Dans un article précédent consacré à la visite de Michael D Higgins , président d'Irlande au Festival Interceltique de Lorient (voir le site) , j'indiquais que les déclarations officielles avaient manqué pour le moins de contenu.
Or ce n'est pas tout à fait exact car le président d'Irlande a profité d'une réception donnée le samedi 2 août sur le bâtiment irlandais le Niamh (donc en territoire irlandais) pour faire un discours notable. En dehors de la soixantaine de personnes présentes, ce discours est passé malheureusement inaperçu, aucun media ne le reprenant.
Pire, pour les non-anglophones présents, la traduction faite en français sur place aura fait l'impasse sur deux points importants de ce discours portant sur la langue bretonne et son sort peu enviable, et sur les Bonnets rouges, exemple social d'une tradition réinventée.
C'est pour le moins curieux. L'interprète répondra sans doute qu'il ne pouvait pas tout traduire, etc etc. Si c'est le cas, c'est une attitude pour le moins désinvolte lorsqu'il s'agit d'un discours officiel d'un chef d'état. Ou bien s'agit-il d'un choix délibéré de faire l'impasse sur des propos politiquement incorrects dans le contexte français ? L'interprète en question étant par ailleurs un grand promoteur de la fusion des universités bretonnes dans un grand-ouest universitaire, la seconde option est sans doute la bonne ..
Ci-dessous le texte intégral du discours du président Higgins.
Discours de Michael D. Higgins, President d'Irlande
lors de la réception sur le LE Niamh
Lorient, Bretagne
Samedi 2 août 2014
Commandant Heffernan,
M. L'Ambassadeur Montgomery,
Monsieur le Sous-Préfet,
Aotrou Député,
Itronezed hag Aotrounez,
Mignoned Breizh hag Iwerzhon,
Ur blijadur vras eo bout ganeoc'h en Oriant, e Breizh.
C'est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue sur ce bateau de la marine irlandaise, le LE Niamh. C'est pour moi, ma femme Sabina, notre ambassade et notre délégation l'occasion de vous remercier pour le chaleureux accueil que nous avons reçu hier à notre arrivée à Lorient. Au nom de l'équipage, je souhaite aussi remercier la ville et le port de Lorient pour l'accueil du LE Niamh.
Depuis son entrée en service en 2001, le Niamh a patrouillé à travers les mers autour de l'Irlande par tous les temps, sauvant des vies, poursuivant les trafiquants, protégeant nos zones de pêche. Le peuple irlandais est très fier de sa marine et le Niamh fait régulièrement des visites de courtoisie comme aujourd'hui à Lorient. Je peux aussi vous dire que l'équipage est particulièrement heureux d'avoir jeté l'ancre sur la côte sud de la Bretagne, pays avec une très riche histoire maritime.
Le Niamh, comme tous les navires militaires irlandais jusque récemment, a été nommé d'après un personnage de la mythologie celtique: Niamh était la magnifique fille aux cheveux blonds de Manannan Mac Lir, le dieu de la mer qui donna son nom à un autre pays celtique, l'Île de Man. Elle se maria avec Oisin, le fils du grand guerrier Fionn Mac Cimhaill, et durant de nombreuses années vécurent et régnèrent ensemble sur Tir na nOg, «le pays de l'éternelle jeunesse». Cet arrière-plan celtique fait du Niamh le lieu idéal pour cette réception interceltique.
J'ai bien entendu accepté l'invitation à assister au Festival Interceltique de cette année.
C'est en partie du fait des liens entre ma ville Galway et Lorient. Nos deux cités sont jumelées depuis 1975, soit près de 40 ans. En tant qu'ancien maire de Galway, je suis tout à fait conscient de la valeur de ce lien et je suis très heureux de pouvoir rencontrer une nouvelle fois les Lorientais, et en particulier mon homologue et très bon ami, Jean-Yves Le Drian.
Mais je suis aussi conscient de la profondeur des liens entre Bretagne et Irlande. De nombreux liens commerciaux et culturels au sens large ont existé dès les temps les plus anciens jusqu'au Moyen-Age entre l'Irlande et l'Armorique, souvent par l'intermédiaire de l'Île de Bretagne et ceci grâce, semblerait-il, au rôle joué par le Trégor maritime. De nombreuses églises, de nombreuses chapelles, de nombreux villages portent la marque et souvent le nom de moines irlandais, Colomban, Brendan, Ronan, Fingar et bien d'autres, qui ont contribué à la christianisation de la péninsule.
De tels liens ne se limitent pas à la seule Bretagne mais touchent aussi de nombreuses régions d'Europe de Luxeuil-les-Bains, Regensburg jusqu'à Bobbio. Et bien que ces anciens liens avec l'Europe continentale aient quelque peu été éclipsés au fil des siècles au sein de l'imaginaire irlandais, de nos histoires populaires et de nos chansons,par l'émigration massive en Grande-Bretagne en Amérique et dans d'autres régions du monde, ces anciens liens constituent une part essentielle de l'histoire irlandaise.
