Quand trois-quarts des autorités locales indiquent qu'elles veulent qu'ait lieu une consultation populaire, quelle légitimité a un État de ne pas l'autoriser ? C'est pourtant, en Espagne qu'on invoque une constitution, déjà ancienne, pour ne pas même imaginer prendre en compte l'opinion des citoyens. Les derniers sondages montrent que plus de trois-quarts des Catalans veulent un référendum et que 58% soutiennent l'indépendance. Le slogan en vogue est « El dret de decidir » », parallèle à celui utilisé en Écosse (« Scotland decides »). L'Assemblea Nacional Catalana a collecté 750 000 signatures pour un État indépendant.
Hier, samedi 27 septembre, le président de la Généralité de Catalogne, Arthur Mas, qui n'a jamais prôné la séparation d'avec l'Espagne, a signé solennellement le décret de convocation des électeurs catalans pour le 9 novembre, mais, elles ne pourront avoir lieu que si les municipalités locales l'organisent. La veille, le Parlement de la Généralité de Catalogne avait voté par 106 voix contre 28 la loi permettant d'organiser cette consultation que le gouvernement et le parlement catalans estiment pleinement légale et démocratique. Les socialistes catalans ont voté pour une consultation, mais, désapprouvent le référendum dans le délai prévu par le gouvernement.
Mariano Rajoy, président du conseil espagnol, à peine revenu d'un voyage en Chine, a estimé, de la plus grande urgence de convoquer, ce dimanche 28, un conseil des ministres extraordinaire à seule fin de faire un recours devant le Tribunal constitutionnel, lequel peut laisser l'affaire traîner pendant des mois, voire des années.
Le fait que le Royaume-Uni n'ait fait aucune objection à la tenue d'un référendum, dont l'issue était binaire : indépendance ou statu quo (voir notre article) a affaibli la position espagnole, qui apparaît comme verrouillée sur des a priori qui ont déjà conduit à trois attaques sur Barcelone (1714, 1921, 1939). Quelques déclarations, encore isolées, de militaires espagnols ne permettent pas d'écarter totalement des bruits de botte. La question qui sera éventuellement posée aux Catalans est double : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État. Si oui, voulez-vous que cet État soit indépendant ? ».
Artur Mas veut poser la question de la souveraineté de Catalogne, mais, ne propose pas l'indépendance, car sa coalition politique (CiU) n'est pas unanime sur cet objectif. Le premier parti de Catalogne, la Gauche républicaine catalane (ERC) demande l'indépendance depuis plus de 90 ans, il est possible que les refus de l'État espagnol amènent à une déclaration unilatérale de celle-ci, si les élections qu'Artur Mas pourra être contraint de convoquer donnent encore plus de voix à ses rivaux. Les partis espagnolistes semblent destinés à devenir résiduels, tant la poussée catalane, aiguillonnée par la rancoeur contre un Etat absent et partial, est forte.
Des personnalités du Parti populaire proposent ouvertement de sanctionner la Catalogne entière, si le référendum est mis en oeuvre, en lui retirant son statut de Communauté autonome, comme l'avait fait le fasciste Franco en 1939. L'Union européenne envoie, via Angela Merkel, des signaux à Rajoy pour lui assurer qu'elle ne tolèrerait pas un Etat catalan, et que si cela advenait, il serait exclu immédiatement de l'application des traités.
Christian Rogel
■L'union européenne n'appartient pas à Madame Merkel !
Cela dit, l'Espagne a toujours géré ses différences internes avec moins de tact que ne l'a fait la France.