaises avec ses copains du club des «Kasketerien» , des Jakez Fournier ou Jean-Jacques Hénaff. Bref, une plongée dans le renouveau breton des années 50, 60, 70 et 80.... Un vrai plaisir pour le néophyte que j'étais encore.

C'est là aussi que je me suis rendu compte de l'ampleur et de la diversité de ses réalisations : des céramiques, des faïences, des vitraux, des bronzes, des bijoux, des bannières, du linge de table, etc etc sans parler de son magnifique et extraordinaire jeu d'échecs en vermeil et argent exporté jusqu'aux USA .....

Je conseille le livre d'Armel Morgant consacré à Pierre Toulhoat et paru il y a quelques années chez Coop Breizh : vous y découvrirez le travail de cet artiste extraordinaire.

Durant les années qui suivirent, je rencontrai à nouveau Pierre Toulhoat au gré de fêtes et festivals à travers la Bretagne mais c'est en 2012 que je repris le chemin de son atelier car son fils, Yves, qui avait repris la direction de l'Atelier Toulhoat, souhaitait offrir un collier à Nolwenn Leroy dans le cadre de la remise du Prix Bro Gozh en juin 2012 à Guipavas. C'est dans ce contexte que je rencontrais pour la dernière fois Pierre, bien diminué physiquement mais toujours prêt à se lancer dans un projet ; c'est alors que je lui demandais de créer une broche pour le Comité Bro Gozh mêlant des symboles gallois et breton et, en le quittant, je vis qu'il était déjà en train de la créer en pensée. Malheureusement ce projet n'aura donc pas vu le jour.

Oui, la Bretagne a perdu un «trésor national» avec la disparition de Pierre Toulhoat.

Que Tir na n'Og l'accueille avec joie ! et que Ste Anne (de la Palud) le prenne sous sa protection !

PS : que dire du silence autour de sa disparition... aucun hommage de nos politiques ni de nos cultureux qui sont pourtant prompts à dégainer dans ce genre de situation...... Quelle tristesse ...


Vos commentaires :
Maryvonne Cadiou
Vendredi 27 décembre 2024
Merci Jacques-Yves de ce beau témoignage émouvant et si personnel et intéressant.
Il vaudra bien mieux que toutes les platitudes convenues des politiques, trop occupés à faire de la politique, à censurer les drapeaux bretons (Sainte-Anne d'Auray, et aussi le 3 mai à Paris...).

armel le sec'h
Vendredi 27 décembre 2024
YA gwir eo un tenzor hor bopl eo.
Oui nous avons perdu un trésor. Il était unique ! et pourtant nous devons aider à la naissance d'autres trésors pour la survie de notre AWEN, notre« inspir» celtique.

druide Ron Kornôg
Vendredi 27 décembre 2024
Que oui, encore un grand artiste breton, un barde qui s'en va vers le Gwenved. Espérons que son atelier, ses créations lui survivent, que d'autres passionnés prennent le relais...
Pour ce qui est des hommages, nous n'avons rien à attendre des arrivistes omnipotents qui n'auraient de toute façon pas manqué de verser une larme hypocrite.

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