Les liens entre l'Irlande et ce qui est aujourd'hui la France remontent à plus de 1400 ans avec la grande pérégrination de Saint Colomban. A travers les siècles nos peuples ont forgé des liens très forts à travers les échanges religieux et intellectuels, à travers les arts et la littérature, à travers le commerce. Des soldats français ont combattu pour la liberté irlandaise en 1798 et des soldats irlandais sont morts au service des rois de France.
Et il est aussi important, en ce mois qui commémore le centenaire de la première guerre mondiale, de se souvenir des dizaines de milliers d'Irlandais engagés dans les troupes britanniques qui arrivèrent sur le sol français et de ceux qui donnèrent leur vie ou furent terriblement blessés, sur les champs de bataille de Belgique et de la Somme.
Nos liens aujourd'hui sont plus forts que jamais. Nous sommes partenaires au sein de l'Union Européenne. La France est l'un des principaux marchés pour les produits irlandais, dont les produits de la mer , un secteur que la Bretagne connait bien. La langue française est la langue étrangère la plus enseignée et plus de 400 000 Français ont visité l'Irlande l'année dernière.
Nos footballeurs, nos golfeurs, et nos pêcheurs... se rencontrent régulièrement. Et si je peux me permettre , notre équipe de rugby a gagné en mars dernier le tournoi des six nations en s'imposant au Stade de France.
Mais de toutes les régions françaises, il n'y en a pas de plus chère aux c½urs irlandais que la Bretagne.
Je constate que nulle part ailleurs en France, l'intérêt pour l'Irlande n'est aussi fort qu'ici. Nos paysages et nos côtes sont similaires et nos climats sont presque semblables.
Et, bien entendu, nous sommes ensemble les gardiens de deux langues celtiques parmi les langues les plus anciennes d'Europe. Brezhoneg et Gaeilge sont plus cousins que frère et s½ur, mais le fait est qui'elles appartiennent à la même famille des langues celtiques: il y a de nombreuses similarités entre elles et elles partagent les mêmes mots comme pour la couleur noire ( dubh/du) ou le terme baiser (pog/pok).
Aujourd'hui, les deux langues doivent relever des défis importants non seulement du fait de l'urbanisation et de la mondialisation, mais aussi de la pression sociale: nos deux langues vivent dans l'ombre de deux langues internationales, mais nous restons unis dans notre détermination pour préserver et promouvoir le breton et l'irlandais. Des universitaires travaillent avec des professeurs et de nombreux bénévoles pour transmettre nos langues à nos enfants. Bien entendu, je sais que la langue bretonne ne bénéficie pas du même soutien institutionnel et constitutionnel que le gaélique et j'encourage vivement les nombreux militants qui se dévouent corps et âme pour que la langue bretonne continue à vivre.
La vitalité de la société civile bretonne, le dynamisme et la détermination de sa jeunesse à garder vivante la Bretagne intérieure, la remarquable capacité des Bretons à se mobiliser pour des causes collectives et l'importance des projets coopératifs dans les domaines sociaux, culturels et économiques, constituent des ressources vitales pour le présent et le futur du peuple breton. Tout ceci fait de la Bretagne une région exemplaire à la citoyenneté active et participative. Et je sais que face aux nombreux défis que présente l'avenir, les Bretons pourront s'appuyer sur une forte identité collective.
Je sais qu'ils peuvent s'appuyer sur leur longue tradition culturelle et leur propre histoire pour préserver le nom et l'intégrité de leur région dans le futur.
Selon les mots de Paul Ricoeur, une tradition reste vivante seulement si elle se réinterprète en permanence.
Le récent épisode des Bonnets Rouges, qui invoqua un mouvement du XVIIème siècle pour porter des revendications contemporaines, au-delà de ce qu'on peut penser de celles-ci, est un exemple éclatant d'une tradition restée vivante dans la conscience collective et réinterprétant les promesses émancipatrices mais non-abouties du passé.
Une telle conception de la tradition réinterprétée est incarnée magnifiquement dans le chant et la musique bretonnes. Et je suis heureux de voir musiciens bretons et irlandais s'enrichirent mutuellement. Cette amitié à la fois ancienne et moderne sera cette année amplement démontrée lors du Festival interceltique et dès ce soir avec l'excellent piper Liam O Flynn.
In Éirinn an lae inniu, is mian linn Eoraip a chruthú agus a mhúnlú a bhfuil níos saibhre in a chumas traidisiúin chultúrtha a shamhlú agus a chur i láthair.
En Irlande aujourd'hui, nous voulons construire une Europe plus imaginative et plus respectueuse de ses traditions culturelles.
