Sauver Kobanê, sauver le Rojava (Kurdistan de Syrie), c'est sauver un modèle social : « l'autonom

Communiqué de presse publié le 22/09/14 0:28 dans Politique par André Métayer pour André Métayer
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Le prétendu «Etat islamique» est criminel de s'en prendre aux personnes et aux biens des territoires envahies et de vouloir imposer sa dictature aux populations d'Irak et de Syrie. Il est aussi criminel de ne pas voler au secours du Rojava (Kurdistan occidental ou Kurdistan de Syrie, dont la population est estimée à trois millions de personnes sans compter les nombreux réfugiés, arabes et kurdes, venant des régions ravagées par les combats) et, de toute urgence, de Kobanê (Aïn al-Arab), le plus menacé des trois cantons. Plus de 500 000 Kurdes vivent dans la région de Kobanê, située en face de la plaine de Suruç au Kurdistan du Nord (Kurdistan de Turquie), dont les villes et villages qui lui font face sont peuplés de Kurdes issus des mêmes familles. Cette terre agricole irriguée par l'Euphrate, un des deux fleuves de la Mésopotamie, est une plaine difficile à défendre avec des armes de poing contre des envahisseurs dotés de chars, de mitrailleuses lourdes et de missiles. La population fuit par milliers.

Un nouveau Sinjâr est à craindre avec son cortège d'enlèvements, de disparitions, de viols et d'exécutions. D'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) quelque 300 combattants kurdes sont venus du Kurdistan nord «prêter main forte à leurs frères d'armes syriens». D'autres sont en route. Ils viennent défendre une population et un modèle social.

Un modèle social qui risque de disparaître

Les Kurdes de Syrie ont eu, eux aussi, leur « printemps » avec un mouvement révolutionnaire commencé réellement le 15 mars 2011 et gagnant progressivement tout le pays. La date qui a finalement été retenue pour célébrer la mise en place d'un système appelé « autonomie démocratique » est le 19 juillet 2012, jour de la prise de pouvoir à Kobanê (photo ANF).

Ce concept - démocratie, socialisme, écologie, féminisme - adopté par l'Assemblée législative du Rojava, permet à chaque canton d'élire des assemblées citoyennes décentralisées et de se doter de structures de gouvernance incluant toutes les nationalités et toutes les religions. La laïcité est implicitement respectée. C'est une alternative au trio «capitalisme, Etat-nation, productivisme», qu'on peut définir par «nation démocratique», «économie communautaire», «industrie écologique». Une organisation politique et administrative est mise en place pour la gestion des différents secteurs (éducation, culture, social, santé, économie...) protégée par des unités de combattants et de combattantes qui font face avec courage à une situation inédite.

Le double jeu du Président Erdogan met la Turquie en porte-à-faux

Les autorités du Rojava et l'Union des Communautés du Kurdistan (KCK) ont lancé un appel à la mobilisation générale. De son côté, le principal parti kurde de Turquie, le DBP (Parti démocratique des Régions, anciennement Parti pour la Paix et la Démocratie), qui organise la résistance civile, a appelé la population à se rendre en masse occuper la frontière entre la Turquie et Kobanê.

Cette mobilisation a créé des heurts avec l'armée et les gardes-frontière qui ont chargé les manifestants à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes, mais les Kurdes de Syrie ont forcé le barrage et contraint la Turquie à ouvrir ses portes pour laisser passer un premier contingent de réfugiés. Pour autant la Turquie est toujours réticente, au grand dam de ses alliés de l'OTAN, à s'engager plus avant dans la lutte contre les djihadistes, officiellement pour protéger la vie des 45 otages turcs détenus par l'EI (qui viennent d'ailleurs d'être tous libérés sains et saufs). En fait, le «stratège» Erdogan, chef d'un parti islamo-conservateur, s'est fourvoyé dans un deal avec les islamistes radicaux, voyant en eux le moyen de se débarrasser de Bachar El Assad, de porter un coup fatal à ce Kurdistan de Syrie de plus en plus autonome, donc dangereux, et par ricochet d'affaiblir le PKK et toute la représentation légale des Kurdes en Turquie. Il pensait pouvoir éradiquer le modèle social mis en place au Rojava qui n'est d'autre que celui lancé par Abdullah Öcalan et repris par la représentation légale des Kurdes de Turquie, ce qui vaut à nombre de militants d'être toujours détenus et au KCK d'être poursuivi pour «appartenance à une organisation terroriste». A la délégation des Amitiés kurdes de Bretagne qu'il a rencontrée à Diyarbakir, Eşref Mamedoglu, Vice-président de la section locale du BDP, a montré l'interdépendance entre les avancées des uns et des autres. «Le système d'Ocalan est en train de se construire. Rojava, c'est le test».

Appel à la communauté internationale

Dès le 6 juillet dernier le Congrès National du Kurdistan (KNK) en appelait à nouveau à la communauté internationale pour mettre fin immédiatement aux attaques contre le Kurdistan, à Kobanê en particulier et au Rojava en général, «en prenant des mesures concrètes, d'ordre politique, économique et juridique».

Le 7 août, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, co-président et co-présidente du HDP, écrivaient à Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, pour lui demander solennellement de prendre les initiatives que la situation impose.

Autant la communauté internationale semble se mobiliser pour chasser les djihadistes d'Irak et du Kurdistan d'Irak, autant elle se fait discrète quand il s'agit du Kurdistan de Syrie, comme si sa déstabilisation et celle de son modèle social étaient, pour certains, un objectif à atteindre.

Le président François Hollande, dans sa conférence de presse du 18 septembre dernier, a confirmé qu'il avait donné son accord pour mener des raids aériens en Irak. Par contre, il a réitéré l'opposition de la France à intervenir militairement en Syrie, «en l'absence de cadre juridique et politique pouvant légitimer une intervention», mais n'a pas exclu d'apporter un soutien militaire à «l'opposition démocratique», sans préciser si, dans «l'opposition démocratique» figurent les forces combattantes kurdes qui ont créé le 10 septembre dernier, avec l'Armée syrienne libre (ASL), un centre d'opérations conjoint.

Dans sa stratégie anti-djihadiste annoncée le 10 septembre, Barack Obama, dont le pays mène des frappes contre les positions de l'EI en Irak depuis le 8 août, a affirmé qu'il était prêt à faire de même en Syrie, mais aucune action militaire n'a encore été entreprise dans ce pays.

Relayant les appels des autorités du Rojava, de l'Union des Communautés du Kurdistan (KCK) et du DBP, la Fédération des Associations Kurdes de France (FEYKA) a appelé tous les organisations kurdes à manifester samedi 20 septembre pour demander à la communauté internationale d'adopter immédiatement des sanctions contre les Etats qui soutiennent l'EI, en particulier la Turquie, de prendre des mesures urgentes pour protéger la population de Kobanê et de soutenir les forces kurdes qui sont le principal rempart contre l'EI en Syrie et en Irak.

Selma Irmak, Sabahat Tuncel, Kemal Aktas, députés kurdes de Turquie, (groupe HDP - Parti démocratique du peuple) et Feleknaz Uc, ex-députée Allemande au parlement européen, ont commencé, ce dimanche 21 septembre, à 13 heure, une grève de la faim sur la Place des Nations à Genève afin d'attirer l'attention sur les offensives meurtrières que l'Etat Islamique a lancé contre Kobanê, et demander une aide humanitaire d'urgence pour le peuple kurde.

Amara - Maison du peuple kurde de Rennes a répondu à cet appel par une manifestation et en prévoyant une série d'actions qui vont se dérouler à partir du 22 septembre.

André Métayer