Les éditions [[Skol Vreizh]] viennent de publier un petit livre très bien illustré intitulé Nantes en Bretagne ? --avec le point d'interrogation. Écrit par un Breton, professeur d'histoire à l'université de Bourgogne-Dijon, Dominique Le Page, le livre est plein d'informations nouvelles sur les relations entre Nantes et la question bretonne. De ce côté là c'est un excellent livre, très informatif, et destiné à un large public et tout particulièrement, on l'espère, aux Nantais trop souvent lésés par les médias concernant leur histoire commune avec la Bretagne. A ce sujet, on notera la critique courageuse, mais trop brève, de l'édition de Loire-Atlantique du journal Ouest-France (page 119) en ce qui concerne le manque d'infos sur la réunification et tout simplement sur ce qui se passe dans la région administrative voisine. Si le rôle négatif des médias dans le maintien du statu-quo n'est pas suffisamment dénoncé, l'auteur du livre est par contre très clair sur les nombreux sondages effectués indiquant tous le désir de réunification, aussi bien en Loire-Atlantique que dans la région Bretagne.
Le rôle de Nantes dans l'histoire de Bretagne est bien analysé en particulier au moment des guerres de l'indépendance dans un sous chapitre intitulé: «Nantes et les guerres d'indépendance (1487-1491)». La présence du breton dans la presqu'île guérandaise est bien signalée mais ce serait plutôt jusqu'au 20e siècle et non pas le 19e comme indiqué, puisque les derniers locuteurs ont disparu dans les années 1960.
Par contre, Le Page, comme tout universitaire au sujet des relations entre la Bretagne et la France, a des interprétations qui laissent songeur. Sous sa plume, le duché indépendant devient trop souvent un duché autonome. Si la question de l'hommage lige n'est pas abordée, car trop complexe pour ce petit livre, l'indépendance du duché aurait pu être clairement affirmée. Elle est pourtant indiscutable puisque le duché battait monnaie et envoyait des ambassadeurs dans les cours européennes, ce qui n'est mentionné nulle part.
La genèse de la création du territoire [[Pays de la Loire]] est presque parfaite sauf que personne ne mentionne jamais, y compris Dominique Le Page, que ce sont les socialistes qui ont fait ce charcutage de la France. Comme l'a rappelé Christian Rogel, chroniqueur à l'ABP, dans un article récent (voir notre article), c'est le gouvernement du socialiste [[Guy Mollet]] qui a créé les régions économiques et en particulier la région Pays-de-la-Loire. Le découpage en 22 régions est publié au JO le 6 décembre 1956, sous le gouvernement de Guy Mollet, suite à un décret du 30 juin 1955 signé par le président du Conseil des ministres, Edgar Faure, du parti radical-socialiste, alors que son gouvernement était doté de pouvoirs spéciaux, non-démocratiques, conférés pour des réformes économques. On a de plus en plus en plus l'impression que tout le tapage fait autour de la création d'une super-préfecture à Angers par Vichy en 1941, comprenant la Loire-Atlantique (et pas la Vendée), structure territoriale, abolie d'ailleurs en 1944, sert à masquer que des gouvernements socialistes de la 4e République ont créé les Pays de la Loire.
Page 107 : Dominique Le Page oublie de dire que le Conseil régional de la Région Bretagne a renouvelé ses voeux de réunification, le 2 juillet 2001 et de nouveau le 25 juin 2010. Il se contente de mentionner 1986. Il suffit pourtant d'utiliser le moteur de recherche de l'ABP (voir notre article) pour vérifier.
Page 109: Le Page dit que le Conseil général de la Loire-Atlantique a refusé une proposition de réunification en 1968 mais sans détails sur les circonstances, on reste sur notre faim. Par contre l'auteur omet de mentionner les voeux de réunification du même Conseil Général le 22 juin 2001, réitéré le 8 octobre 2004 (voir notre article). Monsieur Le Page, la consultation de ces archives sont pour le moment gratuites, profitez-en !
Page 114: L'attentat de Quévert est attribué par l'auteur aux militants clandestins bretons (l'ARB), sans aucune preuve puisqu'il n'y a pas eu d'identification des responsables, ni donc condamnations. On notera cette phrase gratuite, qui n'était pas du tout nécessaire vu la possibilité d'une barbouzerie... pas digne d'un historien : «cet acte odieux qui illustre l'impasse que constitue le nationalisme, tout particulièrement dans le cas de la Bretagne..[...]»
Erreur factuelle ou omission grave ? Dans l'encadré sur Yann Fouéré page 89, l'auteur dit que Fouéré a été condamné en 1947, mais omet de dire qu'en 1955 il a gagné son appel, la condamnation de 1947 a été annulée et Yann Fouéré a été réhabilité.
Page 120: Ronan Le Flécher est zappé en tant qu'un des deux co-fondateurs des [[Dîners celtiques]]. Seul, Yannick Le Bourdonnec est cité. Faudra-t-il aussi le découper des photos avec photoshop ?
On espère que ces corrections seront faites avant la seconde édition. Les 4 000 volumes de celle-ci sont déjà dans les camions et seront en librairie ce week-end ou au plus tard lundi.
Philippe Argouarch
Nantes en Bretagne ?
Dominique Le Page
Editions Skol Vreiz
Distribution Coop Breizh
Publication aidée par la Région Bretagne
150 pages. Plus de 300 illustrations.
■Monsieur Le Page n'est sûrement pas un héros. Ce n'est pas un monstre non plus. C'est simplement un bon petit soldat de la République le doigt sur la couture du pantalon. Mais, je n'achèterai pas son livre ! Skol Vreizh nous avait habitués à plus de rigueur. C'est dommage.
Dominique Le Page:
Professeur d'histoire
Université de Dijon
Chercheur associé au Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC)
Champs de recherche
Finances et financiers en France sous l'Ancien Régime (XVIe-XVIIe siècles)
Histoire sociale des institutions
Les officiers et les administrateurs en France sous l'Ancien Régime
Les principautés en France (XIVe-XVIe siècles)
D'autant que c'est souvent des ouvrages qui vont pas trop dans le détail...on aimerait par exemple des précisions sur ce qu'est une capitale au XIV-XVème siècle, et une capitale régionale au XXième, les tenants et les aboutissants en terme d'emplois (administratifs et conséquences sur le secteur privé), d'économie, une analyse exhaustive des votes des collectivités sur cette question sur le temps long (XIX-XXème-XXIème siècle), éventuellement des scoops sur les circonstances des découpages opérés en 1941, 56, 72 etc
Je pense qu'il y a un gros vide de la recherche en Sciences Humaines sur cette question...elles sont où les universités bretonnes ? c'est assez éberluant. Des enquêtes sociologiques approfondies dans le 44, en B4, les connaissances des bretons sur leur territoire, leur Histoire etc des études d'impact également en terme économique (et pas juste des agrégations de PIB actuels qui n'ont pas grand sens...puisque ne tient pas compte des impacts et dynamiques éventuelles de la réunification). Cela manque je trouve. On en reste bien souvent à des sempiternels ressassage sur Anne de Bretagne, Traité d'Angers, limites linguistiques, sondages grand public.
Citation de Sorj Chalandon