Ainsi les liens contemporains entre l'Irlande et la Bretagne n'ont jamais été aussi forts. De si nombreux Irlandais viennent en Bretagne chaque année, notamment grâce à la ligne Cork-Roscoff; vous avez même nommé un Irlandais à la tête de votre Comité du Tourisme. Un autre phénomène est l'intérêt croissant pour les sports traditionnels irlandais à travers l'Europe, la France mais surtout la Bretagne.
Peu d'évènements symbolisent la forte de nos liens autant que le Festival interceltique de Lorient et ceci depuis 1971. L'Irlande est de nouveau l'invitée d'honneur cette année et je suis heureux que le gouvernement irlandais ait participé financièrement à cette édition. Je remercie le président du festival, Guy Gestin, son directeur Lisardo Lombardia et toute l'équipe pour leur travail extraordinaire.
Trugarez evit ho tegemer.
Go raibh míle maith agaibh go léir don chéad míle fáilte agus go mbainfidh sibh taitneamh mór as an Féile.
Texte original sur le site de la présidence irlandaise: (voir le site)
■Et le nom du traducteur indélicat, pour qu'on sache la prochaine fois.
Tout discours d'un officiel nécessitant une traduction devrait avoir la présence d'un traducteur du milieu breton. De plus, le FIL devrait s'assurer de la moralité des traducteurs officiels qu'il mets à disposition.
Les propositions comme celle de M.Robert Guillemot sont certainement à prendre en considération.
YP
Le chef d'un état souverain est l'homologue d'un ex-président de conseil régional. C'est un gag ? Le très british sens de l'autodérision de Michael D. Higgins ?
En prenant connaissance des textes, et connaissant l'ambiance culturelle et politique en France, je suppose que les paragraphes manquants sont les suivants. Citations pour nos amis irlandais :
…/…
Today both languages face the huge challenges, not only of urbanisation and globalisation, but of commodification and pressures on social space and time; both languages live in the shadow of strong international languages, but we are united by a determination to preserve and indeed to renew them. Scholars in our universities and institutes work alongside teachers in our schools and with so many people on the ground to ensure that Breton and Irish are passed on to our children. Of course I am aware that Breton does not benefit from the same institutional and constitutional support as Irish does, and I wish well to the many activists who dedicate so much of their time, energy and passion to creating spaces where Breton continues to be relevant.
…/..
I know that they can draw on their deep feeling for their lively culture and their distinctive past to preserve the name and integrity of their region in the future.
…/..
The recent episode of the “Mouvement des Bonnets Rouges,” when a 17th century peasant revolt against the feudal class system was invoked to voice contemporary claims, and whatever one might think of the legitimacy of these claims, provides such a striking example of a tradition kept alive through an awareness of the unfulfilled, emancipatory promises of the past.
Dès lors, deux hypothèses:
. ou bien M. Peeters est incompétent. Sa fiche Wikipedia [ Voir le site ] le présente pourtant comme un spécialiste de « traductologie » (sic !)
. ou bien il se livre délibérément à une opération de sabotage. Pour s'en rendre compte on se reportera au site du FIL, rubrique qui sommes-nous / piv-omp-ni [ Voir le site ] :
M Peeters a-t-il lu dans leur intégralité les paragraphes suivants :
Présentation [du Festival].
…/… « une place particulière dans l'ensemble des festivals bretons, mais aussi nationaux dans la mesure où il a su créer un lieu de rendez-vous mettant en scène la Bretagne à côté d'autre nations et ainsi forger un nouveau concept porteur d'échanges : l'interceltisme. » …/…
But de l'association loi de 1901
…/…
« de contribuer à la promotion de la culture bretonne et celtique, et ainsi de promouvoir, tant au plan national qu'international, l'image du pays de Lorient, du Morbihan, de la Bretagne et des pays celtiques, » …/…
M. Peeters est bénévole au FIL depuis 1983, nous dit-on.
Cela suffit-il à lui confier un rôle de premier plan dans le pilotage du FIL ? Pourquoi le FIL n'a-t-il pas engagé un interprète professionnel sur un sujet aussi sensible ? Peut-on avoir connaissance de la traduction complète qu'a effectuée M. Peeters ? Ne peut-on pas envoyer un rectificatif à tous les destinataires de la version papier ou aux auditeurs institutionnels ou professionnels qui étaient présents ce jour-là ?
Cette affaire est grave.
Question finale : qui pour manager en second le FIL 2015 ? Piv a vo eil-rener Gouel Etrekeltiek an Oriant e 2015?
A force de vouloir étendre sa notoriété, ce festival risque effectivement de disparaître et cela sera bien dommage pour tous les Bretons et celtes fiers de se retrouver 15 jours par an.
Il faut que le FIL se resaisisse en revenant à ces fondamentaux : la culture bretonne et celte.
et sélectionne mieux les personnes qui doivent le représenter.
Je n'ai rien contre Mr Peeters et vu son nom et sa traduction, je doute fort de ses convictions bretonnes ou celtiques. Essai à ne transformer à l'avenir et surtout pour l'année prochaine, qui sera l'année de la Cornouailles britannique et de l'île de man.