Carnet d'un Bonnet Rouge n° 2 : Qui est "derrière" ?

Chronique publié le 1/09/14 19:06 dans Editorial par Jean-Pierre Le Mat pour JPLM
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"Qui est derrière ?" Voilà la question qui signe le degré zéro de l'analyse politique. Il suffit d'écarter ce qui ne rentre pas dans nos petites cases. Quand on est incapable de voir ce qu'on a devant les yeux, c'est-à-dire la réalité, on se donne un air malin en imaginant ce qu'il y a derrière. Il suffit pour cela d'étaler des préjugés sur les étiquettes ou la réputation des uns et des autres. Les incohérences du jugement n'ont pas besoin d'être justifiées. Il suffit de considérer qu'il y a d'un côté des manipulateurs, de l'autre des manipulés. C'est simple, c'est rassurant, c'est accessible à tous.

Qui est derrière ? Les Bonnets Rouges sont restés une association de fait. Ils n'ont pas élu de président. Les choses se sont déroulées dans une joyeuse anarchie, qui peut être d'une efficacité redoutable lorsque la confiance règne. Le Collectif "Vivre, Décider et Travailler en Bretagne" a coopté ses participants au gré des événements, des compétences et des actions. Pendant plusieurs mois, aucun compte-rendu de réunion n'a été rédigé, et pour cause ! Aucun secrétariat n'avait été désigné, et personne ne s'en souciait.

Pour que, derrière les Bonnets Rouges, il y ait une puissance financière occulte, encore faut-il qu'ils aient des besoins financiers permanents. Nous n'avons aucun salarié à payer, aucun bâtiment à entretenir. Pourquoi même entamer des négociations ?

Pour qu'une puissance politique ou religieuse obtienne notre allégeance, encore faut-il avoir intérêt à s'enfermer dans une idéologie ou une religion. Il faudrait aussi qu'une puissance occulte ait l'idée saugrenue de s'occuper d'un mouvement populaire hétéroclite, et d'une région beaucoup trop éloignée des centres de décisions.

Qui est derrière ? Dans le tohu-bohu, la pauvreté de l'analyse politique des commentateurs se révèle au grand jour. Qui est le chef d'orchestre clandestin ? L'Opus Dei, l'extrême-droite, le patronat français, le patronat breton, les "productivistes", les autonomistes ? Derrière les Bonnets Rouges, il y a un complot. Forcément. Sinon, ce n'est pas compréhensible. Dans l'imaginaire français, nous devrions tous être des Oncles Tom, gentils et un peu niais. Quelle force obscure nous a transformés en d'inquiétants Mandela ?

Les théories du complot expliquent les choses comme si tout était lié. Les événements obéissent tous à la volonté cachée d'un groupe qui poursuit un but à la fois simple et sombre. Lorsque le phénomène atteint une certaine intensité et concerne une large frange de la société, il engendre ce que les Anglo-Saxons appellent une "moral panic" ou une "mass hysteria". Les Juifs en ont été les victimes les plus constantes. Il y eut aussi, selon les lieux et les époques, les sorcières, les protestants, les catholiques, les homosexuels, les étrangers, les communistes, les anticommunistes, les musulmans et bien d'autres. Les trois caractéristiques en sont connues : le consensus populaire, la disproportion entre le risque réel et le remède proposé, la volatilité du phénomène.

L'objectif des Bonnets Rouges n'a rien d'occulte. Il s'exprime dans une Charte, puis dans 11 revendications. Il s'est cristallisé autour du refus d'une taxe injuste. Tout le monde sait cela. Mais la société française se sent menacée, de l'extérieur comme de l'intérieur. La caste dirigeante ne se sent responsable de rien. Centrée sur Paris, elle ne peut imaginer qu'une nouveauté révolutionnaire apparaisse en Bretagne. Il faut qu'il y ait une manipulation, et que l'ennemi qui manipule tout cela fasse partie de leur univers mental.

Quand la Bretagne bouge, qui tire les ficelles ? Moscou ? Pékin ? Les djihadistes ? Les milliardaires juifs ? Les Jésuites ? Le MEDEF ? Le FN ? La FNSEA ? L'Institut de Locarn ? Jean-Yves Le Drian ?

Et si… Et si les Bretons avaient des raisons légitimes de se révolter, que les élites qui nous gouvernent ne veulent pas voir ?

Jean Pierre LE MAT


Vos commentaires :
Samedi 4 mai 2024
Ok mais avouez que ça fait quand même drôle de voir défiler ensemble des industriels qui se sont goinfrés de subventions (c'est à dire notre pognon) pour transformer la Bretagne en porcheries, en abattoirs, en élevages de poulets, et les pauvres gars qui y bossent pour une poignée de moules, mais qu'on va foutre dehors parce qu'ailleurs il y des encore plus pauvres gars, qui seront payés avec encore moins de moules et que ça permettra à Gad et compagnie de continuer à s'en mettre plein les poches. C'est du foutage de gueule mais c'est sur que quand tu n'as aucune qualification et que t'as passé ta vie à pousser tes quartiers de b½uf ou à éviscérer des poulets tu n'as pas le choix.Donc tu défiles la trouille au ventre. Il n'y a pas de complot quoique, comment est-ce qu'on peut appeler les méfaits de la financiarisation de l'économie, ça serait pas un genre de complot de ceux qui tiennent les manettes et qui se disent moins qu'on les paye ces salauds de pauvres et plus qu'on s'en ramasse? Je me le vous le demande, Armande. Ceci étant il est toujours bon de se révolter, même si parfois il est un peu tard, ça me fait un peu penser à l'histoire qui dit:
Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n'ai rien dit,
Je n'étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n'ai rien dit,
Je n'étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n'ai pas protesté,
Je n'étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n'ai pas protesté,
Je n'étais pas catholique.

Je rajoute:
Quand ils ont fermé les écoles
je n'ai pas protesté
mes enfants sont adultes

Quand ils ont détruit les haies pour remembrer
je n'ai pas protesté
je ne suis pas paysan

Quand ils ont construits des hypermarchés à la sortie de la ville
je n'ai pas protesté
je ne suis pas commerçant

Mais quand ils ont fermé mon usine
J'ai protesté
Mais il était trop tard

Pour conclure la révolte c'est comme l'humour on peut le faire mais pas avec n'importe qui. Et comme disait François Bérenger «C'est toujours les petits qui se mouillent quand vient l'automne et la pluie c'est toujours les petits qui se mouillent les gros sont bien à l'abri».

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