Le résultat du référendum sur l'éventuelle indépendance de l'Écosse, bien que consacrant nettement (55,7%-44,3%) l'union politique de la nation écossaise avec les trois autres qui composent, officiellement, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, est riche d'enseignements et ne peut pas clore définitivement la question, car le oui a gagné 10% dans les derniers mois, ce qui a entretenu une sorte de panique des dirigeants anglais, qu'ils ont réussi à transférer sur une partie des électeurs.
La fin de la campagne a mis en lumière que la BBC, autrefois réputée pour son traitement équilibré de points de vue, a introduit des biais dans la couverture de la campagne en évitant de montrer trop souvent le leader indépendantiste, Alex Salmond, et quand elle l'a fait, un de ses journalistes, Nick Robertson a escamoté une réponse pour prétendre ensuite que son interlocuteur s'était dérobé.
Un seul quotidien local (The Herald) a pris parti pour l'indépendance, tandis que tous les autres, pour une grande partie, propriété de Rupert Murdoch, soutien du gouvernement anglais, ont fait campagne pour le non. George Monbiot, journaliste du quotidien anglais, The Guardian, a montré ces manipulations (voir le site) (en anglais). Elles sont apparues plus clairement, quand les leaders des trois partis unionistes (Conservateurs, Travaillistes et Libéraux-Démocrates) se sont précipités en Écosse pour accentuer la campagne des médias qui agitaient, depuis des mois, toutes les perspectives les plus négatives. Sans surprise, les 16-24 ans ont voté plus pour le oui que les plus de 65 ans qui ont voté aux deux-tiers pour le non.
Malgré ses 41% obtenus aux élections de 20, le Parti national écossais («SNP») n'avait pas la capacité militante pour diriger, en détail, la campagne pour l'indépendance. Celle-ci a été le fait d'un genre d'organisation que les anglophones aiment à définir comme grass roots (mot à mot : au niveau des racines d'herbe). L'équivalent utilisé couramment en France, «organisation citoyenne», a un aspect abstrait et idéologique qui est moins employé dans les pays qui privilégient la communauté locale par rapport à la machine de l'État.
L'organisation Yes Scotland a ouvert des locaux dans toute l'Écosse et des volontaires ont afflué et organisé, d'eux-mêmes, des réunions, des rassemblements et des porte-à-porte. Un parallèle peut être fait avec l'association «Assemblea Nacional Catalana», qui a coordonné depuis 3 ans les manifestations géantes (voir notre article), auxquelles les partis catalanistes (CiU, ERC, ICV-UIA) ne font que participer. Pour des objectifs non indépendantistes, on peut voir comme une équivalence les comités locaux des Bonnets rouges (voir notre article) (voir notre article) et les comités locaux qui agissent pour la Réunification de la Bretagne (comités «Bretagne réunie» et «44=Breizh»).
Si la plus grande partie de l'Écosse a donné la majorité au non, mais, le fait que la plus grande ville du pays (et la 3ème du royaume) ait soutenu majoritairement l'indépendance s'explique par le fait que s'y concentrent des nombreux quartiers d'habitat social (jusqu'à 70% de oui) où la sortie du Royaume-Uni apparaît comme une solution à la politique de réductions drastiques de prestations sociales initiées par les Conservateurs.
Les partisans du non voient dans cette particularité le fait que l'éducation, reconnue comme performante en Écosse, a joué en faveur de leur cause, cependant, cela signifie que l'indépendance a, maintenant, une résonance sociale et, surtout, que le Parti travailliste va perdre des députés. Par contrecoup la droite britannique va garder une majorité forte, mais elle sera sapée par le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni («Ukip»). L'Écosse continuera donc à voter de manière différente, en particulier, pour les trois partis indépendantistes de gauche (SNP, SSP et Verts) et continuera d'empoisonner la vie politique londonienne. En Bretagne, la chute annoncée du PS aura des conséquences similaires.
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Depuis Marx et Engels, le nationalisme et le régionalisme autonomiste sont rejetés par la gauche comme bourgeois et manipulés par les possédants, mais, dans une situation politique confuse qui entraîne le discrédit des dirigeants, il devient un débouché politique normal, pour le meilleur et pour le pire. Les États, les institutions européennes, les banques et les grandes entreprises préfèrent, toujours, le statu quo, mais, l'actualité montre que le contrôle absolu n'est pas possible.
Malgré le résultat très net, les partisans du statu quo n'ont pas de quoi être tranquilles pour la stabilité de l'Écosse, qui demande une autonomie la plus poussée possible depuis 150 ans et qui a trop souvent été trompée ou déçue par ce qu'elle voit comme des miettes du vrai pouvoir, en particulier dans la répartition des recettes fiscales et dans la confiscation des revenus pétroliers.
Alex Salmond a annoncé qu'il accepte le verdict des urnes, se retire de la présidence de son parti et donc de son poste de premier ministre («first minister»), tandis que David Cameron suppose qu'il n'y aura «pas de nouveau référendum avant une génération». Il annonce qu'il tiendra sa promesse de pouvoirs accrus pour l'Ecosse, ainsi que pour les trois autres nations et les régions anglaises. Les citoyens des régions qui veulent des pouvoirs de proximité ont appris que la lutte pour les pouvoirs locaux peut payer, si elle est menée avec constance et habileté.
«Yes Scotland» a pour successeur le mouvement The 45 (%) qui va harceler les dirigeants britanniques, pour qu'ils tiennent leurs promesses.
Les deux principaux partis indépendantistes, le Parti national écossais et les Parti socialiste écossais annoncent un afflux de militants depuis le référendum, mais, s'il n'est pas créé de télévision écossaise, l'effet en restera limité.
Depuis la fin de la guerre froide, l'Europe est, de nouveau, entrée dans la grande lessiveuse, et il vaut mieux parier sur la réduction des partages inégaux du pouvoir que sur la stabilité des dominations illégitimes Voir la tribune libre de Carlo Lottieri (voir notre article). Puisse l'État français en tirer les conséquences.
Christian Rogel
■On y lit que 74% de ceux qui sont nés hors de l'Ecosse, probablement une majorité d'Anglais, mais, pas que, ont voté non à 74%.
Est-ce la seule réponse à la (aux) question(s) que soulèvent les 74% d'Anglais et «autres» nonistes au référendum «écossais»?
Il faut également obtenir l'adhésion des puissances financières.
Il faut encore se poser le problème impliqué par le phénomène du remplacement des populations déjà longuement et fortement pratiqué par la Ripoublique Française.